VOYAGE
famille à laquelle elle appartient qu’à sa jeunesse ou
à sa beauté. Touai me répétait souvent que sa femme
qu’il cbérissait tendrement appartenait à l’une des
plus nobles familles de la Zélande. Shongui avait aussi
beaucoup d’affection et de considération pour sa première
femme, qui était aveugle et dépourvue d’attraits
personnels , mais (jui était d’une naissance
illustre.
Polygamie. Ordinairement les époux vivent ensemble de bonne
amitié , et les querelles sont rares entre eux '. Si le
mari veut prendre plusieurs femmes, ce qui lui est
permis 2, il est obligé, disait Touai, de fournir à chacune
d’elles un logement, et rarement il arrive que
deux femmes habitent ensemble. Quelques rangatiras
opulens ont eu jusqu’à dix femmes, comme Ta-
r e h a 3; Shongui en avait sep t, Koro-Koro trois ; mais
Touai n’en avait jamais pris qu’une seule, et quand je
lui en demandai la raison , c’é ta it, disait-il, pour ne
pas faire de peine à Ehidi.
Parmi ces diverses femmes , il en est toujours une
qui occupe le premier rang , et c’est celle qui sort de
la famille la plus distinguée. Elle participe seule aux
honneurs et aux dignités de son mari, et ses enfans
sont destinés à succéder au père dans ses possessions
et dans son pouvoir 4.
Les chefs épousent souvent plusieurs soeurs à la
I R iu h e rfo rd , d ’ü r v . , I I I , p . 7 5 0 . — 2 Cook, t r o i s . V o y . , I , p . 1 7 8 .
S a v a g e , p . 4 4 . — 3 M a r s d e n , d ’U r v . , I I I , p . 1 6 4 . — 4 N ic h o la s , I ,
p . 1 7 7 . M a rsd e n , d ’U r v . , I I I , p . 4 0 7 . O m is e , d ’U r v . , l l l , p . 6 6 5. R e v u e
B r ita n n iq u e , d ’U r v . , I I I , p . 7 2 3 .
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fois. Tepahi, quoique très-âgé et paralytique , avait
épousé les quatre soeurs , et avait en outre plusieurs
autres femmes '. Rutherford épousa à la fois les deux
fdles de son chef Emaï, Eshou et Epeka 2.
Toute espèce de relation est sévèrement interdite
entre les personnes de famille noble et les esclaves 3.
Le traitement barbare que Tepahi fit subir à sa propre
(îlle, en la renfermant durant des années entières dans
une cage étroite, démontre à quels excès l’orgueil nobiliaire
offensé peut se porter même sur les plages
sauvages de la Nouvelle-Zélande 4. Rutherford assure
néanmoins qu’un cbef peut épouser une esclave, mais
qu’il est exposé à être dépouillé de ses biens pour
avoir violé la coutume. L’enfant d’une esclave est
esclave , quand même son père serait un chef 3.
Nous avons déjà annoncé que les rangatiras no
semblaient voir qu’avec une sorte d’horreur toute espèce
de communication intime avec leurs esclaves 3.
S’il arrivait cependant, me disait Touai, qu’un cbef
vînt à avoir un enfant d’une de ses esclaves , sous
peine d’être déshonoré aux yeux des siens, il serait
obligé de l’épouser. Pour cela il lui donnerait la liberté
ou l’achèterait 7, et irait ensuite la demander à
ses parens avec les formalités requises. Nous ferons
observer d’abord qu’une telle manière d’agir démontrerait
un scrupule d’honneur bien étonnant pour de
1 S a v a g e , p . 4 4 . — 2 R u th e r fo r d , d ’U r v . , I I I , p . 7 4 9 . — 3 Nicholas,
d ’U r v . , I I I , p . 6 o r . R u th e rfo rd , d ’U r v . , I I I , p . 7 5 0 . — 4 S a v a g e , d ’U r v . ,
I I I , p . 7 8 2 . — 5 R u th e rfo rd , d ’U r v . , I I I , p . ’■jSo. — fi L e s so n , V o y a g e
m é d i c a l , p . 1 1 9 . — 7 V i l lo n , I I , p . 2 8 4 .
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