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 parfaite  at-ec laquelle  tous ces mouvemens ,  tous  ces  
 gestes  sont  exécutés.  Quelque  soit  le  nombre  des  
 danseurs ,  on  croirait qu’ils  ne  forment qu’un  seul  et  
 même individu ,  tant  ils  sont  accoutumés  à suivre la  
 même  mesure  '.  La  danse  des  marins  anglais  semblait  
 ridicule  aux  Zélandais,  et ils s’en  moquaient  en  
 disant  qu’il  n’y  avait  jamais deux bommes parmi  les  
 Européens qui pussent exécuter  ensemble  les mêmes  
 figures et  les mêmes  poses 2. 
 Leurs  gestes  acquièrent  une  expression  d’autant  
 plus  terrible que la danse a trait  à une action plus importante. 
   Quand ils  veulent figurer  une  danse  guerrière  
 ,  il  est  difficile d’imaginer rien de plus  épouvantable  
 que les  grimaces qu’ils  font 3. Les  danses amoureuses  
 sont  accompagnées  de  gestes  et  de  postures  
 lascives et  très-indécentes 4. 
 L’action  qui  s’unit, au  chant  du  P ih e ,  toute  modérée  
 qu’elle e s t, participe néanmoins de l’expression  
 sombre,  lugubre  et  solennelle  de  cet  hymne  sacré.  
 L’eflèt  m’en  a  toujours  semblé  imposant.  Que  ne  
 doit-il pas ê tre ,  quand le Pihe  est entonné  par un  ou  
 deux  milliers  de  guerriers prêts  à  s’élancer  les  uns  
 sur les autres pour  se détruire et s’entre-dévorer ! 
 Ces naturels  sont  tous  passionnés  pour  la danse,  
 mais  ils  s’y  livrent  avec  une  telle  ardeur  qu’ils  sont  
 souvent obligés de se reposer,  tant  ils  sont  exténués 
 de  lassitude par  les  gestes  frénétiques  et  les  violens  
 efforts  auxquels ils s’abandonnent en  ces  sortes d’occasions  
 '.  Les femmes préfèrent  les  danses  qui retracent  
 les plaisirs de l’amour 2,  tandis que les  guerriers  
 n’estiment que  celles  qui  ont  trait  aux  exploits  militaires. 
   Cependant  les  femmes  et  les jeunes  filles  se  
 joignent aussi aux  danses  militaires.  Je  me  suis  souvent  
 amusé  à considérer  les  efforts qu’elles font pour  
 imiter  l’énergie des hommes,  autant  que  peut  le leur  
 permettre la faiblesse de  leur  sexe. 
 XV. 
 MESURES. 
 Les  Zélandais  mesurent  le  temps  par  jours,  ou  
 plutôt par nuits , p ô ; par  lunes ,  marama; enfin  par  
 années,  tau.  Suivant Collins,  la période  tau  se composait  
 de  cent  lunes  3 .  En  général  ces  supputations  
 étaient fort inexactes ,  et il était  difficile  d’obtenir l’époque  
 précise  d’un  événement  déjà  éloigné,  quand  
 cette époque dépassait vingt ou trente lunes. Alors ils  
 ont  plus  souvent  recours à quelque circonstance  importante  
 et  à  peu  près  simultanée  qu’ils  citent pour  
 rappeler la date  de l’événement  en  question. 
 C’est ainsi qu’en  1824 j ’appris  que  Shongui devait  
 alors  avoir  environ cinquante-deux  ans ,  en  rapprochant  
 sa naissance  de  la  mort  de Marion.  Car on me 
 1  Savage,  p.  85.  Sainson,  d’U r v .,  I I ,  p.  20 3.  Gaimard,  d U r v .,  II,  
 p.  255.  —   2  Gaimard,  d’U rv .,  I l ,   p.  280.  —   3  Collins,  d’U rv .,  I I I , 
 p.  8 i.