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 et de faire  en sorte que la corvette  pût aller s’échouer  
 sur  les  plages  basses  dans  l’est  de  la  baie  d’Abondance, 
   en évitant les côtes  escarpées de sa partie occidentale. 
  Ce parti offrait du moins une chance de salut  
 pour la vie de quelques-uns d’entre nous,  c’était beaucoup  
 alors  qu’une telle  espérance.  Ceux de nos  compagnons  
 échappés  au  naufrage  pouvaient rendre  témoignage  
 de  ce  que  nous  avions  fait  jusqua  ce moment, 
   et  quelques  amis  des  sciences  auraient  peut-  
 être applaudi à nos efforts  et  plaint notre destinée.... 
 Durant quatre heures entières cet affreux désordre  
 de la nature nous laissa dans une situation désespérée.  
 La  violence  du  vent,  la  fureur  des  vagues  et  l’obscurité  
 dont nous  étions  enveloppés nous  réduisaient  
 à la plus  triste inactivité  et  à fignorance la plus  complète  
 sur notre position. Seulement  nous  savions  que  
 nous  étions  entourés de dangers  de  toutes  parts,  et  
 nous sentions  qu’il  ne  fallait  que quelques  secousses  
 plus  fortes pour abattre notre mâture. 
 Enfin  vers  dix  heures  et  demie,  les  paquets  de  
 brume  que  l’ouragan  chassait  horizontalement  commencèrent  
 à s’éclaircir, le zénith se dégagea peu à peu,  
 le coup de vent devenu plus régulier n’était plus accompagné  
 de ces bourrasques contre lesquelles toute espèce  
 de précaution  serait inutile.  En un mot,  l’espoir vint  
 ranimer mon courage presque anéanti, et je pressentis  
 que nous  pourrions  échapper  à tous  les  dangers qui  
 nous avaient menacés,  dès que le vent  et la mer nous  
 permettraient  d’augmenter de voiles et de gouverner,  
 dès que surtout j’aurais pu reconnaître ma position. 
 1027. 
 Février. 
 A onze heures et demie,  l’horizon seul était encore  
 couvert d’un rideau de brume  impénétrable jusqu’à la  
 hauteur de vingt à trente  degrés,  et  le  vent  soufflait  
 grand  frais  au  N.  N.  O . ,  assez  régulier.  Alors  je  
 descendis  dans  ma  chambre,  et  j’y  passai  huit  à  
 dix  minutes  pour  changer  de  vêtemens  et jeter  un  
 coup-d’oeil  sur  la  carte.  En  ce  moment  mon  estime  
 me  plaçait  à  quelque  distance  de  toute  terre. 
 En  reparaissant  sur  le  pont  et  jetant  les  yeux  tout  
 autour  du  navire,  je  restai  confondu  en  découvrant  
 un  affreux  brisant  qui  me  paraissait  occuper  toute  
 la  bande  de  dessous  le  vent  et  distant  d’un  mille  
 au  plus. 
 Jusqu’alors la brume nous  en avait dérobé l’aspect,  
 et personne ne l’avait encore aperçu. Mon premier soin  
 fut  de demander si le brisant ne nous dépassait pas de  
 l’avant :  dans  ce  cas  j ’étais prêt à  virer  lof pour  lof ;  
 mais je  sentais que cette manoeuvre lente et  incertaine  
 ne pouvait nous laisser presque aucun espoir de salut. 
 La vigie répondit qu’il ne s’étendait qu’à deux ou trois  
 quarts sous le vent  ;  au même  instant j ’aperçus par  le  
 travers, et à une  encâblure au plus,  un jet de brisant  
 que nous  dépassions  à peine. Le péril ne pouvait être  
 plus imminent, et il n’y avait plus à hésiter. Malgré la  
 force du vent et au risque  de  nous engloutir sous une  
 voilure  forcée,  je  fis  larguer  toute  la  toile  possible,  pi. xliv.  
 Cette manoeuvre fut exécutée  avec une admirable  célérité  
 ; grâce à l’activité  des  officiers  et de l'équipage,  
 en  quelques  minutes,  au  lieu  d’un  chétif  coin  de  la  
 voile  d’élai,  la corvette  oiTrit  les  deux basses voiles , 
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