1847.
Février.
était, un grand chef, ami des Anglais, et que c’était mal
à moi de ne pas le recevoir. Sans doute, je pouvais
iiie moquer de ses menaces pour moi-même ; mais j ’ai
expliqué les motifs qui devaient me porter à ménager
tous ces sauvages et surtout les chefs. Ainsi j’appelai
Waï-Hetouma et lui demandai quel était ce nouveau
venu si exigeant. Il convint qu’en effet Shaki était un
grand chef, et même j’eus bientôt lieu de croire qu’il
était supérieur à Waï-Hetouma pour le rang ou du
moins pour l’influence. Alors je fis signe à Shaki de
monter à b o rd , je lui expliquai amicalement que je ne
savais pas qu’il fût un rangatira distingué, et je lui fis
même quelques cadeaux qui achevèrent de le ramener
entièrement. De ce moment, nous devînmes les meilleurs
amis du monde, et il fut un des derniers à quitter
la corvette dont il ne bougea pas un instant. Cenaturel,
qui semblait à peine âgé de trente an s, avait au moins
cinq pieds huit pouces, ses formes étaient athlétiques
tout le cours de l’ouvrage, un son intermédiaire en quelque sorte entre celui
du j et du ck en français. Nous leur empruntons également le w pour rendre
le son de la diphtongue ou au commencement des syllabes. E nfin, nous
ferons observer que, dans tous les mots appartenant aux langues sauvages,
les diverses lettres de l ’alphabet, consonnes ou voyelles, doivent toujours
être prononcées à peu près comme nous le pratiquons pour le latin. Cependant
les syllabes gue et gui doivent se prononcer comme dans les mots français
guérir et guidon. Du reste, il est digne de remarque que le son sh ne se
rencontre jamais au milieu des mots; il n’est même qu’accidentel au commencement,
et ne provient que de la collision d’une voyelle avec une autre
voyelle aspirée et initiale. Ainsi, pour écrire ici dans les règles, il faudrait
e Haki, e Honguif eHouraki, etc., aulieu de Shaki, Shongui, Shouraki, etc.
Lors de la discussion des langues de l’Océanie, nous nous étendrons plus
longuement sur ce singulier cas de prononciation.
et son air tout-à-fait belliqueux. Il me dit avoir vu plusieurs
Anglais et avoir été le compagnon d’armes de
Pomare de Mata-Ouwi, ce conq.uérant célèbre de
la Nouvelle-Zélande. Le nom de Sbongui-Ika lui était
aussi connu, mais il convenait qu’il ne l’avaitjamais vu.
Malgré mes précautions, on voit en cette occasion
combien il s’en fallut peu que je ne me fisse un ennemi
implacable de Shaki. De retour à terre il se fût
peut-être vengé sur les officiers ou les naturalistes de
l’Astrolabe de ce qu’il eût regardé comme un affront
sanglant fait à sa dignité ; c’est ce qui a dû arriver souvent
aux Européens, surtout chez des peuples aussi
irritables, aussi vindicatifs que ceux de la Nouvelle-
Zélande , où les chefs sont tous indépendans, et très-
jaloux les uns des autres. Ce dernier sentiment qui
rend la position des Européens encore plus délicate,
est porté à l’excès chez ces naturels ; ils voudraient
tous profiter exclusivement des avantages qu’ils attendent
des visites des étrangers, et.sont désespérés de
voir leurs voisins y participer. Nous en eûmes une
preuve bien extraordinaire tandis que nous étions au
mouillage de Houa-Houa.
A mesure qu’il arrivait de nouvelles pirogues, les
premières venues me harcelaient pour me déterminer
à faire feu dessus, et à tuer ceux qui les montaient;
cependant, au moment où ceux-ci arrivaient le long
du bord, les autres allaient aussitôt leur parler et
les accueillir comme des personnes de connaissance.
Ainsi, il était évident que la crainte seule de voir les
arrivans partager nos faveurs et nos échanges pouvait