1827.
Janvier.
momens de personnes dont la présence à bord était
inutile aux manoeuvres que nous avions à faire,
surtout d’étourdir les matelots sur les dangers que
nous pouvions courir, en leur prouvant que les travaux
se poursuivaient comme dans les circonstances
les plus beureuses de notre navigation. C’est la marche
que j ’ai constamment suivie, et je crois qu’elle était
indispensable, surtout avec des êtres aussi pusillanimes
que l’étaient la plupart de nos matelots.
Tandis que nos compagnons s’occupaient utilement
à te rre , à bord nous redoublions d’efforts pour remettre
la corvette en sûreté. Le grand canot ayant repris
deux grelins et une ancre à je t, partit pour aller
la mouiller le plus au large possible; mais toujours
maîtrisé par le courant qui l’entraînait avec force vers
la baie Tasman, il ne put guère la porter qu’à une
encablure de terre ; nous virâmes donc en dérapant
l’ancre bâtarde, et le courant nous fit engager celle-ci
avec la grosse qui était encore à la traîne. Les câbles,
les grelins et les orins s’entortillèrent si bien, qu’il
fallut un temps considérable et beaucoup de travail
pour mettre en ordre ce brouillamini. Enfin, à quatre
heures tout fut p rêt, et nous pûmes laisser retomber
l’ancre moyenne avec la petite chaîne par
vingt et une brasses, gravier et coquilles, à une bonne
encâblure de la côte. Puis l’ancre à jet fut relevée.
Ce ne fut qu’alors que l’équipage qui travaillait sans
interruption depuis quatre heures du matin, et n’avait
eu qu’un quart d’heure de repos pour déjeuner, put
ju'endre son diner. En cette occasion je remarquai
que ces matelots, naturellement paresseux et grondeurs
dans les mauvais temps ordinaires, s’étaient
montres actifs, soumis et même assez résignés dans
les dangers que nous venions de courir. Cette observation
me fit plaisir en me montrant ce dont ils étaient
capables dans les momens décisifs.
Dans la soirée, on s’occupa de dégager le pont qui
était plus encombré de câbles, de chaînes et de gi’e-
lins, qu’il ne l’avait jamais été, et à tout préparer pour
les manoeuvres qu’il nous restait à exécuter pour nous
tirer du bassin des Courans.
Pendant ce temps, accompagné de M. Cuilbert qui
était revenu de son excursion, je m’embarquai dans
la baleinière pour aller visiter la passe. Ce que je pus
en voir cette fois me persuada qu’il eût été très-imprudent
de s’y risquer avant de la bien connaître, ainsi
que la portion de mer au-delà dans la baie de l’Amirauté,
et il était impossible pour le moment de sonder
ni l’une ni l’autre. La marée avait reversé et le courant
portait désormais dans la baie de l’Amirauté ;
mais son action était trop irrégulière, et la mer tourbillonnait
d’une manière effrayante. La pointe du
N. O. se prolongeait en mie chaîne de roches à fleur
d’eau, qui, en fermant aux trois quarts la passe, arrêtait
les eaux dans leur cours, et formait une barre
presque perpétuelle dans la seule partie libre. L’effet
de cette contraction dans leur masse se faisait sentir
dans notre bassin, et son niveau était plus élevé
que celui des eaux de la baie de l’Amirauté. Dans
la baleinière il fallait toute la force de six hommes
1827.
Janvier.