í. %
\
Ce malin, nos deux passagers étaient encore de
bonne humeur et semblaient disposés à nous suivre
au bout du monde. Cependant leur gaieté semblait les
abandonner à mesure que notre vaisseau cheminait
hors de la baie. Quand nous doublâmes le cap Kawa-
Kawa, ils devinrent rêveurs et mélancoliques, Tehi-
Nouï surtout qui demanda bientôt à retourner chez
lui [hou ta). Il versa quelques larmes quand je lui annonçai
que cela était devenu impossible. Toutefois ils
consentirent à répondre à quelques questions que je
leur adressai, et j ’appris d’eu x , à n’en pouvoir douter,
que l’île méridionale ( du moins la partie qu’ils connaissent)
porte indifféremment le nom de Kaï-Ko-
houra ou de Tavaï-Pounamou, et que celle du nord
s’appelle réellement Ika-Na-Mawi. Le district qui
comprend la côte depuis le cap Poli-Wero jusqu’au
cap Kawa-Kawa se nomme Tera-Witi, et celui où se
trouve le canal de la Reine-Charlotte, Totara-Nouï.
Au lieu des noms de Tera-Witi et Palliser donnés
par Cook, ils me donnèrent ceux de Poli-Wero et
Kawa-Kawa que je restituai sur notre carte aux caps
qui doivent les porter, persuadé qu’il serait ridicule
de ne pas adopter les désignations appliquées à ces
points, depuis des siècles peut-être, par des peuplades
aussi nombreuses et aussi intelligentes que celles de
la Nouvelle-Zélande.
La montagne de neige voisine du cap Campbell est
le mont Tako, et nos deux sauvages me dirent que
c’était dans les environs que se trouvait le pounamou,
ce jade vert dont ils font leurs oimemens et leurs instrumens
les plus précieux. — A diverses reprises ils
m’expliquèrent qu’il y avait du pounamou et point de
cochons sur l’île méridionale, tandis qu’au contraire
on trouvait des cochons et point de pounamou sur
celle du nord. — Le chant du Pihe leur paraît inconnu,
bien qu’ils en répétassent exactement les mots apr?s
moi, qu’ils parussent les comprendre et même les écouter
avec satisfaction. — Us ont donné à la chaîne de
hautes montagnes qui se dirigent du cap Poli-Wero
vers le nord, le nom de Waï-Terapa. — Tebi-Nouï
laisse dans son pays trois femmes et quatre enfans.
Nous avons déjà dit qu’au large du cap Kawa-Kawa
nous trouvâmes la mer grosse, et nos deux Zélandais
en souffrirent cruellement ; ce qui acheva de les rendre
tristes et grondeurs. Us déploraient sans doute
amèrement leur funeste manie de voyage et soupiraient
après leurs foyers.
La nuit se passa sous petite voilure; au point du
jo u r, nous courûmes des bordées pour nous élever
le long de la côte. Favorisés par le courant, qui
portait évidemment au N. E . , nous gagnâmes plus
que nous n’eussions pu l’espérer.
A mesure que nous avançons vers le n o rd , les montagnes
de la côte sont moins escarpées, moins tourmentées,
et prennent des formes plus adoucies : du
reste, on n’aperçoit pas la moindre coupée dans les
terres, pas le moindre accident qui puisse offrir un
abri, même temporaire; partout la mer brise avec
force au rivage.
.l’en suis vraiment contrarié, car je serais bien aise
TOME II. G
3 r .
î I j ' '
. 1 ) ; '