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   L a   bougie  apportée  de  V A s tro la b e ,  tenue  p a r   un  
 grave g u e r rie r,  colorait  de  ses  reflets vacillans  vingt têtes  expressives, 
   e t p rê ta it des  formes  fantastiques à u n  tableau  digne  
 de  Callot  ou  de  notre   Cbarlet.  Mais  soudain  to u t  ren tra   
 dans  1 obscurité.  L ’homme q u i p o rta it la  b o u g ie ,  enchanté  de  
 cette  charmante  invention ,  n ’avait  p u   résister  au  désir  de  se  
 1 ap p ro p rie r,  et,  soufflant dessus,  il  avait pris  sa  course  vers  la  
 fo rê t,  laissant les  curieux  dans  un  singulier  désappointement. 
 C e p en d an t, su r la plage les feux é taient a llum é s,  et de toutes  
 pa rts se faisaient les apprêts du souper. Nous nous approchâmes  
 tous trois  d’un  cercle  où  l’on  nous  fit  p la c e ,  et  b ien tô t notre   
 présence  a ttira   la  majeure  p a rtie   des  habitans  qui  voulaient  
 jo u ir de notre  vue.  Les  naturels  étaient accroupis sur le sable •  
 les  uns mangeaient  du  poisson  c ru ,  séché  au  so le il;  d’autre!  
 écrasaient des racines de  fougère  dans de petites auges  de bois.  
 Lorsqu ils  o n t réd u it celte racine en filaraens n om b re u x ,  ils en  
 forment  des  boules  q u ’ils  tien n en t  dans  la b o uche  jusq u ’à  ce  
 q u ils   en  aient exprimé  to u t  le  suc.  Nos  hôtes ne m anquèrent 
 pas de nous offrir notre p a r t de c e   frugal re p a s ,  e l ,   n o u sv o y a n t 
 peu  empressés  d’a c c e p te r,  plusieurs  d’entre  eux  poussèrent  la  
 prévenance ju sq u ’à  mâcher  d’avance  des morceaux  de  poisson  
 qu ils nous présentaient ensuite dans le creux de  leu r main  
 Après soupe r v in ren t  les  chansons graves  et  monotones  des  
 naturels;  nous le u r répondîmes p a r  quelques  airs français  et le  
 choeur  de  R obm  des B o is ;  ils  p a ru re n t  fo rt  contens  de  nous.  
 Nous essayâmes  aussi  leurs  organes  en  leu r  faisant  p ro n o n c e r  
 un  g rand  nombre  de  noms p ropres français;  la p lu p a rt  étaient  
 singulièrement  estropiés,  mais  quelques-uns  étaient  répétés  
 exactement.  C’était  un  plaisir  p iq u a n t  p o u r  nous  de  faire re dire  
 aux échos  de  la  Nouvelle-Zélande  des  noms  illustres  qui  
 font chez nous la g lo ire  d e sarmes,  de la trib u n e   ou de la scène. 
 n  ne  se  fait pas d’idée  de  quel charme s’environne  dans notre  
 position  le  plus léger souvenir  qui  rappelle  la  patrie. 
 La  soirée  s’écoula gaiement.  Quand  l’heure du  sommeil  a rr 
 iv a ,  les  sauvages  nous  offrirent  d’en tre r  dans  leurs  cabanes,  
 mais  nous  nous  gardâmes  bien  d’accepter  leu r  p roposition.  
 Les  buttes  de la  Nouvelle-Zélande  sont hautes à peine  de  trois  
 à  q u a tre  pieds ;  il  faut  y   en tre r  en  ram p a n t,  et  il  s’en  exhale  
 presque  toujours  une  odeu r  extrêmement  fétide.  Nous préférâmes  
 nous étendre  sur  le  sa b le ,  au  pied   d’u n   p e tit arb re   qui  
 b o rn a it la  plage ,  mais  nous  n ’y trouvâmes  guère  de  repos.  A  
 notre   g ran d   re g re t,  un  certain  nombre  de  naturels  v in t nous  
 ten ir com pagnie,  et nous eûmes l’agrément de servir d’oreillers  
 à  ces messieurs  q u i  tro u v è ren t commode  d’ap p u y e r  leurs  têtes  
 sur nos membres étendus.  Le moyen  de  dormir  au  milieu  des  
 ronflemens  et des mouvemens continuels de  pareils voisins!—   
 Il  faut  a jo u te r  encore  q u e ,  tourmentés  p a r   des insectes  do n t  
 ils sont abondamment p o u rv u s ,  ils se g ra tta ien t d’une manière  
 h o rrib le .  Un  sybarite  serait mort de  d o u leu r dans notre  position. 
 Vers deux h e u re s ,  une  grosse pluie  nous fit q u itte r la place ,  
 et nous allâmes nous ab rite r sous les flancs d’une p irogue qu’on  
 avait halée  à te rre .  La mer éta it m au v a ise ,  et le vent soufflait  
 assez fort ; nous attendîmes le jo u r un p eu  plus  tran q u illem en t,  
 car  les  sauvages  nous  avaient  abandonnés  p o u r  chercher  un  
 meilleur  asile  que  le  n ô tre .  A  cinq  h eu re s,  u n e   embarcation  
 nous fut  envoyée ;  en  ap p ro ch an t de la  côte , une lame la remp 
 lit ,  e t les ma te lo ts,  renversés j  tomb è ren t à l’e a u . Nous eûmes  
 q uelque peine à  vider le  can o t et à le tire r à te rre  ;  les sauvages  
 nous  a id è ren t  avec  beaucoup  de  complaisance  dans cette  opération  
 ,  malgré  la   plu ie   qui tombait  p a r  torrens.  E n f in ,  à  six  
 heures nous montâmes  à b o rd   où notre   a ccoutrement excita la  
 gaieté  de  nos  camarades.  Trempés  p a r  la  p lu ie ,  couverts  de  
 sable  et  de  b o u e ,  nous  avions besoin  de  quelques  heures de  
 repos  p o u r  rép a re r  les  fatigues  d’une  n u it  d o n t,  c ep en d an t,  
 nous  ne  regrettâmes  pas  l’emploi. 
 [E x tr a it du  Journal de M .  de S a in so n .) 
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