25.
pour surmonter l’effet du courant hors de son lit,
et l’on peut juger quelle devait être son impétuosité
dans sa vraie sphère d’action. Il y avait lieu
de croire que le moment de la basse mer devait
être le plus favorable pour tenter ce passage : mais
alors le courant était contraire, et le secours
d’une brise favorable et bien établie devenait indispensable.
Presque à toucher la barre, et contre la
pointe de l’est, je trouvai vingt, vingt-cinq et jusqu’à
quarante brasses sans fond. Une foule de cormorans
perchés sur les arbustes de la rive opposée étaient les
uniques gardiens de ce bassin.
Nous passâmes la nuit sur notre ancre moyenne,
et quarante-deux brasses de chaîne. Il fit calme jusqu’à
minuit, puis le ciel se chargea ; il vint des rafales
du N. au N. O., et la pluie fut continuelle pendant
quelques heures.
M. Cuilbert employa la journée entière à lever le
plan du bassin où nous nous trouvions, et il résulta
de son exploration que partout il y a un fond régulier
de vingt à vingt-cinq brasses, gravier et coquilles,
presque à toucher terre, excepté en quelques endroits
où l’on trouve de la vase.
Je partis moi-même à dix heures du matin avec
M. Gressien pour aller de nouveau examiner la passe
ou du moins ses abords. La marée était presque basse,
et je reconnus avec plaisir que la mer ne brisait que
faiblement sur les rochers, malgré les tourbillons qui
régnaient encore. Je me hasardai à sonder au beau
milieu de la passe où je trouvai grand fond, et sans
nous en apercevoir, le courant nous emporta rapidement
dans la baie de l’Amirauté. Un moment je fus
inquiet de la manière dont nous pourrions rentrer dans
le bassin des courans, à cause de la barre redoutable
que la marée contraire allait y rétablir. Enfin, je pris
mon parti, certain que nous pourrions toujours y revenir
par terre en traversant la presqu’île, et qu’après
tout nous en serions quittes pour sacrifier le canot.
Dès-lors je m’avançai avec confiance à un demi-
mille dans la baie de l’Amirauté dont le bassin me parut
très-sûr et beaucoup moins barré d’îles et d’îlots à son
ouverture que Cook ne l’avait figuré. A la plage nous
vîmes quelques villages de naturels, et même une
pirogue en mer, dont j ’aurais volontiers attendu la
visite : mais il était essentiel de ne pas perdre un temps
précieux pour l’objet que je m’étais proposé ; je retournai
donc en hâte à la passe où je trouvai la mer
parfaitement calme. C’était le moment précis oû le
courant se trouvait étale, et pendant le séjour que
nous avons été obligés de faire dans ce bassin, nous
avons observé que cela durait rarement plus d’un
quart d’heure. C’était pour nous une chose tout-à-fait
extraordinaire de pouvoir circuler paisiblement avec
notre canot dans cet espace que nous avions vu sans
cesse occupé par des tourbillons impétueux et une
barre menaçante. J ’en profitai pour le sonder avec
soin. Je reconnus que toute la partie du N. O. était
effectivement barrée par des rochers à fleur d’eau alors
entièrement à découvert, et qu’en outre quelques
roches isolées à huit ou dix pieds sous l’eau prolont
;