tête h a u te , les épaules effacées, et leu r p o r t ne manquerait
pas d une certaine fierté sans l’habitude de vivre accroupis
dans leurs cabanes ; cette p osture accoutume leurs ja rre ts à
u n e flexion qui d é tru it la grâce de la démarche.
Les tra its de ces hommes sont fortement p ro n o n c é s, et ils
m’o n t p a ru chez plusieurs individus offrir quelque analogie
avec ce type indélébile qui dans nos climats distingue la race
juive. La p lu p a rt avaient la face presque entièrement co u v
erte d un tatouage symétrique gravé avec u n g o û t et une
finesse admirables. Ces stigmates do n t ils sont glorieux sont un
b revet de valeur g u errière ; aussi remarquâmes-nous que les
hommes d’un âge mû r é taient seuls décorés du tatouage comp
le t, tandis que les jeunes gens n ’avaient encore que quelques
dessins légers su r les ailes du nez ou vers le menton. Les gu e rriers
p o rten t la chevelure relevée et nouée sur le sommet de la
tête. Cette coiffure d’u n beau caractère est souvent ornée de
quelques plumes d’oiseaux marins. Ils aiment à se p a re r de
peiidans d oreilles ou de colliers composés communément de
p etits os humains ou de quelques d en ts, trophées d’une sang
lante victoire.
L a peau de ces insulaires est b ru n e , et l’ocre do n t ils se frotten
t souvent leu r imprime u n e tein te rougeâtre qui n ’est p o in t
désagréable ; les nattes d o n t ils so n t revêtus co n tra c ten t p a r le
frottement nue co u leu r semblable. Ces vêtemens tissus du lin
soyeux que le sol de ces contrées p ro d u it en a b o n d a n c e , sont
de véritables chefs-d’oeuvre d’a rt et de patience , si l’on songe
à la simplicité des moyens que les n a tu re ls emploient p o u r
leu r fabrication.
P a rm i les hommes que nous avions à b o rd trois ou q uatre
nous p a ru re n t a p p a rten ir à une race différente. Ma ig re s, ché-
tifs et sa le s, ils ne p o rta ien t p o in t de ta to u a g e ; leurs traits
é taient ig n o b le s, leurs cheveux en d ésordre; et quelques brin s
de ph o rmium grossièrement tressés formaient leu r u n iq u e vêtement.
Nous conjecturâmes que le sort de la g u e rre les avait
livres a la trib u qui hab ite la plage voisine. Ces malheureux
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ne possédaient rien, et cepen d an t les objets que nous offrions
en échange à leurs compatriotes excitaient vivement le u r en vie
; ils nous demandaient avec instance quelque p a rt à nos
générosités. S’il a rriv a it qu’ils fussent refusés , ils revenaient à
la charge avec un a ir si p ite u x , si misé rab le , que nous cédions
à leurs importunités. Nous vîmes que dans to u t les pays la misère
s’empare des mêmes moyens d’émouvoir la p itié , et que
p a rto u t aussi elle dégrade l’espèce h um a in e , et engendre la
bassesse et l’abjection.
Nos matelots se m o n tra ien t fo rt empressés auprès d’un jeune
bomme que la beauté de ses tra its et des yeux pleins de d o u ceur
leu r faisaient p rendre p o u r une femme. Ses cheveux longs
et rassemblés au h a u t de la tête a joutaient à la rèssemblànce.
Au même instant les naturels é taient tombés dans une e rreu r
semblable à l’égard de l’u n de nos jeunes domestiques q u i ,
malgré ses p ro te sta tio n s, eu t q uelque peine à se soustraire aux
perquisitions des incrédules.
Bientôt après l’arrivée des sauvages, les échanges s’établire
n t et se co n tin u è ren t avec beaucoup de b o nne foi de p a r t et
d’autre. Ceux q u i nous visitaient n ’avaient p o in t apporté de
vivres ; mais ils nous cédaient volontiers des nattes , des ceintures
, des lignes de pêche très-bien fa ite s, p o u r des co u te a u x ,
des mouchoirs et des hameçons. Ce d ernier objet semblait su rto
u t leu r agréer. Ce p euple q u i vit de pêche d o it éprouver le
besoin de sc servir d’u n instrumen t plus p a rfa it que ces lourds
hameçons q u ’ils fab riq u en t avec de la nacre ou des os de poisson.
Ces pièges sont si grossiers, qu’il est su rp ren an t q u ’on
puisse faire quelques captures p a r le u r moyen.
P en d an t que n o tre commandant essayait d’obtenir de nos
hôtes quelques renseignemens relatifs à la géographie, M. Cal-
mard commençait avec succès son V o cabulaire, et p ren a it les
mesures exactes des membres des naturels établir 1 histo
ire physique de l’homme de ces contrées. J e ten ta i aussi
d’esquisser deux ou trois p o r tra its , que la continuelle mobilité
des modèles me donna quelque peine à achever. Mon
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