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NOTES.
La présence de ces hommes au milieu de nous excita dans
to u t Téquipage une vive curiosité. Grâce aux relations des
v oyageurs, les guerriers de la Nouvelle-Zélande apparaissent
toujours aux E uropéens grandis de toute cette terrible renommée
que de nombreux -actes de b arbarie ne leur ont que trop
justement acquise. Les parages même que nous visitions ont
fait pay e r bien cher leu r découverte aux premiers navigateurs.
Nous avions à peu de distance dans l’est ce canal de la Reine-
Cha rlotte , sanglant théâtre do la mort affreuse des compagnons
de F u rn c au x ; derrière n o u s, à peine à quelques milles
s’étendait l’anse du Massacre , do n t le nom de sinistre mémoire
atteste encore la c ruauté des indigènes et la fin malheureuse
des matelots de Tasman. Quelle que fût cependant la
puissance de nos souvenirs, les impressions de la première vue
ne furen t p o in t défavorables à nos hôtes. Si leurs yeux u n peu
farouches et leifrs formidables râteliers éclatans de b lan ch eu r
a rrê tè ren t nos pensées sur quclqûes tragiques imag e s, nous
dûmes convenir aussi que l’expression de leurs tr a its , leu r a ttitude
et leurs man iè re s, p o rta ien t l’empreinte d’un caractère
franc et décidé et d’une fierté qui a la conscience de sa force.
Réunis su r le p o n t , entourés de notre éq u ip ag e , ils ne té moignaient
aucun embarras, et même quelques-uns se livraient
a de bruyans accès de gaieté. Ils nous se rraient les mains affectueusement
en rép é tan t sans cesse le mot K apaï, qui dans leu r
idiôme signifie b o n ou b e a u ; puis ils ria ien t aux é c la ts, puis
ils s’appelaient entre eux à grands cris et p a rco u ra ien t le navire
en co u ran t ou en sautant. T o u t éta it p o u r eux un sujet d’éton-
nement : situés au fond d’une immense baie q u ’avant nous au cune
exploration n ’avait fait c o n n a ître , p e u t-ê tre ces naturels
voyaien t-ils p o u r la première fois un navire si près de leurs
rivages; aussi leu r admiration é ta it-e lle excitée sans cesse p a r
une foule d’objets nouveaux; mais a u tan t leu r surprise était
vive, a u tan t elle était passagère. On l’a déjà souvent remarqué ,
nos a rts , résultats d’une civilisation très-avancée, ne peuvent
affecter que les organes extérieurs des hommes vivans dans
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iVHat sauvage ; leu r esprit s'inquiète peu des causes d’un mécanisme
do n t l’effet frappe leurs sens; c’est ainsi qu’ils attachent
le même degré d’importance à des objets qui dans l’écbellc de
nos inventions se tro u v en t placés à des distances extrêmes.
Notre m â tu re , p a r exemple, e t les mouvemens des voiles c ap tivaient
vivement l’in té rê t de ces sauvages ; dans les instans où
on m anoe u v ra it, rien ne paraissait devoir les d istra ire ; mais si
le sifflet du maître se faisait entendre, to u t é ta it oublié, et ils sc
pressaient a u to u r de ce merveilleux instrument qui avait sans
doute p o u r leurs oreilles u n cbarme p a rtic u lie r , car presque
tous voulaient essayer d’en tire r quelques sons, et le moindre
succès dans Cette tentative les mettait dans le ravissement.
Ce q u i sc passait dans l’in té rie u r du navire les occupait
beaucoup , et d’a u tan t plus p eu t-ê tre qu’on ne le u r perme tta it
pas de descendre dans l’en trep o n t. Ils se ten a ien t groupés auto
u r des panneaux, et considéraient curieusement cet a rran g e ment
in té rie u r qui a le d ro it d’étonner même u n bomme civilisé
, s’il jo u it p o u r la première fois de ce spe c ta c le ; l’usage
des fusils ne le u r paraissait pas in co n n u , ils avaient p u en voir
entre les mains de leurs compatriotes de l’île du N o rd qui atta
ch en t au jo u rd ’h u i u n g ran d prix à la possession d«s armes à
feu et qui s’en p ro c u re n t p a r le moyen d’échanges avec les navires
baleiniers. N u l doute que l’emploi de ce p rom p t moyen
de destruction n ’a it un jo u r la p lu s grande influence sur les
moeurs et les destinées de ces belliqueux antropophages. P e u t-
être cette m eurtrière im p o rta tio n les am èn e ra -t-e lle dans des
temps bien éloignés encore à jo u ir des bienfaits de la civilisatio
n ; mais en a tte n d a n t, que de victimes suc comberont à ce
nouveau genre de combat, plus d e structeur cent fois que ceux
où ces peuples s’en rap p o rta ien t, p o u r vider leurs querelles, au
courage aveugle et aux forces corporelles do n t la n a tu re les a
doués!
Les Z élandais sont en général grands et bien faits ; sans être
pourvus d’em b o n p o in t, leurs muscles fermes et arrondis in d
iq u en t qu’ils joignent la vigueur à la souplesse. Ils p o rten t la