prêtres savent toujours se concerter ensemble pour
assurer aux tapous toute leur inviolabilité. D’ailleurs
les chefs sont le plus souvent arikis eux-mèmes , ou
du moins les arikis tiennent de très-près aux chefs
par les liens du sang ou des alliances. Ils ont donc
un intérêt tout naturel à se soutenir réciproquement.
Le plus souvent, le tapou n’est qu’accidentel et
temporaire. Alors certaines paroles prononcées , certaines
formalités en déterminent l’action, comme elles
en suspendent le pouvoir et en terminent la durée.
Nous n’avons que très-peu de données à l’égard de
ces cérémonies, il est sans doute réservé aux missionnaires
de lever un jour les ténèbres dont cette matière
est encore enveloppée.
Seulement il m’a semblé que pour détruire l’effet
restrictif du tapou , le principe de la cérémonie consistait
dans l’action d’attirer et de concentrer sur un
objet déterminé, comme une p ie rre , une patate , un
morceau de bois, toute la vertu mystique, étendue
d’abord sur les êtres taboués , puis à cacher cet objet
dans un lieu à l’abri de tout contact de la part des
hommes '.
Jusqu’aujourd’hui M. Nicholas seul nous a cité un
exemple de ces rites mystiques , ceux dont il fut témoin
quand Wiwia, après beaucoup d’instances, consentit
à se dessaisir en sa faveur du peigne taboué qui
avait servi à ce chef pour se couper les cheveux 2.
. D’Urvitle, III, p. 6 8 5 . — z Nicholas, d’ü r v ., I I I , p. 6 rp.
Mais il faudrait plusieurs exemples de cette nature ,
surtout il faudrait des explications motivées de ces
différens rites pour se former une idée exacte des opinions
religieuses de ce peuple.
Certains objets sont essentiellement tapou ou sacrés
par eux-mèmes, comme les dépouilles des morts,
surtout de ceux qui ont occupé un rang distingué.
Dans l’homme la tête l’est au plus haut degré, et par
conséquent les cheveux qui lui appartiennent. C’est
une importante affaire pour un de ces sauvages que
de se couper les cheveux ' ; quand cette opération est
terminée, on veille avec un soin extrême à ce que les
cheveux coupés ne soient pas abandonnés dans un lieu
où l’on pourrait marcher dessus. L’individu tondu
reste taboué durant quelques jours et ne peut toucher
ses alimens avec les mains 2 . M. Savage qui
ignorait la véritable cause de cette restriction l’attribuait
à un motif de propreté 3. 11 en est de même de
la personne qui vient d’étre tatouée , car l’opération
du moko entraîne également un tapou de trois jours 4.
C’est pour la même raison que ces insulaires ne
peuvent souffrir aucune sorte de provisions dans
leurs cabanes , surtout de celles qui viennent d’être
animées , comme viande, poisson , coquillages, etc. ;
car si leur tète venait à se trouver, même en passant,
sous un de ces objets, un pareil malheur pourrait entraîner
des suites funestes pour eux 5. M. Savage, le