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». 17.
H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
“ perdre le fruit de mes travaux paifez ? .Te ne quit-
terai point, tant que je vivrai, cette demeure que
Dieu m’a accordé par là grâce. L’abbé comprenant
qu’elle avoit quelque revelatio'n de fà fin, lui demanda
pardon de l’avoir preffée, 8c la pria de lui
donner confèil, fur ce qu’il devoit faire lui-menie.
Mon pere, dit-elle , fàuvez-vous inceflamment, vous
8c ceux que Dieu vous a confiez-, achevez de faire
porter aujourd’hui & cette nuit au château, le tre-
for de iàint Gal, 8C tout ce qui vous eft neceffaire,
car demain fans faute cette vallée fera toute remplie
de barbares. L ’abbé ne différa point, 8c fit porter
au château tout ce qui reftoit de livres, d’o r , d’argent,
d’habits & de provifions neceffaires.
Les parens d’une fille nommée Rachilde, qui
étoit reclufe avec Viborade ¿ vinrent lui demander
leur fille,, pour la mettre en lieu de fureté. Mais
elle leur dit : N ’en foyez point en peine , Dieu la
confervera long-tems pour votre confolation. Le
moine Hitton , frere de Viborade , demeuroit à
l’églife de faint Magne, dont il avoit la garde, 8c à
laquelle étoit jointe la celulle de fa four : elle l’obligea
de fe.fâuver aufli dans un bois voifin. Enfin
les Hongrois étant arrivez, quelques-uns vinrent
brûler l’églife de fàint Magne; mais ne pouvant en
faire autant de la celulle de Viborade, ils cherchèrent
à y entrer. La trouvant fermée de tous cotez,
deux montèrent fur le to it , lé rompirent, & étant
defcendus, trouvèrent la fainte devant un petit autel,
où elle fe recommandoit à Dieu 8c à tous íes fàints.
Ils la dépoüillerent de tous fes habits, hors de fon
cilice, lui déchargèrent fur la tête trois coups de ha-.
’ L i v r e c i n q u a v t e -q u a t r i e ’m e . 6 8 7
che , & fè retirèrent la laiffant demie morte, nageant
dans fon fàng. C’étoit le fécond jour de May 5)2 y.
Sainte Viborade étoit née en Suabe, de parens
nobles 8c pieux ; 8c dès l’enfance elle témoigna une
grande affection pour la retraite’ , la priere & le travail.
Son frere Hitton étant déjà clerc, & étudiant
à fàint G a i, elle lui envoyoit à certains jours des
linges pour envelopper les livres faints du monaflere»
qui étoient-encore enrouleaux. Quand fbn frere fut
prêtre, elle apprit de lui les pfeaumes , & chantoit
même quelquefois la mefîê avec lui. Elle retiroit les
pauvres malades1, 8c les fervoit elle-même avec une
affection mervfeilleuie. Ayant fait avec fbn frere le
voyage de Rome, elle lui perfuada de fè faire moine
à fàint Gai , & toutefois elle demeura encore fix
ans dans le monde , mais s’abitenant de viande 8c
de vin, couchant à terre-fur urt cilice, quoiqu’elle
eût un lit de parade, ’& paifant prefque les nuits en
prières.- Salomon évêque de Confiance en ayant
oüi parler , l’invita à venir avec lui à faint Gai. Elle
le fuivit avec deux filles, qui la fervoient : ayant
fait bâtir une cellule dans les montagnes , prés
l’églife de fàint Georges, elle y demeura près dequa-
tre ans, pratiquant une abftinence incroyable. Sa
sputation lui attiroit dés offrandes de tout le voil
a g e , pour fes befoins , & elle les diitfibuoit aux
Pauvrés. Enfin l’évêque revenu à fàint Gai, l’enferma
comme elle defiroit depuis long-tems, dans une
cellule préparée , attenant i ’églifède fàint Magne,
pour y vivre fuivant la réglé des reclus, dont j'a i
parlé- C’étoit l’an g 15 . Cinq ans apfèsRochildes’en-
A n . p 2 y .
LIX
SainteViborade
Vita ap. Boll.
&c* Mabillon.
n» 1
n. n,
n. 15-
Sup• n. i i .
Herem. Chr«
Vita. jf. 45»