
3 34 H i s t o i r e ë c c l e s i a s t i c ^u e .
Ils le trouvèrent à faint Denis en France, où il les
reçut le jour de la fête du faint, neuvième d’O&o-
b re , pendant la meife. Quand il eut vû les lettres
du pape à lui & aux évêques de fon roïaume, 6c les
terribles menaces fous lefquelles il lui défendoit de
prendre le roïaume de Lothaire, il en fut mal fatif-
fait. Il ne laiffa pas , à la priere des légats 6c de
quelques-ups de les ferviteurs, de tirer fon fils Car-
loman de la prifon où il étoit à Senlis, 6c le faire
venir auprès de lui. Enfuite il envoïa les légats à
Reims, où il les fuivit Se y tint un afifemblée de féi-
gneurs, après laquelle il les renvoïa. Puis il envoïa
lui-même à Rome deux ambaifadeurs, Anfegifile
prêtre & abbé de faint Michel, 6c un laïque nommé
Loth aire, chargez de lettres pour le pape 6c de pre-
fens pour faint Pierre : fçavoir un tapis d’autel, com-
pofé de fes habits roïaux de drap d’or 6c deux couronnes
d’or ornées de pierreries.
Ce fut vrai-femblablement par ces ambaifadeurs
qu’Hincmar de Reims envoïa au pape une grande
lettre pour réponfe à celle que le pape lui avoit écrite
le vingt-feptiéme de Juin. Hincmar dit qu’il a exécuté
les ordres du pape autant qu’il lui étoit poffible ,
6c rapporte une proteftation , qu’il dit avoir donnée
aux deux rois, & aux évêques des trois roïaumes,
après le traité de partage , portant en fubftance :
Le pape Adrien par fes lettres, que j’ai en main ,
défend à qui que ce fo it , fous peine d’anathême,
d’ envahir le roïaume de Lothaire, comme appartenant
par droit héréditaire à l’empereur Louis ; 6c fi
quelqu’un de nous autres évêques y confent, il ne
L i v r e c i n q u a n t e -d e u x i e ’m e . -335
fera plus tenu pour pafteur , mais pour mercenaire.
, Il m’ordonne à moi en particulier de détourner les’
rois & les autres de cette entreprife. Toutefois j’apprends
que les rois ont fait un traité, pour s’obliger
à partager ce roïaume dont ils fe difent héritiers i
que fans ce traité, il y auroit déjà une grande divi-
fion entre leurs fujets ; & que s’il ne s’exécute , il s’élèvera
entr’eux des guerres aufii cruelles , qu’il y en
eut après la mort de l’empereur: Louis. D ’ailleurs on
foutient, que les évêques & les feigneurs, attaquez
par les païens, ne peuvent demeurer fans roi, 6c ont
la liberté en ce beloin de s’en choifir un, qui foit en
état de les. défendre. Entre le péril de défobéir au'
pape , 6c celui de nous expofer à tant de maux, je
n ofe rien réfoudre fans l’avis des autres évêques, 6c
je referve au pape la décifion.
Hincmar dit enfuite dans fa lettre au pape : Quant
à ce que vous dites qu’entre les évêques du roïau.-
me de Charles., je fuis le premier en dignité ; je ne .
vois point que je. fois au-deifus des autres métropolitains:
puifque fuivant les canons, chaque province
doit être contente du fien. Vous dites,. que fi le roi
Charles demeure obftiné , je dois me retirer de fa
communion, fi je veux demeurer dans la vôtre : fur
quoi je vous dirai avec une fenfible douleur,, ce que
me diiènt les ecclefiaftiques 6c les feculiers , à qui
cet ordre n’a pù être caché. Jamais aucun ordre fem-
blable n’a été envoie à aucun de mes prédecelfeurs ,
quoique de leur temps il y ait eu des guerres civiles
entre les frères, 6c entre le pere & les enfans : &
maintenant vous n’ordonnez rien de femblable aux