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5 7 6 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ,
xriers bien inftruits & bien armez, furent enfermez
dans 1 eglife. A minuit l’abbé Jean vint à fon ordinaire
, pour prier feçretement ; & quand il fe fut
mis à 'genoux devant l’autel , ils fondirent fur lui
l’épée à la main. Mais il ne'fe troubla po int, &
,comme il avoit autrefois porté les armes, fi-tôt qu’il
les entendit, il marcha contre eux, & fe défendant,
il cria de toute fa.force que c’étoit des démons, comme
il le penfoit en effet : ne croïant pas qu’il y eût
des hommes aifez hardis pour faire une telle violence;
Les moines s eveillerent au b ru it, & accoururent
effraïez à ce nom de démons : mais les meurtriers s'échappèrent
, après avoir mortellement bleifé l’abbé -,
& fe cachèrent dans le marais dont le monaftere
¿toit environné. Les moines enleverent l’abbé demi-
mort , & le portèrent dans la maifon très r affligez ;
Si les auteurs du crime étoient ceux qui témoignoient
le plus ,de douleur. Toutefois ils furent découverts,
auifi- bien que ceux .qui l’avoient exécuté ; & tous
mis à mort par divers tourmens. Telle fut la fia de
l ’abbé Je a n , qu’il ne faut pas confondre avec Jean
s«p. î. iiym. Scot ou Erigene ; aimé de l’empereur Charles , ni
avec un fophifte Je an, que l’on difoit avoir été rnar-
tirifé à Malmeiburi.
Le roi ‘Alfrede ne fe contenta pas de protéger
les gens de lettres , & de favorifer les études ; il s’y
appliqua lui-même , & travailla à l’inftruétion de fes
fujets. Il n’avoit toutefois point étudié en fa jeu-
neffe : ne s’occupant félon les moeurs de. fa nation,
que de la chaife & des autres exercices. du corps.
Il avoit plus de douze ans quand il apprit à lire ;
&
n. 58,
I X .
Ecrits du roi
Alfrede.
Ajfer. p. SL
i v r e c i n q j ü a ,n t e -q u a t r i e ’m e . 5 7 7
ÔC quoiqu’il eût toûjours eu un grand defir d’étudier,
les guerres des Danois ne lui en donnèrent pas le loi-
fir. Depuis qu’il fut paifiblc, il s’appliqua ferieufe-
ment à l’étude, avec les fçavans qu’il avoit attirez. Il
prit foin de recueillir les anciens vers Saxons, qui con-
tenoient l’hiiloire de la nation ; & compofa lui-même
des cantiques pleins d’inftruètions pour les moeurs.
En faveur de ceux qui n’entendoient pas le Latin , Sup.
&c qui étoient en fi grand nombre fil traduifit, avec l9'
le fecours des hommes doétes, les livres qu’il crut les
plus utiles : entr’autres le paftoral de faint Grégoire,
J’hiftoire de Paul Orofe, & celle de Bede. Il parle
ainfi dans la préface du paftoral, adreflée à l’évêque
de Londres.
J'ai fouvent penfé combien la nation Angloifc a Vofl_
autrefois eu de grands hommes, tant ecclefiafti- i r-
quçs, que féculiers : fi curieux de s’inftruire &c d’in-
ftruire les autres, que les étrangers venoient chez
nous apprendre les fciences ; au lieu que de notre
temps, il fe trouvoit très-peu d’Anglois au-deçà de
l’Humbre, quientendiffent leurs prières les plus communes
, ou qui puffent traduire quelque écrit de Latin
en Anglois. Je ne me fouviens pas d’en avoir
vû un feul au midi de la Tamife , quand je commençai
à regner. Grâces à Dieu, il y a maintenant
des gens en place capables d’enfeigner. C ’eft pourquoi
je vous exhorte , à n’être pas moins libéral de la
fcience que Dieu.vous adonnée, que vous l’êtes des
biens temporels. Songez quelle punition nous devons
attendre , fi nous n’aimons la fageffe & ne la
laiifons aux autres. Nous aimons à porter le nom de
- Tome X I . D d d d
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A]f,r.