
3 14 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
fes préceptes : mais la récompenfe eft bien éloigncfc
& bien douteufe : qui voudra ëmbraiTei: cette religion
? Il répond : Dites-moi, la créatuté obéït-ellè
à un autre qu’au créateur i N on , amenez-moi un
aveugle. Je te dis, au nom de jefus-Chrift Nazaréen
, né de Marié à Bethléem , pris pat les Juifs .,
crucifié , enfeveli, reffufcité , ouvre les yeux. Aufïi-
tôt l’aveugle recouvre la vûë ; ôc par la même invocation
, il guérit des lepreux, ôc fait toutes fortes
de miracles. Tous ceux qui le voient, fages, idiots
& entre deux, reconnoiffent clairement, que le Nazaréen
eft Dieu & fils de D ieu , & qu’il a foufferc
tout cela volontairement, pour une caufe qui nous
eft cachée. C ’eft ainfi que Théodore prouvoit la religion,
par les baifeifes apparentes de J . C. montrant
en cette parabole , la maniéré dont elle s eft efféfti-
vement établie.
Une autre fois un Mufulman lui dit: Evêque,
pourquoi croïez-vous plus permis d’avoir une femme
> que d’en avoir plufieurs ? Ce qui eft mauvais en
général, eft aufti mauvais en fes parties. Théodore
répondit : Cette partie n’eft pas comprife fous le général
, comme un tel homme fous la nature humaine
; mais oppofée, comme le modéré à l’exceffif,
le jufte à l’injufte. Montrez-le m o i, non par Ifaïe
ou Matthieu à qui je ne crois pas, mais par des con-
féquences neceifaires de principes accordez. Comme
il vous plaira. On fe marie ou pour le plaifir , ou
pour avoir des enfans. Depuis Adam jufques à pre-
fenr connoiiïez-vous quelqu’un à qui Dieu ait donné
plus de délices qu a lui ? Non. Et combien forma-t’il
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pour lui de femmes ? Une feule. Donc le plaifir que
donne une femme eft plus parfait, que celui qu’en
donnent plufieurs. La conféquence eft bonne : mais
il femble qu’on doit avoir plus d’enfans de plufieurs
femmes. Théodore. Y a-t’il eu un temps ou la multitude
des enfans fût plus nGceifaire qu’en celui-là ?
Non. C ’eft donc contre l’ordre de Dieu ôc par l’amour
de la chair, que l’on a permis la polygamie,
après la multiplication du genre humain : puifque
dans le temps où les hommes étoient fi rares, le créateur
a ordonné de fe contenter d’une femme. Le
Mufulman demanda une autre preuve ; & l’évêque
dit : Suppofons deux efclaves d’un même maître ,
qui les envoie voïager enfemble. Il permet à l’un
de s’habiller autant qu’il voudra, ôc défend à l’autre
de mettre plus d’une tunique, à la charge que celui
des deux qui aura froid, recevra quatre-vingt coups
de foiiet. Ce maître vous paroît-il jufte, principalement
fi ç’eft au plus foible qu’il défend de porter
plus d’une tunique. Le Mufulman répondit : Il eft
injufte. Et l’évêque reprit ? Vous accufez donc Dieu
d’injuftice, en difant, qu’il a ordonné à la femme ,
qui eft plus fragile, de fe contenter du quart d’un
homme ; & permis à l’homme, qui eft plus fort, d’avoir
quatre femmes, fans les troupes de concubines :
fous peine de quatre-vingt coups de foiiet pour chaque
faute. L’évêque avoit raifon d’emploïcr la com-
paraifon des habits , car c’eft celle dont Mahomet
fe fert lui-même , difant fouvent dans l’Alcoran :
Vos femmes vous font neceifaires, comme vos vê-
temens.
R r ij