
„ 3<z H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
& ' grand tremblement de terre , qui dura quarante
jours.Tout le peuple croïoit que c'étoit la vengeance
de l’injufte perfecution que fouffroit le patriarche
Ignace. L’empereur même & Bardas effraïez jurèrent
publiquement de ne lui faire aucun mal, ni à
celui quiTauroitcaché, 8c qu’il pouvoir retourner
en feureté dans fon monaftere. Alors Ignace fe découvrit
au patrice Petronas,oncle maternel de l’empereur,
qui donna pour gage à Ignace le reliquaire
que portoic ce prince. Ignace le mit à fon cou ôc
vint trouver Bardas, qui lui dit : Pourquoi êtes-vous
errant comme un fugitif ? J. C. repondit-il, nous a
ordonné quand on nous perfecuteroit dans uneville,
de fuir dans l’autre. Bardas le fit remettre en liberté
dans fon monaftere , ôc le tremblement de terre
ceifa auffi-tôc.
Cependant les légats Rodoalde ôc Zacarie retour-
pho- nerent à Rome, chargez de prefenspar Photius,. 8s
ib 4 dirent feulement de bouche au pape , qu’Ignace
0,t' avoit été dépofé,ôc l’ordination de Photius confirmée.
Mais deux jours après arriva le fecretaire Léon
ambafl’adeur de l’empereur , qui prefenta au pape
une lettre de ion maître avec deux volumes, donc
l’un compofoit les aéfces de ladépofition d’Ignace,ôc
l ’autre les aétes touchant les faintes images. La lettre
de l’empereur Michel tendoic à perfuader au pape
de confirmer la dépofition d’Ignace, 8c l’ordination
de Photius,ôc elle étoit accompagnée d’une lettre de
Photius, où il plaidoit lui-même fa caufeavec tout
l’artifice delarhetorique. Envoicila iubftance.
Rien n’eft plusprécieux que la charité,qui récon-
L i v r e c i n q u a n t i e ’ m e ; 3 7 .
cilié les peres aux enfans-, les amis aux amis, Ôcréii- v ”
nit les perfonnes les plus éloignées. C'eft elle qui
m’a perfuadé de fouffrir les reproches piquans de
vôtre fainteté,ôc de ne les attribuera aucun mouvement
de paftiommais àvôtrezelepourladifcipline
de l’eglife. Mais ufant de la liberté qui doit être entres
des freres ôc entre les peres ôc les enfans, je vous
écrits pour me défendre ôc non pour vous contredire.
Au lieu de me reprendre, vous deviez avoir
pitié de moi, puifque j ai été forcé: Dieu à qui rien
n’eft caché, fait la violence que j ’ai fouiferte. On
m’a mis en prifon comme un criminel, on m’a
donné des gardes, on m’a élû malgré moi. Je pieu-
rois, je me batcois , je m’affligeois , tout le monde
le fait. Ne devois-je donc pas plutôt recevoir des
confolationsque des reproches i
J ’ai perdu la paix ôc la douceur de la vie que je
goùtois chez moi au milieu d’une troupe de favans
amis, dans l’écude de la fageife ôc des fciences, ÔC
la recherche delaveriré. J e n ’avois rien à démêler
avec perfonne , au contraire, la réputation de mes
amis m'en attiroic d’autres. J ’alloisfouvent au palais,
ils m’y accompagnoient.J'y demeurois tant qu’ilme
plaifoit, ôc toujours plus qu’ls ne vouloient- J ’ai
perdu tous fes avantages ; Sc c’eft la-fourcede rftes
larmes. Car je favois avant même que de l’avoir
éprouvé, les foins ôc l’embarras de la place où je fuis
maintenant ; l’indocilité du peuple, fon humeur fe-
dicieufe,foninfolenceenvers les iuperieurs. il murmure
fi on lui refufe ce qu’il demande ; fi vous lui
accordez, il vous méprife, croïant l’avoir emporté