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\q6 D E S C R I P T I O N D E S MAMMI F ÈRE S
prend un accroissement si considerable : il est de toute évidence que les organes
des sens y gagnent plus de volume et c[e perfection.
D'un autre c ô t é , l'excessive étendue de la main des chauve-souris a comme
exercé une sorte de réaction sur les organes qui la i'ont mouvoi r : le coeur est
place plus haut ; les muscles pectoraux sont plus volumineux, et ils ont en même
temps leur siège et leurs attaches sur un sternum formé de pièces aussi remarquables
par leur grandeur que par leur parfaite ossification : on sait au contraire
que le sternum des quadrumanes est généralement foible, petit et simplement
cartilagineux.
L e s os de l'avant-bras ne sont pas non plus susceptibles, comme dans ces derniers,
des mouvemens de pronation et de supination. Ce qui est une très-grande
perfection dans les quadrumanes qui demeurent comme appendus toute la vie
aux branchages des a rbres , et qui ne peuvent prendre aucun soin pour se
conserver sans qu'ils soient portés à saisir, formeroit un grave inconvénient
dans les chauve-souris qui, à chaque battement d'aile, auroient à redouter que
la résistance de l'air ne causât la rotation de leur main. T o u t mouvement de
cette espèce leur est rendu impossible par le sacrifice de l'un des deux os de
l'avant-bras, ou le cubitus : cet os n'y est plus que rudimentaire ; il n'y existe
que dans son tiers huméral, et il est presque soudé au radius assez fort pour
soutenir le carpe et toute la main.
On peut calculer de combien les extrémités antérieures se trouvent agrandies
dans les chauve-souris, en les comparant à celles de derrière, restées danleurs
dimensions onlinaires. Celles-ci ne sont en outre qu'en partie engagées dans
la membrane des flancs : le pied est libre. L a membrane a ses dernières attachtsur
le tarse, dont un des osselets saille en dehor s , prend la forme d'une épine, et
rend à la membrane interfcmorale le service de la maintenir, lors de son déve-f
lo])pement.
Le s doigts postérieurs sont pet it s, compr imés , égaux entre eux, et toujours au
nombre de cinq : le pouc e ne s'en distingue point. To u s sont tei-minés par dc^
griffes ou de petites lames cornées , faites en quart de cercle, fort acérées à
pointe, et remarquables par leur égalité et leur parallélisme.
Il faut que cette conformation des doigts entre d'une manière bien nécessaire
dans la constitution des chauve-souris : car elle n'éprouve nulle part de modi- '
ÎTcation ; et dans le fai t , si l'on y réfléchit bien, la chose ne peut manquer d'etre
ainsi.
Le s fonct ions , ailleurs départies aux doigts, se trouvent dans la chauve-souris
c omme concentrées dans ceux de derrière, où seulement il en existe de véritables :
nous avons vu qu'en avant , un seul reste conservé, les quatre autres n'étant,
à proprement parier, que des brins solides, propres seulement à tendre ou plisser
Ja membrane.
Tel les sont les seules ressources de la chauve-souris pour la locomot ion, quanti
elle n'est pas dans le vol : à les considérer, on ne supposeroit pas ([u'elle piii
être tentée de les mettre en oeuvre, pour changer de place à la manière dci
Q U I S E T R O U V E N T EN E G Y P T E . 1 0 7
quadrupèdes. Cependant , quand cela lui est utile, elle sait en tirer un parti trèsavantageux.
Ses ailes reployées deviennent, au besoin, des jambes de devant : elle
pose alors sur quatre pieds. Elle marche enfin, et se traîne mcme avec assez de
vélocité pour qu'on puisse dire qu'elle court avec vitesse.
Mais pour cela, que de pe ine s , que d'efforts, combien d'actions diverses ! On
la voit d'abord, porter en devant et un peu de côté son bout d'aile ou mo i gnon,
se cramponner au sol, en y enfonçant l'ongle de son p o u c e ; pui s , forte de ce
point d'appui, rassembler ses jambes postérieures sous le ventre , et sortir de
cet accroupissement, en s'élevant sur son train de der r ière, et faisant dans le
même temps exécuter à toute sa masse une culbute qui jette son corps en avant :
mais comme elle ne se fixe au sol qu'en y employant le pouce d'une des ailes, le saut
qu'elle fait a lieu sur une diagonale, et la rejette d'abord du côté par où elle s'étoic
accrochée; elle emploie, pour le pas suivant, le pouce de l'aile oppos é e , et , culbutant
en sens contraire, elle finit, malgré ces déviations alternatives, par cheminer
droit devant elle.
Cet exercice finit par la fatiguer beaucoup : aussi, pour qu'elle s'y livre, ou
il faut qu'elle jouisse dans son antre d'une grande sécurité, ou qu'elle y soit
contrainte par une suite d'accidens qui l'aient fait tomber sur un plan horizontal.
To u t e chauve-souris qui est dans ce dernier cas, s y soustrait aussitôt, parce qu'il
lui est alors presque impossible de s'élever et de reprendre le vol : ses ailes ont
trop d'étendue; et les efforts qu'elle peut faire, n'aboutissent le plus souvent qu'à
heurter le sol et à lui procurer une nouvelle chute. Si , au contraire, elle parvient
à gagner un lieu élevé, un arbre ou même un tertre, elle se remet facilement
dans la seule situation qui lui convienne.
Cette situation, c'est le vol. Ce n'est que dans les airs que les chauve-souris se
complaisent, parce que c'est là seulement qu'elles jouissent de toute liberté, qu'elles
mettent à profit toutes leurs ressources, et qu'elles ont une confiance sans bornes ,
quelquefois même jusqu'à s'emporter et aller braver des dangers réels.
Mais ces courses ne peuvent être continuelles : le repos doit les suivre. C'est pour
ce moment critique que les chauve-souris réservent toute leur prudence. L e sentiment
des dangers auxquels,elles sont alors exposées, les porte à rechercher les
retraites les plus profondes et les plus inaccessibles, et leur fait prendre la précaution
de se suspendre à la voûte des cavernes, la tête en bas ; simplement acci-ochées
par les ongles de derrière, elles n'ont plus qu'à lâcher prise, pour se dérober
par le vol à une attaque imprévue.
Nous entrevoyons maintenant les motifs de cette position inverse à laquelle il
étoit remarquable qu'il n'y eût que les chauve-souris d'astreintes. En ef fet , nulle
autre situation ne les rendroit aussi promptement à l'industrie qui leur est la plus
familière ; nulle autre ne leur fourniroit plus de facilités pour échapper, et aller se
perdre dans l'immensité des airs.
Le s chauve-souris prêtes à se lancer, ayant à déployer l'embarrassant manteau
que forme la membrane de leurs ailes, et ne pouvant le faire qu'en se procurant
H. N. T O M E I I .
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