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4 8 2 DE LA C O N S T I T U T I O N P H Y S I Q U E
S. I I .
Changement de la Coudée du NUomètre.
LES historiens Arabes rapportent effectivement qu'AImâmoun introtluijjt
l'usage d'une coudée nouvel le, que quelques-uns dcsigneni sous le nom de coudà
voire{\). Ce t t e c oudc e nouvelle seroit donc celle du Meqyâs : Edouard Bernard dit
expressément, d'après les auteurs Arabes , qu'elle fut emplo)ée à mesurer les crues
du Nil (2). C e point a déjà été discuté par un de nos collègues, qui a établi la même
opinion et a bien reconnu le changement de l'ancienne coudé e , quoiqu'il ne
s'occupât pas de déterminer sa longueur (3).
La mesure changée, son raccourcissement devient indubitable par les raisons
précédentes, et par le mot i f même de cette opérat ion: on vouloi t calmer les
trop fréquentes appréhensions di^peuple sur les crues du Ni l , et se procurer un
tribut plus élevé, en lui montrant dans les indications du Nilomèti-e un terme
plus favorable que le terme réel ; sorte de supercherie trop fréquente sous les
gouvernemens foibles et arbitraires, peu utile en dernier résultat, et qu'on finit
toujours par por t e r , comme l'altération des monnoies , à un point tel, que les
apparences mêmes n'ont plus aucun rapport avec la réalité : c'est ce qui arriva ici,
comme on va voi r ; et cette augmentation progressive dans les annonces des crues,
qui a trompé tous les voyageurs, est bien une preuve du mot i f qui porta le gouvernement
Arabe à altérer la colonne du Ni lomèt re lors de sa construction.
On ne pouvoi t pas changer le nombre des coudées ; celui de seize, qu'offre
encore la colonne du Meqyàs , étoit consacré, depuis la plus haute antiquité,
pour désigner la totalité de la crue : c'étoit le terme immuable de la graduation
Nilométrique à la hauteur de Memp h i s ; plusieurs anciens écrivains, et
particulièrement Pl ine, en rendent témoignage. C'est pour cela que la fameuse
statuedu Ni l , fabriquée sous les Ptolémces , transportée depuis à Rome , et qu'on
a vue quelque temps à Pai'is, étoit environnée de seize enfans, chacun de la taille
d'une coudée, emblème des seize degrés de l'inondation. Sur le revers dune
médaille de Trajan, représentant la statue du Ni l , une petite figure posée sur le
dieu indique avec le doigt le nombre 16 placé un peu au-dessus.
n i .
Longueur de l'ancienne Coudée Nilométrique.
PUISQUE ce n'est pas le nombre des coudées qu'on a diminué, c'est donc leur
longueur. La quantité de ce raccourcissement, opéré sous les Arabes , est iiulii[iice
par l'augmentation de la crue nécessaire pour produire les mêmes efrets que
précédemment. Cela ne fourniroit pas sans doute une détermination rigoureuse, a
un doigt ou deux près : mais il est naturel que le retranchement se soit fait d'une
(1) Golius, Nots in Alftrgan. A.M. torn. ¡.pag. reste encore quelque incenitudf
(2) Df ponderil'us n mensuris antiquorum, pag. 217. sur la véritable coudée à laquelle doit s'appliquer le nom
(3) Mémoire sur le Nilomètre de l'ile d'Eléphantine. de eeuJie r.oire.
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Dt L ' É G Y P T E . II/ PARTIE. 4 8 ^
mesure complète ou il'uiic partie aiiquotc en rapport simple et exact avec elle; et
puisque la différence indiquée ici est d'une coudée, ce doit être exactement une
coudée qu'on arctranchée : d'où rcsultcroit que l'ancienne coudée Égyptienne étoit
plus grande d'un seizième que celle du Ni lomètre actuel. Cet te conséquence, sr
utile pour la question de l'exhaussement du sol, mène aussi à la découverte de
l'ancienne coudée. Examinant d'abord la coudée en usage dans tout le pays (le
dera bdady], dont on ignore l'origine, je l'ai trouvée exactement plus longue d'un
seizième que celle du Nilomètre. Mes recherches sur son introduction en Egypte
ayant été infructueuses, j'ai conclu que ce devoit être une très-ancienne mesure
du pays, et nécessairement la coudée Nilométrique em])lo)ée avant Almamoun
et la construction du Meqyâs. On peut desirer d'autres preuves sur ce poin; , qui
doit se rattaclier à toute la métrologie Égypt ienne, à son ancienne astronomie,
et peut-être à celle de tout l'Orient.
DANS les anciens systèmes métriques de l'Orient, toute coudée étoit Ia4oo.' partie
d'un stade : 4 o o coudées bdady forment 71 i de nos pieds, ou la 480. ' partie
du degré du méritiion, mais d'un degré un peu plus court que le degré moyen
et pris dans un arc voisin du t ropique, où le degré doit avoir entre 56,800 et
^6,900 toises, valeur déduite aussi, d'après des faits positifs, pour le degré d'où
sont dérivées les mesures Grecques et les mesures Romaines (i).
Puisque les données de l'état physique et l'histoire ancienne concourent à
montrer que l'Égypte doit à l'Abyssinie son existence comme contrée habitable,
et les bases de ses institutions premières, c'est donc assez naturellement à un
degré pris vers le tropique que devoi t se rapporter la mesure de 4 o o coudées
Nilométriques, ou le stade de 480 au degré. Suivons un instant ces indications :
le côté de la base de la grande pyramide, qui , au jugement de tous les métrologucs,
doit être l'étalon d'un ancien stade, est de 1 19 toises 2 pieds 6 pouces,
mesurés sur le gi-adin taillé dans le roc ; c'est précisément la 480." partie du degré
de l'écliptique, évalué comme on l'évalue encore aujourd'hui : or le degré de l'édiptique
n'a pu évidemment se mesurer que dans l'Abyssinie. La première assise
placée sur le roc indique une seconde base qui est la 480. ' partie du degré du
méridien, de 4 o o coudées bdady.
D'habiles métrographes ont reconnu l'existence d'un ancien stade de 960 au
degré, et en ont constaté l'usage dans plusieurs contrées de l'Eurojje. M. l'Esparât,
à qui l'on doit le traité le plus récent sur la métrologie, lui donne même
le nom de stade Européen: ce stade est d o n c , sauf la ditlcrence des degrés, de
ioo coudées bdady, ou la moitié du côté de la base de la grande pyramide (2V
C'est une condi t ion commune à tous les systèmes métriques de l'antiquité, que l'exis-
(') D'Anvilleet d'autres géographes qui ont examiné .
Wentivemem les questions sur la valeur des mesures
Romaines, et qui n'ont été dirigés par aucune vue sysl^
niaiique, fixent le mille Romain (75.' partie du degré)
«756 ou loue au plus à 757 coiscs. La parfaite coincidence
avec la coud;e beta<l^ supposeroit 757 j.
(2) JM. l'Esparai, dans son traité, ignoroit ce rapport,
puisqu'il croyoit, suivant l'opinion générale, que le côlé
de la pyramide étoit l'étalon du stade de 500 au degic;
mais, ce qui est remarquable, il n'en reconnoîi pas
moins un ancien siadg de 480 au degré,
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