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La pente d'un fleuve, les dimensions de sa section transversale et !a vitesse de ses
eaux sont les élcmens essentiels de son régime. Les rapports qui s'établissent entre
ces divers clémens, ne peuvent varier qu'autant que la résistance des parois d»
iit à l'action corrosive du courant vient elle-même à changer; et , dans ce cas, les
modifications qu'éprouvent les élcmens du r égime , ont toujours pour dernier
résultat de rétablir l'équilibre entre l'action corrosive du courant et la résistance
des parois, c'est-à-dire, d'amener le régime du fleuve à un certain état permanent.
O n conçoi t , par exemple, que si des causes accidentelles augmentent, pendant
une certaine pér iode, la hauteur des dépôts qui se forment sur des points déterminés
de la longueur d'un courant d'eau, la pente et par conséquent la vitesse
de ce courant deviennent plus grandes au-dessous de ces points : or il résulte
nécessairement de cette augmentation de vitesse, que les dépôts sont portes plus
loin qu'ils ne l'étoient auparavant ; ce qui rétablit la pente primitive- et ramène Je
nouveau les mêmes effets. Ains i le fond du lit des fleuves qui charieni des trouble»,
oscille au-dessus et au-dessous d'une certaine surface qui constitueroit la permanence
de leur régime, si jamais le fond du lit parvenoit à coïncider avec elle. Cette
surface, restant toujours parallèle à elle-même, s'élève de plus en plus , de telle
sorte que la quantité de son exhaussement, dans toute l'étendue de son cours,
pendant un certain intervalle de temps , est égale à l'exhaussement moyen do ses
deux extrémités pendant la même période.
Appliquant cette théorie à la portion du cours du Ni l comprise depuis Elephantine
jusqu'au Kaire, on voi t que l'exhaussement séculaire de son lit doit être
représenté, à très-peu pr è s , par l'exhaussement moyen entre ceux qui ont ùé
observés à ces deux points, c'est-à-dire, par la moitié de leitr s omme , ou o™, 126.
Quant à l'exhaussement moyen du sol de la vallée d'Egypte , il sitflît d'une légère
attention pour reconnoî t re qu'il doit être exactement le mêjne que l'exhausseiiiem
moyen du lit du Nil ; car, s'il en étoit autrement , il arriveroit de d e j x choses
l'une : ou le fond du fleuve s'exhausseroit plus que les plaines adjacentes, ou
il s'exhausseroit moins. O r , dans le premier cas, il viendroit une époque où la
hauteur du débordement sur les terres seroit plus considérable qu'elle ne Îétoit
précédemment, e t , à dater de cette époque, l'épaisseur des dépôts de limon, qui,
toutes choses égales, est proportionnelle à la hauteur des eaux troubles, devicndroit
aussi plus considérable; ce que la supposition rejette : dans le second cas, les
dépôts annuels qui ont lieu sur la plaine étant plus épais que sur le fond du fleuve,
ia profondeur de celui-ci augmenteroit par rapport aux bords de son lit, et il \ ¡endroit
un temps où, par suite de cette augmentation de profondeur , le fond de
s'exhausseroit davantage à son tour ; ce qui est également contre l'hypothèse. Si
donc il n'est point exact de dire qu'en un point déterminé de l'Egypte, le fonJ
du lit du Ni l et la plaine adjacente s'élèvent simultanément de la même quantité
séculaire, il est constant que, depuis la dernière cataracte jusqu'à ia mer , le fond du
fleuve et le niveau des plaines qu'il submerge, se sont élevés d'une mêjne quantité
moyenne, puisque ces deux surfaces tendent sans cesse au parallélisme, et (¡^ e
la
LA V A L L É E D ' É G Y P T E .
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la nature les y ramène (|uancl des circonstances particulières ou les travaux des
hotnmes les en ont momentanément écartées.
Nous allons rapporter maintenant les observations que nous avons faites pour
reconnoitre l'exliaussemcnt du sol de l'Egypte dans les plaines de T h i h e s , de
S)Out et ¿'Heliopolls.
Les parties infériein-es de qucl(|ues-uns des monumens de Thèbes se trouvent
aujoiird'Iuii plus ou moins enfouies dans le terrain d'alluvion que les débordemens
annuels du Nil ont déposé au pied de ces monumens. Si donc on pouvoir connoître
,1e combien ils s'élevoient autrefois au-dessus de la plaine à une époque déterminée,
il seroit aisé de déduire de la profondeur à laquelle ils se trouvent maintenant
»-dessous du terrain naturel , Icxliaussement du sol de la vallée sur ce point
On voit quel devai t être lobjet de mes rechercbes. J'eus occasion de les multiplier
pendant environ trois semaines que nous résidâmes dans les dilE-rens villages qui
occupent l'emplacement de cette ancienne capitale : on va voir quels en ont été les
résultats.
Nous nous établîmes d'abord sur la rive gauche du Ni l , où se trouve la statue
colossale de Memnon. Ce colosse est placé presque au pied de la chaîne IJbyque ,
à deui kilomètres environ de distance du fleuve ; lorsque l'inondation s'étend
justiue là, ce qui arrive assez fréquemment , il paroît au milieu des eaux, et , après
leur retraite, au milieu de champs cultivés.
Il est évident que ce n'est pas dans une semblable position qu'il fut primitivement
érigé. Ains i le premier coup-d'oeil jeté sur ce monument atteste que
le sol au-dessus duquel il s'élève, s'est exhaussé lui-même des dépôts successifs de
limon que les débordemens du fleuve ont accumulés.
En considérant de plus près le piédestal de cette statue , on remarque distmctement
sur toutes ses faces la trace horizontale que les inondations y ont
litssce. ,Ic m assurai que cette ligne étoi t , à très-peu près, à un mètre de hauteur
.«lessus du terrain adjacent. Il falloir donc qu'à l'époque où ce monutnent
lut ctaijh, le sol de la place qu'il occupoi t f i t au moins inférieur d'un mètre
au sol actuel : autrement son piédestal auroit été exposé à être submergé tous
les ans dune certaine hauteur d' e au; inconvénient à l'abri duquel on seroit
porté naturellement à croire que ses fondateurs l'avoient mis, quand d'ailleurs l'Iiismre
ne nous auroit pas appris que les anciennes villes d'Égypte étoient toujours
liaties sur des éminences factices, ,,our n'être point exposées aux inondations
(lu Nil.
Une reconnoissance encore plus attentive me fit apercevoir, sur la face méii-
•lionale du piédestal de ce colosse, une inscription Grecque, dont quelques lignes
seulement paroissoient au-dessus du sol ; ses lig nés inférieures étoient déjà en-
Wrces. Le nom A'AiiUmin, que je lus dist inctement, me fit espérer que cette
inscription, mise entièrement à découver t , fourniroit quelque date certaine d'après
'"«luelle on pourroit établir quelques conjectures sur l'exhaussement séculaire de
=ate partie de la plaine.
Je fis, en conséquence, découvrir par une fouille la partie du piédestal qui
".A', TOME H.
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