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r igoureusement que le lit du fleuve, lit qu'il remplit et oc cupe en ent ier , cliat|ue
anné e , à l'epoque de sa plus grande élévation. L à où ses eaux ne peuvent ariivcr,
ce n'est plus l 'Égypt e , c'est le désert ; la limite est t ranchée net tement ; c'est un sol
absol tnnent di f férent , non- seulement toujours sec et inc t i l te, mais incapable de
f é condi t é , quand bien même les eaux du ciel viendroient suppléer à celles du
fleuve.
Ce t t e na tur e , cet te or igine si différentes des deux sols cont igus , ce caractère
de fécondi té exclusivement attache aux eatix du Ni l , étoient des faits bien connus
des anciens habitans de l'Egypte : les poc tes du pays, c'est -à-dire , les prêtres,
les ont sotrvent célébrés ; car ils for inoient tm des fondemens de la mythologie,
qui là, c omme chez tous les peuples pr imi t i f s , n'a été d'abord que l'expression
des phénomène s naturels les plus impor tans de la cont rée. Transmi s par les
écrivains Gr e c s , ils sont encor e r c connoi s sables , quoiqu'expr imés dans le langage j
sacré et couver ts du voile de l'allégorie. La distinction du royaume d'Osiris ei j
du royaume de T y p h o n , ainsi que les natures opposées de ces detrx divini té, ) )
avoient un rappor t direct.
Osiris régnoi t sur l'Egypte : pr incipe de fécondi té , c'étol t lui qui avoit erti li
ter re cultivable, et qui maintenoi t l'existence des êti'es animes, de la végétation et
de f j u t ce qu'il y avoit de bon et d'utile aux hommes . T y p h o n , au cont rai r e, diviniti
aussi active epe mal faisante, pr incipe éternel de stérilité, étendoi t son empire sur
les lieux déserts et sur toute la nature improdi tct ive. Oppo s é en toutes choses i
Os i r i s , il le poursuivoi t sans r elâche, il tàchoi t de l'anéantir ; et si ses efforts eusieni
été couronné s du suc cès , l 'Egypte, soumise à ses lois, bi entôt aride et inhabitalle,
ne se fût plus distinguée des autres parties de son affreux domaine.
D e cet te lutte ent re les deux divinités oppo s é e s , étoient résultés divers cïcnemens
célébrés dans la plus haute ant iqui té, et dont l 'enchaînement , qui formoii
une partie impor tante des mythes ou de l'histoire sacrée du pays, comprenoi t les
changemens survenus dans l'état respec t i f des deux cont rées. L a limite commune
des deux empi res étoi t cel le des débordemens du Ni l , et les deux espèces de
terrains qu'elle sépare étoient aussi représentées par deux divinités. I s i s , scout el
épouse d'Os i r i s , étoi t cet te heureuse terre que le Nil couvre et féconde de ses
eaux ; Nephthys , sceur et épouse de T y p h o n , la terre aride et déserte deva»
la( |uelle s'arrêtent les inondat ions du fleuve et l'influence de la divinité bienfai>ame
Co ndamn é e , dans son hymen , à une éternelle s tér i l i té, Nephthys , disoient le
prêtres Égypt i ens , ne pouvoi r deveni r f é conde que par son adultère avec Osm:
cela est c onf o rme à ce pr inc ipe , dont on verra bientôt la r ai son, <|ue le séjorir
des eaux du Ni l est nécessaire pour r endr e f é conde la terre du désert. Ci-tic alltg
o r i e , si juste et t rop claire pour avoi r besoin de longs comracr r tai res, peunltl'
donne r quelque idée des relations qui existotent ent re les phénomène s nattrrelsJt
cet te cont r é e et les faits moraux dont se composoi t la mystérieuse hi i toi re de.®
dieux, ou ses dogmes religieux.
cnAPtTRt 11.
D E L E G Y P T E .
C HA P I T R E 11.
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De l'Aspect du Sol Je l'Egypte, et de l Impression (jne veçoit le Voyageur,
LES envi rons de Sycne et de la cataracte présentent un aspect ext r êmement
pittoresque ; mats le reste de l 'Egypt e , le Del ta sur - tout , est d'une mono t oni e
dont on se fait difRciiement l ' idée, et tju'il seroit peut-être impossible de r encontrer
ailleurs.
Quand un Eur opé e n , a c coutumé aux sites var iés, au ciel changeant de son
pays, débai-que en Égypte et parcour t le De l t a , c'est un spectacle qui l 'étonné par
$a nouveauté, mais qui bientôt le lasse et l'attriste, que l'aspect de ce vaste terrain
où l'on n'aperçoi t pas une eminenc e naturel le, pas un ravin; où l'on ne renconireroit
pas la moindr e inégal i té, si la main de l 'homme n'y eût jadis élevé des
digues et creusé des canaux.
Les champs offrent trois tableaux différens, suivant les trois saisons de l'année
Égyptienne. Dè s le mi l ieu du pr intemps , les r écol tes , déjà enlevées, ne laissent
voir qu'une terre grise et poudreuse, si profondément crevassée, qu'on oseroi t à
peine la parcour ir .
A l'cquinoxe d' aut omne , c'est une immense nappe d'eau rouge ou jaunât re,
du sein de laquelle sor tent des palmier s , des villages, et des digues étroites
qui servent de communi c a t ion ; après la retraite des e aux, qui se sout iennent
peu de temps dans c e degré d'élévat ion, et jusqu'à la fin de la sai son, on n'aper -
çoit plus qu'un sol noi r et fangeux.
C'est pendant l'hiver que la nature dé])loie toute sa magni f icence. Alor s la
fraîcheur, la for c e de la végétation nouve l l e , l 'abondance des produc t ions qui
couvrent la ter re, surpassent tout ce qu'on admi re dans nos pays les plus vantés.
Durant cette heureuse saison, l'Égvpte n'est, d'un bout à l 'aut re, qu'une magnifique
prairie, un champ de fleurs, ou un oc éan d'épis ; fertilité que relève le cont raste de
i'aridité absolue qui l 'envi ronne : cet te terre si déchue justifie encor e les louanges
(¡ue lui ont données jadis les voyageurs. Mai s , malgré toute la richesse du spectacle,
la monotonie du s i te, il faut l 'avouer , en diminue beaucoup le cha rme ; l'ame
éprouve un certain vide par le défaut de sensations r enouve l é e s ; et l 'oei l , d'abord
ravi, s'égare bientôt avec indi f férence sur ces plaines sans fin qui , de tous côtés ,
)us(|uà perte de vue, présentent toujours les même s obj e t s , les même s nuanc e s ,
les mêmes accidens.
Tout concour t à auginenter cet effet. L e c i e l , non inoins uni forme que la t e r r e ,
n'offre qu'une voûte cons tamment pur e , durant le jour plutôt blanche qu'azurée ;
I atmosphère est pleine d'une lumière que l'oeil a peine à suppor ter ; et un soleil
ttincelant, dont rien ne tempère l 'ardeur , embr as e , tout le long du j our , cet te
immense plaine, presque dé couve r t e : car c'est un trait du sice de l'Egypte d'être
dtnuc d'ombrages, sans être pour tant dénué d'arbres. Un arbre d'une forme élégante,
mais plus remar<iuable encor e par la monot oni e de son po r t , est seul mulplié;
c'est le j)aimier-dattier, Vous l'apercevez par - tout , tantôt symét r iquement
N. TOME II. Klk
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