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^ G O O B S E R V A T I O N S
ia plupart des voyageurs ont ¿té induits dans une erreur que partagent tous les [laliitans
du pays. En ef fet , Thé v eno t ( i ) , le P. Vansleb (2) et Pococke (3) nous avoicm
déjà appris, et nous avons été à portée de nous en assurer, qu'au lieu de publier 1«
accroissemens rapides qui ont lieu de vingt-quatre heures en vingt-quatre heures,
quand le Nil commenee à se gontler, on en dissimule une partie, que l'on réserve
pour être ajoutée aux accroissemens dont on fait l'annonce quelques jours avant
celui où les digues des canaux doivent être ouvertes : ainsi, quoique le Nil ne croisse
alors co]niminéraent que de cinq ou six doigts, les crieurs en putlient vingt-trois
ou vingt-quatre, afin d'augmenter les espérances d'une bonne récol te, et d'obtenir
sous cette espérance, et par l'effet de la satisfaction qu'elle procure , des gratifications
plus fortes; car ces crieurs vont annonçant l'état du Ni l dans les rue s , «
entrent dans les maisoirs, où ils reçoivent quelque argent.
Les mêmes motifs qui , dans l'antiquité, avoient fliit confier les Nilomètrcs àla
garde exclusive de certains membres de l'ordre sacerdotal, et qui en interdisoicm
l'accès au vulgaire, ferment encore l'entrée du Meqyâs de Roudah au peuple actud
de l'Egypte : on tient ainsi caché sous des annonces inensongères le véritable eut
du fleuré pendant la durée de sa crue, parce que l'intérêt du fisc exige que l'irapOt
soit acquitté tout entier par les contribuables, à quelque hauteur que l'inontlation
s'élève. A u reste, il n'est point de notre sujet de rechercher la cause à laquelle on
doit attribuer les usages suivis dans la publication journalière de l'accroissement du
fleuve ; il nous suffit d'avoir prouvé qu'avant l'expédition Française en Égypte, on
manquoit d'observations précises pour résoudre les questions relatives à la formation
du sol de cette contrée. Celles que nous avons recueillies, vont être exposéedans
la section suivante.
SECTION IV.
Kecherchcs et Observations faites pour déterminer la quantité séculaïu
d'exhaussement du lit du Nil et du sol de VEgpte.
LES changemens qui s'opèrent naturellement dans le lit d'un fleuve par Je dépôt |
successif des matières qu'il charie, sont assujettis à des lois générales, également
applicables à tous les courans d'eau dont la longueur développée s'accroît par le
prolongement des atiérissemens qui se fondent à leur embouchure. Ains i les observations
au moyen desquelles on détermine ces changemens, peuvent servir à ctcncire I
la théorie du cours des Heuves, c'est-à-dire, de la partie de l'hydraulique qui se lif '
le plus immédiatement à l'histoire physique de la surface de ia terre.
L'exhaussement des plaines expostes à des submersions jîériodiques suivroit Ic:
mêmes lois, si les eaux s'y répandoient en s'cpanchant naturellement par-(ie5su>
les bords du fleuve qui les traverse, et s i , après les crues de ce fleuve , ellti
I.", pag. 465. {3) Voyages de Richard Pococke en Orient, d.nu ¡'t-
(i) Voyage du Levant, ton
(1) Aiouvelle RtLtion d'ut
le P. Vansleb, pag. 68.
Egypte, par gypte, l'Arabie, jjTc.. torn. 11 de la traduction
i/.-/i,pag. ¿67 etsuiv.
S U R LA V A L L É E D ' É G Y P T E . 58 I
rentroient naturellement dans son lit : mais, lorsque ces plaines, comme celles de
j'Égypte, sont entrecoupées de canaux, et traversées par des barrages qui soutiennent
sur difl^érens points les eaux d'une inondat ion, la marche de la nature se
uouve intervertie, et les observations que l'on peut recueillir sur l'exhaussement
du sol, ne présentent plus que des anomalies dont les travaux des hommes peuvent
seuls fournir l'explication.
On voit comment les faits relatifs à l'exhaussement du lit du Ni l , et ceux relatifs
à ¡'exhaussement du sol de la vallée, doivent se ranger en deux classes distinctes.
Les premiers peuvent servir non-seulement à constater la quantité dont le fleuve
s'est exhaussé dans un certain intervalle de temps, mais encore à faire connoicre
la loi de cet exhaussement avec d'autant plus de certitude, que les observations ont
été répétées en un plus grand nombre de lieux. Quant aux seconds, ils constatent
bien, à la vérité, l'exhaussement du sol des plaines exposées aux inondations; mais
on n'en peut conclure que par approximation la progression suivant laquelle il
s'opère en un point détermine.
Le Nil présente, pour la détermination des lois générales auxquelles les fleuves
sont assujettis dans l'établissement de leur r égime , l'avantage particulier de ne
recevoir, tlepuis son entrée en Égypte jusqu'à son embouchure, aucun aflîuent qui
modifie la pente naturelle de ses eaux et la figure du fond de son lit. C'est un
immense courant i solé, dont il est par conséquent d'autant plus facile d'étudier
les divers phénomènes, qu'ils sont dus à des causes moins compliquées. D'un autre
côté, tandis que la plupart des peuples peuvent voir avec une sorte d'indifférence
les fleuves qui traversent leur pays, s'écouler à la mer , sans avoir besoin de remarquer
les changemens que le retour des saisons fait éprouver à ces fleuves, les Egvptiens,
intéressés à connoître à chaque instant l'état du Ni l , puisqu'il est la source unique
de ia fécondité de leurs terres, avoient ér igé, le long de son cour s , des édifices
particuliers où, comme dans autant d'observatoires, on tenoit registre de ses changemens
journaliers; édifices dont , après un certain laps de temps , la posi t ion,
parrapport au niveau du fleuve, pouvoi t elle-même servir à indiquer la quantité
d'exhaussement séculaire de ce niveau.
Si l'Egypte a été appelée avec raison une tene classique, on voi t que le Nil
méiiteroit le nom de fleuve classique avec plus de raison p e u t - ê t r e ; car les
observations dont il est l'objet depuis un temps immémor ial , conduiroient certainement
à la connoissance des lois de l'hydraulique applicables aux grands courans
d'eau et aux changemens qu'ils éprouvent dans la pente et la figure de leurs lits,
si les Kilomètres-qui furent construits dans les différentes provinces de l'Ég^ pte,
avoicm subsisté jusqu'à présent, et si la date de leur érection nous étoit bien
connue.
Mais il n'existe aujourd'hui qu'un seul Ni lomètre que l'on consulte: c'est celui de
l'ilede Roudah; et parmi ceux dont l'histoire constate l'existence, nous n'avons
retrouve que celui de l'île d'Éléphantinc : ainsi ces deux monumens sont les seuls
i l aide desquels on puisse découvrir l'exhaussement du lit du fleuve sur les deux
points où ils sont érigés.