
1 46 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
me nous avons fouvent éprouvé que les voleurs 8c
les pillards nous donneroienc avec joie de leur butin,
ii nous le voulions recevoir.
On luidemandoit pourquoi les artiiles entroient
plutôt dans fon ordre que les théologiens & les dé-
crédités. Il répondit Les païfans accoutumez à boire
de 1' eau s’enyvrent plus aifémeht quand ils trouvent
du bon v in , quilles nobles ou les bourgeois qui y font
accoutumez. Les artiiles boivent pendant toute k
femaine de l’eau d’Aridote & des autres philofophes
c’eft pourquoi quand un dimanche ou une fête ils
viennent au fermon 81 entendent les paroles de J C..
8c de fes ferviteurs, ils y font aifément pris : au lieu
que les théologiens, ont fouvent oüi de femblables
difcours, 8c reifemblent à un facrifiain il accoutumé
à paifer devant l ’autel, qu'il ne faluë plus.
Se trouvant dans une affemblée d’évêques,.ils lui
demandèrent d’où venoitqueles évêques tirez de ces
deux ordres il parfaits des Prêcheurs 8c des Mineurs,
ne réüffiifoient pas dans l'épifcopar.. Vous devez,,
d i t - i l , vous en prendre à vous-mêmes, puifquece relâchement
ne leur arrive qu’après qu’ils ont paifé à
votre ordre : car tant qu’ils ont été dans le nôtre, nous
les avons bien corrigez. De plus il y a Iong-tems que
je fuis dans cetordre,& jene me fouviens point que
le pape ni aucun prélat ou chapitre de cathédrale
m ait demandé ou à quelque autre fuperieur un bon
fujet pour être évêque. Us les choiiiiTent eux-mêmes,
ou par affeélion pour leurs parens ou par quelque
autre raifon peu fpirituelle. ; il dit une autre fois:
Il n’eil pas étonnant que nos freres ne feconduifent
pas fi-bien dans l’épifcopat que les autres religieux ;,
L i v r e L X X X . 147
ils font plus éloignez de leur profeifion, qui leur défend
de rien poifcder même en commun. Onparloit
u n jour devant lui d’un grand perfonnage de l’ordre,
& o n difoit qu’il devoit être fait évêque : J’aimerois
mieux, d i t - i l , le voir porter au tombeau , que fur
une'chaire épifcopale.
Jourdain nous a laifle une rélation fuccinète des
commencemens.de l ’ordre des freres Prêcheurs, qui
eft ce que nous avons de plus original touchant faint
Dominique & fes premiers difciples- A la fin decet
écrit , il marque l’occafion pour laquelle on inftitua
dans l’ordre de chanter après complies l’antienne-W*
veregina. Au convent de Boulogne étoit un frere nommé
Bernard, qui pour l’expiation de fes pechez paflez
demanda à Dieu quelque penitence finguliere , 8c
après en avoir beaucoup délibéré confentit enfin d’être
obfedé du démon, comme il le fut en effet. Or
cette affliétion du Frere Bernard fut la première oc-
cafion de chanter Salve regina dans la maifon de Bou-
I logne, d’où cet ufage s’étendit à toute la province de
[ Lombardie 8c enfuite à tout l’ordre. L’auteur de la
I vie de Grégoire IX. dit que ce pape ordonna que le
I vendredi après tout l’office achevé on chanteroit cet-
I te antienne ; 8c le rapporte avec ce que le pape fit en
I 1138. d'où l’on peut inferer qu’il établit cette dévo-
I tion à l’imitation des freres Prêcheurs.
Le bien-heureux Jourdain avoit gouverné l ’ordre
I des freres Prêcheurs près defeize ans. Pour élire un
I nouveau général on affembla le chapitre à Boulogne;
| 8c comme les peres aifemblez ne s’accordoient pas
I fur le choix, on ordonna des prières au tombeau de
I faint Dominique , après lefquelles étant revenus à
Ti j
AN.1136.
MS.
C.
ap.Rain. 11$
n. 73.
Vi'ta S. Rain. 7.
Janv. BoU. to, I,
f.4 1 1 .