
A n. 12.36.
Eoü. p. 7 ix.
Vita. PP.
1 4 4 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i qj j e .
morts fuiTent enterrez , on avoir vu fur eux toutes
•les nuits des lumières venant du ciel , & que l’on
avoit fenti une odeur très-agréable. Jourdain 8c Tes
deux compagnons furent d’abord enterrez fur le lieu:
mais eniuite les freres Prefcheurs d Acre vinrent
avec une barque, 8c les transférèrent dans leur égli-
fe. Le B. Jourdain mourut ainfi le treizième de Février
1x36. c’ell-à-dire 1137. avant Pâques.
il fe fit plufieurs miracles par fon interceifion, &
on rapporte de lui plufieurs paroles remarquables.
I lv in tu njo u r trouver l’empereur Frideric, 8c après
qu’ils eurent été long-temsaifis enfembleen filence,
Jourdain dit : Seigneur, je vais en diverfes provinces
pour le devoir de ma charge : c’eft pourquoi je m’étonne
que vous ne me demandez pas les bruits qui
courent. L’empereur répondit: J’ai mes envoyez
dans toutes les cours 8c toutes les provinces , 8c je
fai tout ce qui fe fait par le monde. Jourdain reprit :
J. C. favoit tout comme Dieu, 8c cependant il de-
mandoit à fes difciples ce qu’on difoit delui. Vous
n’êtes qu’un homme , & vous ignorez beaucoup de
chofe que l’on dit de v o u s , Sc qu’il fe r o i t fo r tà propos
que vous fçuffiez. Or on dit que vous opprimez
les églifes, quevous méprifez les cenfures,ecclefia-
ftiques, que vous croïez aux augures, quevous fa-
vorifez trop les Juifs & les Sarrafins, quevous n’ho-
norez pas le pape vicaire de J. C. AlTurcment tout
cela n’eft pas digne de vous. Telle fut la correétion
qu’il fit à l'empereur.
Un féculierlui dit un jour: Maître, d’où vient ce
que nous difons quelquefois entre nous, que depuis
que vos freres 8c les freres Mineurs font v e n u s , le
tems
L i v r e L X X X . *4 J
tems n’a point été fi bon, ni la terre fi fertile qu’au- AN.1236.
paravant? Jourdain répondit : Je pourrois le nier 8c
vous faire voir le contraire. Mais fo i t , je vous montre
qu’il eft jufte. Car depuis que nous fommes v e nus
au monde, nous l’avions inftruit & lui avons découvert
plufieurs pechez qu’il ne connoilfoit pas , 8c
que toutefois il ne veut pas éviter. Or ces pechez font
plus grands étant commis avec connoiffance : c’eft
pourquoi Dieu envoie de plus grands fléaux, comme
la fterilité. Et j ’ajoute que fi vous ne vous corrigez à
prefent que vous fçavez ce que vous devez faire 8c
év i te r , il vous arrivera encore pis.
Comme il étoit en une abbaïe de l’ordre de Cif-
teaux, plufieurs moines l'environnerent 8c lui dirent:
Maître , comment votre ordre pourra-t-il durer en
ne vivant que d’aumônes ? A prefent le monde a
beaucoup de dévotion pour v o u s , mais vous fçavez
qu’il eft écrit que la charité fe refroidira. Il répondit
avec une extrême douceur : Je vais vous montrer
par vos propres paroles que votre ordre manquera
plutôt que la nôtre. L’évangile porte que la charité
le refroidira dans le même tems où l’iniquité abondera
, 8c où s’élèveront des perfécutions infupporta-
bles. Or vous jugez bien que les perfecuteurs
Matth.yx. i y . i î
V O U S
ôterons vos biens temporels : 8c comme vous n’êtes
pas accoutumez à aller d’un lieu à l’autre demander
l ’aumône, vous périrez neceiTairemçnt. Nos freres
au contraire feront alors difperfez, 8c feront un plus
grand frui t , comme les apôtres, lors qu’ils furent fé- ^a.vm.4*
parez par la perfécution. ils iront deux à deux à leur
ordinaire cherchant leur vie. Je vous dis plus, ceux
qui vous pilleront leur-donneront volontiers : com-
T o m e X r i l . T