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Chrétiens, parce qu’autrement ils ne peuvent être fau-
vez. Il leur mande encore qu’il s’étonne de ce qu’ils
ont fiait mourir tant d’hommes, principalement des
Chrétiens, & en particulier des Hongrois, des Mo-
raves &c des Polonnois, qui font fes fujets, vu que ces
peuples ne les avoient point offenfez. Et parce que
Dieu en eft fort irrité, il les exhorte à s’en abftcnir
déformais & en faire penitence. Il les prie auffi de lui
écrire ce qu’ils veulent faire à l’avenir & quelle eft leur
intention. Les Tartares aïant oüinôtreréponfe, dirent
qu’ik n o u s feraient conduire à C o re n z a ,q u i eft le
chef de la garde avancée contre les peuples ¿ ’Occident,
pour éviter les furprifes : Sc on dit qu’il commande un
corps de foixante mille hommes. Il garde le cours du
Nieper du côté de la Ruflie.
h. Quand, nous fûmes arrivez à fa cour il nous fit lo ger
loin de lu i, & nous envoïa demander, comment
nous voulions le fa lu e r , c’eft-à-dire, quels prefens
nous lui voulions faire. Nous lui répondîmes ; que le
pape n’envoïoit point de prefens, ne Tachant fi nous
pourrions arriver jufques à eux : outre que nous étions
venus par des lieux fort dangereux. Mais que nous ne
laiflerrons pas de lui faire honneur du peu que nous
avions pour notre fubfiftance. On nous mena à fa
horde ou fa tente, & on nous avertit de fléchir trois
fois le genou gauche à la porte, & prendre garde de
ne pas marcher fur le fcuil. Quand nous fûmes entre
z, il nous fallut nous tenir à genoux pendant que
nous expofions notre charge devant Corenza & tous
les grands qu’il avoit affemblcz~ pour ce fujet : elle
etoit telle que nous venons de l’expliquer. Nous pre-
fentames auffi les lettres du pape. Mais l ’interpretei
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que nous avions amené de Kiov ie n’étoit pas capable
'de les expliquer, & nous n’en trouvions point d’autre
alfez habile.
De- là on nous donna des chevaux & trois Tartares,
pour nous conduire promptement à Batou-can ,
qui eft le plus puiiTant entr’eux après l’empereur, &
campe fur le V o lga . Nous nous mîmes en chemin le
lundi d’après le premier dimanche de Carême, c’eft-à-
dire le vingt-fixiéme de Février 1246. & quoique nous
fiffions grande diligence, nous ne pûmes arriver que
le mercredi de la femaine fainte, c’eft-à-dire, le quatrième
d’Avril. Etant au quartier de Batou, nous fû mes
logez environ à une lieuë de lui ; &c quand on deut
nous mener en fa prefence, on nous die qu’il falloit
paffer entre deux feux. Nous ne le voulions point faire
, mais ils nous dirent, que ce n’étoit qu’une précautio
n , afin que fi nous avions quelque mauvais deifein,
ou fi nous portions quelque poifon , le feu en empêchât
l’effet. Nous répondîmes que nous le ferions pour
purger ces fortes de foupçons. Nous eûmes audience
avec les mêmes cérémonies que chez Corenza;: nous
demandâmes .des interpretes pour traduire les lettres
du pape, &c on nous en donna le vendredi faint.Nous
les traduisîmes avec eux en Ruffien, en Arabe & en
Tartare : &c cette derniere traduction fut préfentée à
Batou, qui la lut attentivement.
Lefamedi faint il nous fit dire, que nous irions trouver
l’empereur C o u ïn e , autrement Caïouc ; mais il re-
tint'queiques-uns des nôtres, fous prétexte de les ren-
voïer au pape -, &c nous leur donnâmes des lettres contenant
la relation de tout ce que nous avions fait.
Mais quand ils furent arrivez au Nieper , on les y
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