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306 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
païs 8c adreffée à tous les prélats de France 8c d’Angle
t erre. En voici la fubftance.
Les Tartares détruifant la Perfe ont tourné leurs
armes contre les Corefmiens 8c les ont chaffés de leur
païs ; enforte que n’ayant plus d’habitation certaine,
ils en ont demandé à pluiieurs princes Sarrafins fans
en pouvoir obtenir : mais le fultan de Babylone ne
voulant pas les recevoir chez lui leur a abandonné la
terre fa inte, les invitant à s’y établir, 8c leur promettant
fon fecours. Ils font donc venus avec une grande
armée de cavalerie, menant leurs femmes 8c leurs
famiües; 8c fi fubitement que ni n o u s n i ceux qui
etoient proches n’ont pû le prévoir: ils fon entrez
dans la province de Jerufalem du coté de Saphet &C
de Tiberiade , 8c fe font emparez de tout le païs depuis
le Tourion des chevaliers jufques à Gazare. Alors
de l ’avis unanime des maîtres du Temp le , de l’Hôpital
8c des chevaliers Teutoniques 8c de lanobleffedu
p a ïs , nous avons réfolu d’appellerànotre fecours les
fultans de Damas 8c de la Chamele nos alliez 8c ennemis
particuliers des Corefmiens. Mais comme ce
fecours tardoi tà venir , 8c que Jerufalem eftfans aucune
fortification : les Chrétiens qui étoient dedans
fe trouvant trop peu pour réfifter aux Corofmiens,
ont réfolu d’en fortir au nombre de plus de fix mille,
pour venir chez les autres Chrétiens , laiiTant très-
peu des leurs dans la ville.
Ils fe font donc mis en chemin par les montagnes,
avec leurs familles 8c leurs biens: fe fiant aux trêves
qu’ils avoientavec le fultan de Carac, 8c avec les paï-
fans Sarrafins des montagnes. Mais ceux ci fortant
contre ces Chrétiens en ont tué une part ie, 8c pris une
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p a r t i e efclaves , qu'ils ont vendus à d’autres Sarrafins, N - l * 4 4 *
même les religieufes, Quelques-uns s’étant échapez 8c
deicendus dans la plaine de Rama, les Corefmiens ont
fondu fur eux & les ont tuez : enforte que de ce grand
peuple à peine s’en eft-ilfauvé trois cens.Enfin les Co- f - s s 7.
refmiens font entrez dans Jerufalem prefque deferte,
8c comme les Chrétiens qui y reftoient s’étoient refu- «
giez dansl’églife dufaint Sepulchre , ces barbares les
ont tous éventrez devant le fépulchre même , 8c ont
coupé la tête aux prêtres qui celebroient fur les autels
: fe difant l’un à l’autre : Répandons ici le fang
des Chrét iens, où ils offrent du v inà leu rDieu , qu’ils
difenty avoir été pendu, ils défigurèrent en plufieurs
manieres le S. fepulchre,arrachèrent le marbre dont il
étoit revêtu endehors, profanèrent le Calvaire 8c toute
l’églife par toutes fortes d’ordures; 8c*envoïerent
au fepulcre de Mahomet les colomnes qui étoient devant
celui d eN. S, Ils rompirent les tombeaux des rois
qui étoient dans la même ég l i fe , c’eft-à-dire, deGo-
defroi de Boiiillon 8c de fes fucceffeurs, 8c difperfe-
rent leurs os. Ils profanèrent le mont de Sion, le T em ple,
l’églife de la vallée de Jofaphatoùeft le fepulchre
de lafainte Vierge : ils commirent dans l’églife de
Bethlehem 8c la grotte de la nativité des abominations
que l’on n’ofe dire. En.quoi ils furent pires que tous
les Sarrafins, qui ont toujoursconfervé quelque ref-
pe£t pour les Saints lieux. C e récit fait voir avec quelle
précaution on doit lire les relations modernes de
l’état des mêmes lieuic faints.
La lettre continue : Ne pouvant iouffrir de fi grands
maux 8c voulant empêcher les Coreimiens de détruire
tout le païs, nous réfolumes de nous oppofer à eux
fi