
XVII.
Canoniftes.
Glof.ine» i De-
Jum. Tr •
q 1. Confît* c.
xo.
Jîift. liv, LXIX
77. 45.
xx ij Cinquième Difcours
dre l'agréable à l ’utile, atteint au point de la perfection? C ’eft cette dureté
du ftile fcolaftique qui rebute tant de jeunes gens & leur rend l'étude
odieufe pour toute leur vie, après qu’ils ont paflé quelques années dans
les collèges & les feminaires à écouter ce langage & à difputer lur des
queftrons abftraites dont ils ne voient point l’utilité. L ’inftruâion eft
la nourriture des efprits ; imitons, en la donnant, l’ordre de la nature ou
plutôt de la fage (Te divine, dans la diftribution delà nourriture corporelle.
Elle y a joint un plaiiit qui en eft le Véhiculé & qui par une agi éa-
ble neceflité nous engage à nous confervcr & nous fonifier.Imitons laint
Baiile & S. Auguftin, qui à la folidité & la fubtilité des penfées , joignent
les tours délicats & les expreflions gratieufes : qui ne nous propofent
point des quefbons frivoles & puériles, mais les objeâions cfllClives des
heretiquesde leur tems: qui ne nous repaiflent point de doutes & d’opinions
, mais de veritez certaines : qui joignent l onCtion à la d o â r in e ,
même dans les matières les plus arbitraires. Voila les guides qu’un théologien
fedoit propofer.
Les Canoniftes du treizième fiécle fuivirent la même méthode & le
même ftile que lçs théologiens: mais ils ne confcrverent pas fi bien la
tradition pour le fonds de la d o â r in e , étant perfuadés, comme il eft vrai,
que la difcipline n ’eft pas auiïi invariable que la foi. J ’ai montré dans le
difcours précèdent les fources de ce changement: l’autorité des fauifes
décrêtales &<le tout le décret de Gratien , l ’opinion que le pape n etoit
point fournis aux canons & que fon pouvoir étoit fans bornes. D ès-lors
o n s ’élo gna/le plus en plus des maximes de l’antiquité , on ne fe mit
pas même en peine de les connoître : la jurifprudence canonique devint
arbitraire & par confequent incertaine, par la multitude exetflive de
nouvelles conftitutions dérogeant les unes aux autres, enfin parlesdif-
penfes des loix qu’on n’ofoit abroger. Les doâeurs qui expiiquoient
dans les écoles le Décret de Gratien & les Decretales de Grégoire IX. y
firent des glofes, qui font devenues fameufes, quoique l’utilité n’en foit
pas grande, fi ce n’eft par les renvois, car iis indiquent aflés-bien les chapitres
& les paflages qui ont raport les uns aux autres. Mais ces gloflateurs
n’expliquent point les mots difficiles des anciens canons, ils ne le sen-
tendoient pas eux-mêmes; & ils ne rapportent gueres les caufes ou les oc-
cafions hiftoriquesdes conftitutions.Cequ ils appellent en poler le cas ne
confifte qu a mettre en marge les propres paroles du t<xte. Quelquefois,
pour montrer leur érudition ils donnent des étymologies : mais fouvent
ridicules, comme celle de Diabolus au commencement des Décréta
is . Leur principale application eft de tirer des indudions & des con-
fequences des paroles du texte, pour les appliquer à quelque autre fujet y.
ordinairement pour y fonder quelque chicane.
Car c ’étoitl’eiprit qui regnoit alors : voïez les plaintes que fait S. Bernard
des avocats qui plaidoient en cour de Rome, & par là jugez des
autres tribunaux : voïez les canons du grand concile de Latran, & encore
plus ceux du premier concile de L io n , & vous verrez jufques à quel
e x c è s étoit dès-lors montée la fubtilité des plaideurs , pour éluder toutes
les loix les faire fervir de prétexte à l ’injuftice ; car c’eft ce que
fur l’HiJloire Ecclefiafique. xxiij
j'appelle efprit de chicane. O r les avocats & les praticiens én qui dominoit
cet efprit étoient des clercs, ils étoient alors les feuls qui étudiaflent la
jurifprudence civile ou canonique , comme la medecine & les autres
fciences : il étoit bien défendu aux moines d’en faire profeflion publique,
mais non pas aux.clercs feculiers. Si la vanité feule & l’ambition de fe distinguer
fournifloit aux philofophes& aux théologiens tant de mauvaifes
fubtilitez pour difputer fans fin & ne fe confefler jamais vaincus : combien
l’avidité du gain y excitoit-elle plus puiffamment les avocats, &
qu’étoit-ce qu’un tel clergé/ L ’efprit d e l évangile n’eft que fincerité,
candeur , charité, defintereffement : des clercs fi dépourvüs de ces vertus
étoient bien éloignez de les enfeigneraux autres.
Les évêques & les autres fuperieurs les mieux intentionnés étant in£-
truits aux mêmes écoles n’en fçavoient pas aflès pour remedier à ces
maux: nouslevoïons par leurs conftitutions, qui ne tendent la plupart
qu’à regler le détail de la procédure & pourvoir àdesinconveniens particuliers
fans aller à la fource du mal. Il falloit reprendre l ’édifice par les
fondemens, en formant un nouveau clergé, choifi comme autrefois en- n, g,
tre les plus parfaits du peuple, examiné par de longues épreuves Si élevé
au facré myftere par la feule confideration du mérité. Voïez ce que
j’en ai dit au fécond difcours.Sans ces fages précautions les meilleures loix
font méprifées & par confequent inutiles. Mais pour former un tel
clergé il eut fallu que les évêques euflent renoncé à leurs intérêts particuliers
: qu’ils n’euffent pas déliré d ’avancer leurs paï ens dans les dignités
ecclefiaftiques ; & qu’ils enflent eu la force de refifter aux princes,
qui vouloient en pourvoir leurs enfans à la décharge des familles. Il eut
fallu du moins connoître l’ancienne difcipline, mais on n etudioit plus
les livres où l’on eût p.û l’apprendre.
Etudions-les donc à prelent, nous qui les avons entre les mains : re- XVIII.
montons aux conftitutions apoftoliques , aux canons de Nicéc & des , P an dcs mei’-
•1 . J leurs études,
autres premiers conciles : aux epitres canoniques de S. Grégoire Thaumaturge
& de S.Bafile, auxlettres de S. Cyprien & des autres peres ? j’ai
marqué dans l’hiftoire celles que j’ai crû les plus propres à nous inftruire
de l’ancienne difcipline. Et comme nous ne pouvons nous tranfportér
hors de notre fiécle, ni changer l ’ufage félon lequel nous vivons: étudions
aufli les conftitutions modernes & les livres des canoniftes, mais
contentons-nous de les fuivre, autant qu’il eft befoïn, pour nous conformera
l’état préfent des affaires: fans les admirer, & nous boucher
les yeux pour ne pas voir leurs défauts, leur grofliereté , leur ignorance
de l’antiquité, leurs mauvaifes fubtilitez, la baflefle de leurs fentimens
Souvenons-nous toûjours de la noblefle & de la pureté des anciens canons
, qui netendoient qu’à conferverles bonnes meeurs 6c à fortifier la
pratique de l ’évangile. *
On pouroit de même à proportion rétablir l’étude de la théologie, &
l’ouvrage eft déjà bien avancé. Les univerfitez ont eu le malheur de
commencerdansuntemsoùle goût des bonnes études étoit perdu ; mais
on l’a retrouvé peu à peu depuis plus de deux cens ans, comme vous verrez
dans la fuite de l’hiftoire ; & elles en ont profité. On a étudié eu