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donnoit à tous la croix fur l'épaule, & on les nomma
les Paftoureaux.
Mais à ces premiers qui le fuivoient par fimpli-
c ité , fc joignirent des vagabonds, des voleurs,
des bannis, des excommuniez 8c tous ceux qu’en
langage du temps on nommoit Ribaux : enforte
que bien-tot ils compoferent une armée de cent
mille hommes, dillnbuée par troupes fous diife.
rens chefs avec cinq cens enfeignes, où étoit re-
prefentee la croix 8c un agneau, avec les vifions
que Jacob prétendoit avoir eues. On le nommoit
le maître de H on grie, & il avoit fous lui deux
autres principaux maîtres. Ces prétendus difciples
de 1 agneau portoient des épées, des poignards,
des cognees, des maifuës 8c toutes les armes qu’ils
a voient pu ramaifer ; & quand le maître prêchoit
il étoit environné des mieux armez, prêts?à fe je t-
ter fur quiconque oferoit le contredire : car Jacob
8c les maîtres fubalterncs prêchoient de leur
autorité quoique laïques, 8c difoient quantité d’extravagances
même contre la foi. Ils prétendoient
donner la remiifion des pechez 8c faire des mariages
à leur gré. Ils déclamoient contre les eccle-
iiaftiques 8c les religieux, principalement les frères
Prêcheurs 8c les Mineurs, qu’ils traitoient de
vagabonds & d’hipocrites. Ils taxoient les Cifter-
ciens d avarice 8c d’attachement à leurs terres 8c
a leurs beftiaux : les moines noirs de gourmandife
8c d orgueil. Les chanoines étoient félon eux demi
laiques, 8c adonnez à la bonne chere : les évêques
Si leurs officiaux occupez à amaifer de l ’argent 8c
L i v r e q u a t r e -v in g ,ï,-t r o i s ie ,m e . 447
vivant dans toutes fortes de délices. Quant à la * — »
cour de Rome ils en difoient des infamies qu’on A n . i z j i .
n’ofoit répéter. Le peuple déjà prévenu de haine
8c de mépris pour le clergé, applaudiiToit à ces
difeours.
Les Paftoureaux commencèrent à paroître après
Pâques l’an n j i . 8c l’éloignement du pape augmenta
leur hardieife. Ils s’aifemblerent première- xtmg.ckr.to.n.
ment en Flandres & en Picardie, où les peuples
font plus iîmples ; 8c ils étoient déjà en très-grand
nombre quand ils entrèrent en France. En paf-
fant dans les villes 8c les villages ils portoient
leurs armes hautes pour tenir le peuple en crainte
, de forte que les juges mêmes n’ofoient s’y op-
pofer. La reine Blanche les toléra quelque temps
dans l’efperance qu’ils pourroient délivrer fon fils.
Quand ils eurent paifé Paris, ils crurent avoir
évité tous les périls : fe vantant d’être reconnus
pour des gens de b ien , puifque dans cette ville où
étoit la fource de toute la iageife ils n’a voient re-
<jû aucune contradidbion ; 8c ils commencèrent à
exercer plus librement leurs pillages 8c leurs v io -
lences. Le jour de faint Barnabé onzième de Juin
ils arrivèrent à Orléans en grand appareil, 8c y
entrèrent malgré levêque 8c le clergé ; mais avec
l ’agrement du peuple. Jacob aïant fait avertir à
cri public qu’il prêcheroit, il y vint une multitude
infinie. L’évêque nommé Guillaume de Buffi
défendit a tout fon clergé, fous peine d’excommunication,
d’écouter ou de fuivre cet impofteur,
car les laïques n’étoient plus touchez de fes ordres
ni de fes menaces. Toutefois quelques éco-
N h n ij