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448 H i s t o i r e * E c c l e s i a s t i q u e ;
-------------- lie rs , ne pouvant refifter à la curiofité, voulurent
A n . i z j i . entendre ce nouveau prophète ; mais les ecclefiaf-
tiques les plus fages s’enfermèrent & fe barricadèrent
dans leurs maifons.
Jacob aïant commencé à prêcher & à débiter
fes extravagances ordinaires, un des écoliers qui
l ’écoutoient s’approcha hardiment & lui dit : T u
as menti malheureux hérétique ennemi de la vérité
, tu trompes les iîmples. A peine avoit-il ainfi
parlé qu’un des Paftoureaux lui fendit la tête en
deux d’un coup de cognée. Auifi-tôt ils s’élevèrent
tous en tumulte contre le clergé, rompirent les
portes & les fenêtres de leurs m a ifo n s ,,& brûlèrent
les livres les plus précieux ; &c comme le peuple
ne s’y oppofoit p o in t , ils en dépoiiillerent, en
bleiferent & en tuerent plufieurs, ou les jetteront
dans la Loire. On en compta jufques à vingt-cinq
de morts. Ceux qui s’étoient tenus enfermez dans
leurs maifons fe fauverent la nuit. Les Paftoureaux
voïant la ville en trouble, & craignant d’être attaquez
fe retirèrent, & levêque la mit en interdit
pour ne leur avoir pas réiîfté.
La reine Blanche étant informée de ces défor-
dres, avoiia modeftement qu’elle avoit été trompée
à la fimplicité apparente de ces impofteurs ;
& par le confeil des prélats & des feigneurs, elle
réfolut de les diftiper. On commença parles dénoncer
excommuniez : mais ils arrivèrent à Bourges
& y furent reçûs par les bourgeois avant que
l ’excommunication fut publiée. Ils entrèrent dans
les fynagogues des J u ifs , brûlèrent leurs livres &
pillèrent leurs maifons. Mais après qu’ils furent
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L i v r e q u a t r e - v i k g t - t r o i s i e ’m e . 4 4 ^
fortis de la v ille , le peuple les fuivit en armes ;& p
comme Jacob prêchoit avec fon impudence ordi- A n . i z j i .
n a ire ,u n boucher lui donna d’une cognée fur la
tête & le tua. Son corps demeura fans fépulture ;
& le bruit s’étant répandu que les Paftoureaux &
leurs fauteurs étoient excommuniez, ils fe difper-
ferent & on commença par tout à les pourfuivre
& les aifommer comme des chiens enragez.
Quelques-unes de leurs troupes s’étant préfen-
tées pour entrer à Bourdeaux, Simon comte de
Leiceftre, qui y commandoit pour le roi d’Angleterre
, fit fermer les portes & leur demanda de
quelle autorité ils agiffoint. Ce n’eft répondirent-
ils , ni par l’autorité du pape, ni par celle des évêques
, c’eft par l’autorité de Dieu tout-puiifant &c
de la Vierge fa mere. Retirez-vous au plûtô c, dit
le comte, finon je vous pourfuivrai avec toutes
mes troupes & les milices du pais. Ils fe retirèrent t■ i™'-.
épouvantez de cette menace : & leur chef s’étant
dérobé fecretement fretta un vaiffeau pour retourner
chez les Sarrafins d’ou il étoit venu ; mais les
mariniers l’aïant reconnu pour un compagnon du
Hongrois, le jetterent dans la Garonne pieds &ç
mains liez. Ils trouvèrent dans fon bagage beaucoup
d’arg en t, des poudres empoifonnées & des lettres
écrites en A ra b e , par lefquelles il exhortoit le ful-
tan à pourfuivre fon entreprife & promettoit de
lui amener un grand peuple.
Un troifiéme ch e f des Paftoureaux paffa en
Angleterre, où il en raifembla en peu de temps
plu? de cinq cens : mais le bruit s’étant répandu
qu’ils étoient excommuniez, & que le Hongrois
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