
$ 6 6 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
la Chine. Il me demanda par où nous commencerions,
favoir comment le monde a été fa it , ou ce
que deviennent les ames après la mort. Il vouloit
commencer par ces deux queftions fur lefquelles
il fe croïoit le plus fort ; car ils font tous Manichéens
, croïant les deux principes, l’un bon, l’autre
mauvais; & ils croient auflî que les ames palfent
d’un corps à l’autre. Je lui répondis, que nous devions
commencer par parler de Dieu , qui eft le
principe de toutes chofes ; 8c les arbitres jugèrent
que j’avois raiion.
Je dis donc aux Tuiniens, que nous croïons fermement
qu’il n’y a qu'un feul Dieu très-parfait, 8c
leur demandai ce qu’ils en croient. Ils répondirent
: Il faut être infenfé pour ne croire qu’un Dieu;
n’y a-t-il pas de grands princes en votre pais, & ici
un plus grand que tous les autres, qui eft Mangou-
can? Il en eft de même des dieux. Je répliquai: La
comparaifonn’eftpas jufte,autrement chaque prince
en fon païs pourroit être appcllé dieu. Et comme
je voulais réfuter leur comparaifon, ilsm’inter-
rompirent , me demandant avec empreflement
quel étoit donc ce Dieu unique. Je répondis : C ’eft
le tout puiflant qui n’a befoin de l’aide d’aucun autre
: au lieu que parmi les hommes , aucun n’eft
capable de tout faire ; c’eft pourquoi il y a plu-
iîeurs princes fur la terre. De plus Dieu n’a point
befoin de confeil, parce qu’il fait tout, & toute la
iagefle & la fcicnce procédé de lui : il n’a que faire
de nos biens, ceft en lui que nous vivons & que
jious fommes.
Nous favons bien, dirent-ils , qu’il y a au ciel
L i v r e qu a t r e v i n g t - q u a t r iE’m e . $e j
un Dieu fou verain ,dont la génération nous eft inconnue
, 8c dix autres fous lui, 8c un autre inférieur
à ceux-ci; mais fur la terre il y en a une in finité. Ils
vouloient ajoûter plufieurs fables pareilles ; mais
je leur demandai, lî ce grand Dieu du ciel étoit
tout-puiflant,.ou s’il tenoit fa piiiffanee dun autre:
Au lieu de me répondre , ils me dirent : Si ton
Dieu eft tel que tu dis, pourquoi a-t-il fait ht
moitié des chofes mauvaifes. Cela eft faux, répondis
je, celui: qui a fait mal ne peut être Dieu g il
ne feroit plus Dieu s’il étoit auteur du mal. Cette
réponfe étonna tous les Tuiniens ; &c ils me demandèrent
d'où venoit donc le mal. Je leur répondis,
qu’avant que de faire cette queftion, il fal-
loit demander ce que c’eft que la mal , 8c commencer
par me répondre s’ils eroïoient qu’il y
eût quelque Dieu tout puiflant. Comme ils iè tai-
foient, les arbitres leur commandèrent de répondre;
& étant preifez ils dirent fans façon , qu’il
n’y avoit point de Dieu tout-puiflant, de quoi tous
les Sarraiins fe mirent: à rire. Je dis enfuite aux
Tuiniens , qu’aucun de leurs dieux ne pouvoir
donc les garantir de tous maux, 8c qu’ils ne pou-
voienï fervir tant de maîtres. A quoi il ne répondirent
rien.
Je voulois continuer & prouver l’unité de l’efFen-
ce divine, 8c la Trinité: des perfonnes ; mais les.
Neftoriens voulurent parler à leur cour, &s fe mirent
à difputer contre les Sarr.afins ,, dont ils n’eurent
autre répofile, fînon qu’ils tenoient pour véritable
tout ce que l’évangile contient : qu’ils confcifoient
un feul Dieu, 8i lui demandoient la grâce de mou