
XIX.
pagures &Nefto-
ficus.
H . p. 9**
£.107'
¡ 6 o H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
Nous marchâmes cinq Termines avec Baatou fui-
vant le cours du Vo lga ; enfin vers l’Exalcation de
la fainte c roix , c’eft-à-dire la mi-Septembre, un
riche Mogol vint nous dire : Je dois vous mener à
Mangou-can : c’eft un voïage de quatre mois, Si par
un pais où il fait un froid à fendre les pierres.
Nous marchâmes à cheval depuis le feiziéme de
Septembre jufques à la TouiTaints, tirant toûjours
au le v an t, Si aïant la mer Cafpienne au midi. On
ne peut dire ce que nousfouftrîmesdefaim,defoif,
de froid Se de fatigue. Les vendredis je demeurais à
jeun jufques à la nuit fans rien prendre ; Se alors j’ér
tois contraint de manger de la viande avec douleur.
A u commencement notre conducteur nous mépri-
foit fort ; mais quand il commença â nous mieux
connoître, il nous menoit aux riches M o g o ls , Sc
il nous falloit prier pour eux : enforte que fi j’euffe
eu un bon interprète , j’avois l’occafion de faire
beaucoup de fruit. Ils écoientfortfurpris de ce que
nous ne voulions recevoir ni or ni arg en t, ni habits
precieux. Ils demandoient f i l e grand pape
étoit auffi vieux qu’ils avoient oüi d ire , car on
leur avoit dit qu’il avoir cinq cens ans.
Rubruquis raconte enfuite une converfation qu’il
eut avec les prêtres de certains idolâtres nommez
Jugures, & dit : Etant dans le temple, Si y voïant
quantité d’idoles grandes Si petites, je leur demandai
ce qu’ils croïoient de Dieu. Us répondirent
Nous n’en croïons qu’un. Croïez-yous, leur dis-je,
qu’il foit eiprit ou quelque chofe de corporel ?
Nous croïons qu’il eft efprit. Croi.ez-vous qu il
ait jamais pris la nature humaine ? Non, Puifques
vous
L i v r e q u a t r e - v i n g t - q u a t r i e ’m e . j V *
vous croïez qu’il eft efprit Si unique, pourquoi lui
faites-vous des images corporelles Si en fi grand
nombre? Si puifque vous ne croïez pas qu’il le foit
fait homme , pourquoi lui faites-vous des images
d’hommes, plutôt que d’autres animaux ? Ils répondirent
: Nous ne faifons pas ces images pour re-
prefenterDieu, mais quand il meurt quelque homme
riche entre les nôtres, fon fils , fa femme, ou
quelque ami fait faire fon image Si la met i c i , Si
nous l’honorons en mémoire de lui. Vous ne le faites
donc, dis-je, que pour flater les hommes. N o n ,
dirent-ils, c’eft pour honorer leur mémoire. Alors
ils me demandèrent comme en fe moquant : Ou
eft Dieu ? Et je leur dis : Où eft votre ame ? Dans
notre corps. N ’eft-il pis vrai qu elle eft par tout
votre corps, qu’elle le gouverne tout entier, quoiqu’on
ne la voie pas ?Ainfi D ieu eft partout & gouverne
tout ,& cependant il eft inv ifible , parce qu’il
eft entendement & fageffe. Je voulois pouffer plus
loi le raifonnement avec eux ; mais mon interprète
fatigué ne pouvant plus s’expliquer, m obligea a
me taire. Les Tartares font de cette fcéte , en ce
qu’ils ne croient qu’un D ie u , Si font auili des images
de leurs morts.
Parlant du Cataï qui eft la C h in e , l’auteur d i t ,
que les Neftoriens y habitent en quinze villes, Si
ont un cvêchéencelle de Segin. Ils fo n t , ajoute-
t - i l , très-ignorans, Si n’entendent point la langue'
Syriaque dans laquelle ils font leur fervice Si lifent
l ’écriture-fainte. De là vient la corruption de leurs
moeurs, fur-tout l’ufure Si l’yvrognerie. Quelques-
uns ont pluficursfemmes comme les Tartares avec
Tome X V I I . B b b b
B.p. lié.