
4 7 8 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
.-------------- gleterre que de l'Allemagne : ce qui le fit pénfer fé-
A n . 1254- rieufement à fonretour. Il appelle le légat qui étoit
j oinv-t. no. avec lui } & jui fit faire plufieurs proceifions, pour
demander à Dieu qu’il luifit connottre fa volonté ;
& enfin il réfolut de donner ordre à fon voïage pendant
le Carême , & partir à Pâques qui cette année
1254. devoit être le douzième d’A v r il. La réfolu-
tion étant prife, le légat pria un jour le firede Join-
ville de venir avec lui à fon logis ; & l’aïant fait
entrer dans fa garde-robe il commença à pleurer ,
& lui prenant les mains, il lui dit: Sénéchal, je me
réjouis & rends grâces à Dieu de ce que vous êtes
échapez de tant de périls : mais d’ailleurs, je fuis pénétré
de douleur d’être obligé de quitter vôtre bonne
& fainte compagnie, pour retourner à la cour
de Rome avec des gens fi déloïaux comme il y en
a. J’ai réfolu de demeurer encore un an après vous
à A c r e , & emploïer ce qui me refte d’argent à en
fortifier le fauxbourg,afin qu’on n’ait rien à me reprocher.
f.ni. Le deffein du départ du roi étant devenu public,
le patriarche de Jerufalem& les barons du païs vinrent
le trouver, & lui rendirent humblement grâces
des biens qu’il avoir faits à la terre-fainte en
fortifiant Acre & rebâtiifant Saïde,Cefarée & Jaffe,
& ils ajoûterent : Nous voïons bien, fire,que votre
féjour ici ne pourroit plus être utile au roïaume de
Jerufalem : c’eft pourquoi nous vous confeillons
d’aller à Acre faire les préparatifs de votre voïage
pendant ce carême. L e ro ifu iv it ce confeil, & demeura
à Acre jufques â fon départ. Il eut la con-
folation d’avoir procuré pendant fon féjour à la terre
fainte la converfion de plufieurs Sarrafins. Ils 1— ---------
étoient touchez de fa merveilleufe patience dans A N- i i 5 4 -
l’adverfité , & de fa confiance inflexible dans fon Matth.p*r.p.7s,.
deflein. Ils voïoient la fermeté de fa fo i 8c l’amour
de fa religion , qui lui avoit fait quitter les délices
de fon roïaume pour s’expofer à tant de périls. Ils
s’adreifoient donc à lui & il les recevoit à bras ouverts
; 8c les faifoit inftruire foigneufement par les
freres Prêcheurs 8c les freres Mineurs qui leur fai-
foient voir le foible de la religion de Mahomet 8c
la vérité du chriftianifme. Ils recevoient le baptême,
8c le roi leur donnoit la fubfiftance : il en emmena
plufieurs en France avec leurs femmes 8c leurs en-
fans:ilen envoïa quelques-uns devant, & leur affigna
à tous des penfions leur vie durant.Il fit aufli acheter
plufieurs efclaves tantMahometans que païens, 8c
en prit le même foin. De là viênnent apparemment
tant de familles qui portent le nom de Sarrafin. t- 45*-
Louis partit en fin du port d’Acre le vendredi vingt- 7°™*.p. m,
quatrième d’Avril 1254. chargé des benediûionsde
tout le peuple , de la nobleffe & des prélats, qui le
conduifirent jufques à fon vaiifeau. Il laifla le légat
avec un fecours confiderable d’argent 8c de
troupes ; 8c obtint de lui la permiflïon d’avoir dans
le vaiffeau le S .facrement, pour donner la communion
tant aux malades qu’à lu i 8c aux fiens quand
on le jugeroit à propos. Or la permiifion du légat
étoit neceifaire , parce que les autres pèlerins, quelque
grands qu’ils fulfent, n’avoient pas accoûtumé
d’en ufer ainfi. Le roi fit mettre le S. facrement
dans le lieu du vaiifeau le plus convenable : ou il
fit dreifer une riche tente d’étoffe d’or & de foye
R r r ij