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où il le félicité de fa convei fion 8c de fon baptême
, dont il dit avoir appris la nouvelle par Jean
prêtre & chapelain de Sartach. C'étoit fans doute
quelqu’un de ces Neftoriens impofteurs, qui s’étoit
donne ce titre pour attirer quelque gratification
du pape 8c des princes Chrétiens. Rubruquis continue
fa relation.
AudLncVde Q.uancj nous fûmes arri vez au V o lg a , nous nous
Ea.itou. embaïquames deifus, pour defeendre à la cour de
t-78- Baatou , que nous trouvâmes comme une grande
ville de maifons portatives, & de trois ou quatre
lieuës de long. On nous mena à un certain Sarrafin,
qui le lendemain nous conduifit chez le prince, 8c
nous demanda fi vous leur aviez envoie des amba
(fadeurs. Je lui dis comme vous en aviez envoïù
a Ken-can, 8c que vous ne lui en eulïiez point envoie
, ni de lettre a Sartach, fi vous n’aviez crû
qu ils etôient Chrétiens, parce que ce n’étoit que
pour les en congratuler, 8c non par aucune crainte.
Il nous mena au pavillonoùétoit Baatou ;nous
étions nuds pieds 8c nuë tête avec notre habit, 8c c’é-
sup.Uv. unii, toit un grand fpedfcaclepoureux. Frere Jean de Plan
Carpin avoit été là ; mais il avoit changé d’habit
pour n’être pas méprifé, parce qu'il étoit nonce
du pape. Apres un peu de filence on nous fit mettre
à deux genoux , &c Baatou me commanda de
parler. La poftureoù j etois me fit penfer quejede-
vois commencer par unepriere, & je dis : Seigneur,
nous prions Dieu de qui tout bien procede,%c qui
• vous a donné ces biens terreftres, de vous donner
auifi les celeftes, fans lefquels ceux-ci font inutiles.
Il m ecoutoit attentivement, & j’ajoutai : Sachez
L i v r e q u a t r e - v i n g t - q u a t r i e ’m e . h ?
que vous n’aurez point les biens celeftes, fi vous
n’êces Chrétien. Car Dieu dit : Qui croira 8c fera uarcu.«.
baptifé,fera fauvé,mais qui ne croira pas,fera condamné.
A ces mots il foûrit modeftement, & les autres
Mogols commencèrent à battre des mains, fe moquant
de nous. Mon interprète eut grand peur, 8c
je fus obligé de le ralfurer. Après qu’on eut fait fi-
lence , je dis a Baatou : Je fuis venu vers votre fils
parce que nous avons oiii dire qu’il étoit Chrétien:
je lui ai apporté des lettres de la part du roi de
France, 8c il m’a envoie à vous, vous en devez fa-
voir la raifon. Alors il me fit lever 8c fit écriremos
noms : puis il me di t , qu’il avoit appris que vous
étiez forti de votre pais pour faire la guerre. Je lui
dis que c’étoit contre les Sarrafins qui profanoient
la maifonde Dieu à Jerufalem. Il nous fit alfeoir 8c
nous fit donner à boire de fon cofmos, ce qui paife
chez eux pour un grand honneur. Nous fortîmes, 8c
peu de temps après notre conduâxur vint, 8c me dit :
Le roi votre maître dit que l’on vous retienne en ce
païs-ci, ce que Baatou ne peut faire fans la participation
de Mangou-can. C ’eft pourquoi il faut que
vous alliez le trouver vous 8c votre interprète :
votre compagnon 8c l’autre homme retourneront
vous attendre à la cour de Sartach. Alors l’interpre-
te Homodei fe mit à pleurer fe croïant perdu, &
mon compagnon protefta qu’on lui couperoit plû-
tôt la tête, que de le féparerde moi. Enfin Baatou
ordonna que nous irions tous deux avec l’interprete,
& que le clerc Gozet retourneroit vers Sartach:
nous nous feparâmes ainfi avec larmes.