■ & le peuple par reconnoiflance combattît en fa faveur
à là bataille de Pharfale. Cependant Céfar fit
gloire de lui pardonner après fayi&oire, & dit ce
beau mot « je devrois punir les Athéniens dJaujour-
•» d’hui, mais c’ eft au mérite des morts que j’accor-
» de la grâce aux vivans. »
Augime laiffa aux Athéniens leurs anciennes lois,
5: ne leur ôta que quelques îles qui leur avoient été
données par Antoine. L’empei'eur Adrien fe fit gloire
d’être le rellawrateur de fes plus beaux édifices ,
& d’y remettre en ufage les lois de Solon. Son inclination
pour Athènes paffa à Antonirius Pius fon fuc-
•ceffeur , qui la tranfmit à Verus. L’empereur Valé-
rien en fit auffi rétablir les murailles ; mais cet avantage
ne put empêcher que fous l’empire de Claude,
fucceffeur de Gallien, elle ne fut ravagée par les
Scythes. Enfin 140 ans après fous l’empire d’Hono-
rius, elle fut prife par Alaric , à la fôllicitation de
Stflicon.
Tout le monde fait les nouvelles viciffitudes qu’ elle
éprouva depuis. Du tems de la fureur des croilades,
elle devint la proie du premier occupant, François,
Arragonois, Florentins, &c. mais les Francs fe virent
forcés de l’abandonner en 1455, aux armes vifto-
rieufes de Mahomet II. le plus redoutable des empereurs
ottomans.
Depuis cette fatale époque, les Turcs en font refilés
les maîtres , & ont bâti des mofiquées fur les ruines
des temples des dieux. Les janiffaires foulent aux
piés les cendres des orateurs Ephialtès, Ifocrate &
Lycurgue, les tombeaux d’Hippolite fils de Théfée,
de Miltiade , de Thémiftocle, de Cimon, de Thucydide
, &c. Le palais d’Adrien leur fert de cimetière.;
la place céramique .où étoit un autel dédié à la
Miféricordè, eft leur bazar. Le quartier du cady
étoit celui d’Efchines, rival de Démofthene : les en-
fans de ce quartier y commençoient à parler plutôt
qu’ailleurs. Le palais de Thémiftocle etoit dans ce
quartier. Epicure ôc Phocion y demeuroient. Il y
avoit auffi trois fuperbes temples élevés en l’honneur
des grands hommes. L’églife archiépifcopalè des
Grecs étoit le temple de Vulcain décrit par Paufanias.
Je renvoie le leéleur au même hiftorien pour la def-
cription de toutes les autres merveilles de cette ville
célébré; mais je dois dire quelque chofe de fon gouvernement.
Athènes ayant été compofée par Solon de dix tribus,
on nomma par chaque tribu fix vingt citoyens
des plus riches pour fournir à la dépenfe des arméniens
: ce qui formoit le nombre de douze cens hommes
divifés en vingt clafl'es. Chacune de ces vingt
clafles étoit compofée de foixante hommes , & fub-
divifée en cinq parties dont chacune étoit de douze
hommes.
Solon établit que l’on nommeroit par choix à tous
les emplois militaires, & que les fénateurs & les juges
ferôient élus pas le fort. Il voulut auffi que l’on
donnât par choix les magiftratures civiles, qui exi-
geoient une grande dépenfe, & que les autres fuffent
données par le fort. Mais pbur corriger le fort, il ré-- '
gla qü’On ne pourroit élire que dans le nombre de
ceux qui fe préfenteroient ; que celui qui auroit été
élu, feroit examiné par des juges; & que chacun
pourroit l’accufer d’en être indigne ; cela tenoit en
même tems du fort & du choix.
Cependant fi l’on pouvoit douter de la capacité
naturelle qu’a le peuple pour difeerner le mérite , il
n’y aurôit qu’à jetter les yeux fur cette fuite continuelle
de choix étonnans que firent les Athéniens &
les Romains, ce qu’on n’attribuera pas fans doute au
hazard. On fait qu’à Rome, quoique le peuple fe fut
donné le droit d’élever aux charges les plébéiens , il
ne pouvoit fe réfoudre à les élire ; & quoiqu’à Athènes
on pût par la loi d’Ariftide tirer les magiftrats de
toutes lês clafles, il n’arrîva jamais, dit Xénophon,
qùë.lé bas-peuple demandât celles qui pouvoient in-,
téreffer fon falut où fa gloire.
Les divers genres aé magiftrats de 1 à république
d’Athènes fe peuvent réduire à trois clafles ; i° . de
ceux qui choifis dans certaines occafions par une tribu
d’Athènes, ou par une bourgade de l’Attique,étoient
chargés de quelque emploi particulier, fans droit de
jurifdiftion ; 20. de ceux qui étoient tirés au fort par
les Thefmotétes, dans le temple de T héfée, téls
étoient les Archontes ; le peuple défignoit les candidats
entre lefquels le fort de voit décider ; 30. de ceux
que fur la propofition des Thefmotetes, le peuple
aflemblé élitoit a la pluralité des voix dans le pnyce;
ces deux dernieres elpecés de magiftrats étoient obliges
à rendre des comptes; niais ceux qui étoient
choifis par une tribu ou par une bourgade, & qui
ç'ompofoient le bas étage de la magiftrature , n’é-
toient pas comptables.
Les trois fymboles de la grande magiftrature
étoient une baguette , une petite tablette, & une
certaine marque qu’oii donnoit aux juges., larfqu’ils
alloient au tribunal, & qu’ils rendoienten fortant.
La fplendeur d’Athènes l’avoit mife en pofl'effion
de voir des fouverains qui fàifoient gloire d’obtenir
chez elle le droit de bourgeoife. Les fils d’Ajax l’ache-
terent au prix de la principauté qu’ils avoient dans
l’île d’Egine. Vers le commencement de la guerre du
Péloponnefie,le fils de Sitalce,puiflant roi de Thrace,
n’acquit ce droit de bourgeoifie que par un article
d’un traité de fon pere avec les Athéniens. Enfin
Cotys, autre roi deThrace, & fon fils Cherfoblopte
l’obtinrent à leur tour. On ne peut dpriçs’empêcher
d’avoir grande idée d’une ville dont les rois même
bfiguoient le rang de citoyen,pour pouvoir voter
dans les afl'emblées publiques.
Quelques jours avant qu’on les tînt, on affichoit un
placard qui inftruifoit chaque citoyen de la matière
qu’ori devoit agiter. Comme on refufoit d’admettre
dans l’aflemblée les citoyens qui n’avoient pas atteint
l’âge néceflàire pour y entrer, auffi forçoit-on les autres
d’y venir fous peine d’amende. On écrivoit fur
un regiftre le nom de tous les citoyens , à qui la. loi
accordoit voix délibérative. Ils l’avoient tous après
l’âge de puberté, à-moins que quelque vice capital
ne les en privât. Tels étoient les mauvais fils , les
poltrons déclarés , les. brutaux qui s’émportoient
dans la débauche jufqu’à oublier leur fexe , les prodigues
& les débiteurs du fife.
Le peuple, par l ’avis duquel tout fe décidoit,s’af-
fembloit de grand matin pour délibérer tantôt dans
la place publique , tantôt dans le pnyce, c’eft-à-dire
le lieu plein, ainfi nommé à caufe du grand nombre
de fieges qu’il contenoit ou des hommes qui s’em-
preffoient de les remplir ; mais le plus fouvent l’aflemblée
fe tenoit au théâtre de Bacchus, dont on re-
connoît encore la vafte étendue par les démolitions
qui en reftent.
Les dix tribus élifoient par an chacune au fort cinquante
fénateurs , qui compofoient le fénat de cinq
cens. Chaque tribu tour-à-tour avoit la préféance ,
& la cedoit fucceffivement aux autres. Les cinquante
fénateurs en fonction fe nommoient prytanes, le lieu
où ils s’aflembloientprytanée, & le tems de leurs exercices
ou laprytariu duroit trente-cinq jours. Pendant
les. trente-cinq jours, dix des cinquante prytanes pré-
fidoient par femaine fous le nom de prôëdres; & celui
des prôëdres qui dans le cours de la femaine étoit en
jour de préfider s’appelloit épifidte. On ne pouvoit
l’être qu’une fois en fa v ie , de peur qu’on ne prît
trop de goût à commander. Les fénateurs des autres
tribus ne laifloient pas toujours d’opiner , félon le
rang que le fort leur avoit donné ; mais ies prytanes
convoquoient l’affemblée , les prôëdres en expofoient
foient le fujet, l’épiftate demandoit les avis.^
On diftinguoit deux fortes d’affemblées , les unes
ordinaires & les autres extraordinaires. D es premières
que les prytanes feuls avoient droit de convoque
r, il y en avoit quatre durant chaque prytanie
en des jours & fur des fujets marqués. Les dernieres
fe convoquoient tantôt par les prytanes, tantôt par
les généraux , & n’avoient de fujet ni de jour, qu’au-
tant que les occafions leur en donnoient. On négli-
geoit quelquefois les formalités à l’approche d’un ..
péril manifefte. Diodore, lïv. X V I . rapporte que le
peuple d’Athènes, à la nouvelle irruption de Philippe,
s’attroupa au théâtre fans attendre, félon la coutume,
l’ordre du magiftrat. ^
On ouvroit l’aflèmblée par un facnfice oc par une
imprécation. L’on facrifioit à Cérès un jeune porc,
p o u r purifier le lieu que l’on arrofoit du fang delà
viclime. L’imprécation mêlée aux voeux fe fàifoit en
ces termes : « Périffe maudit des dieux avec fa race,
» quiconque agira , parlera ou penfera contre la rè-
„ publique ». La cérémonie achevée , le poëdres ex-
pofoient au peuple pourquoi on l’aflembloit ; ils lui
rapportoient l’avis du fénat des cinq cens,., c ’eft-à- j
dire des cinquante fénateurs tirés de chaque tribu ,
& demandoient la ratification, la réforme ou l’improbation
de cet avis. Si le peuple ne fe fentoit pas .
en difpofition de l’approuver fur l’heure , un héraut
commis par l’épiftate s’écrioit à haute voix : « Quel !
» citoyen au-deflùs de cinquante ans veut parler » ?
Le plus ancien orateur montoit aiors dans la tribune
, lieu élevé d’où l’on pouvoit mieux fe faire entendre.
^ . '
Après qu’il avoit parlé , s’ il fe trouvoit fix mille
citoyens dans l’afl'emblée , ils formoient le decret en ,
opinant de la main. On le drefloit après avoir recueilli
les fuffrages , & on l’intituloit du nom de
Vorateur q u du jïnatmr dont l’opinion avoit prévalu. ,
On mettoit avant tout la date , dans laquelle on fai-
foit entrer premièrement le nom de l’archonte, enfuite
le jour du mois, enfin le nom de la tribu qui etoit en
tour de préfider ; voici la formule d’une de ces dates,
qui fuffira pour faire juger de toutes les autres : « Sous :
» l’archonte Mnéfiphile, le trentième jour du mois j
» Hécatombeon, la tribu de Pandion étant en tour
>> de préfider- , • • •
Dans 'les caufes criminelles , les juges pronon-
çoient deux fois ; d’abord ils, jugeoient le fond de la *
caufe, & enfuite ils établifloient la peine. Sur le pre- !
îr.ier jugement, ils ne fàifoient que déclarer s’ils con- •
damnoient l’accufé, ou s’ils le renvoyoient abfous ; j
que fi la pluralité des voix étoit pour la condamnation
, alors, au cas que le crime ne fût pas capital ;-on
obligeoit le coupable à déclarer lui-même la peine
qu’il avoit méritée. Après cela fuivoit un fécond jugement
des magiftrats , qui proportionnoient eux-
mêmes la peine au crime. Les Athéniens avoient une
loi qui leur, prefcrivoit en termes formels de garder
cet ordre dans les condamnations : « Que les juges.,
» diioit cette lo i, propofent au coupable différentes
». peines, que le coupable s’en impofe ùne , & qu’en-
» fin les juges prononcent fur la peine qu’il s’eft im-
» pofée ». Si le coupable ufoit d’indulgence envers
lui-même, les juges le chargeoient du loin d’établir
par la féverité une plus exafté çompenfation. Cicé-
ron fait mention de cet ufage ; dans le premier livre
de l’orateur il parle de Socrate en cés termes : « Ce
.» grand homme fut auffi condamné, non-feulement
» quant au fond de la caufe, mais auffi quant au genre
» de la peine , car c’étoit une' coutume, à Athènes
» que dans les caufes qui n’étoient pas capitales , on
.» demandoit au coupable quelle peines il- croyoit
» avoir méritée ; comme donc on eut fait cette de-
» mande à Socrate, il répondit qu’il croyoit avoir
.» mérité qu’on lui décernât les plus grandes récom*
Tome X I V
» penfes, & qu’on le nourrit dans le prytanée aux
» dépens de la république, ce qui dans la Grece pafi
» foit pour le comble de l’honneur ». Cette réponfe
de Socrate irrita tellement les juges, qu’en fa per-
fonne ils condamnèrent à mort le plus vertueux de
tous les Grecs.
Dans les affaires politiques , les Athéniens ne
voyoient, n’entendoient, ne fe décidoient que par
les paffions de leurs orateurs. Le plus habile dilpo-
foit de tout emploi militaire ou politique. Arbitre
de la puerre ou de la paix, il armoit ou défarmoit le
peuple à fon gré. Il ne faut donc pas s’étonner que
dans un état où la fcience de la perfuafion jouifloit
d’un privilège fi flatteur, on la cultivât avec tant de
foin, & que chacun à l’envi confacrât fes veilles à
perfectionner en foi le fouverain art de la parole.
Athènes fut la première des villes greques qui ré-
compenfapar des couronnes, peux de fes lujets qui
avoient rendu quelque fervice important à l’état.
Ces couronnes n’étoient d’abord que de deux petites
branches d’olivier entrelacées , & c’étoient les plus
honorables ; dans la fuite , dn les fit d’o r , & on les
avilit. La première çpuronne d’olivier que les Athéniens
décernèrent fut à Périclèsi Une pareille coutume
étoit très-louable, foit qu’on la confidere en
elle-même, foit qu’on la regarde par rapport au grand
homme pour qui elle fut établie ; car d’une part les
récomoenfes glorieufes font les plus efficaces de
toutes pour exciter lés hommes à la vertu ; & d’un
autre cô té , Périclès méritoit bien qu’un fi bel ufage
prît commencement en fa perfonne.
Il faut encore diftinguer les couronnes que la république
donnoit à fes citoyens, des couronnes étrangères
qu’ils recevoient. La loi d’Athènes ordonnoit
à l’égard des premières qu’on.les diftribuât dans l’af-
femblée du fénat, lorfque c’étoit le fénat qui les avoit
décernées , & dans l’affemblée du peuple lorfqu’elles
avoient été accordées par le peuple. La ioi permet-
toit pourtant quelquefois de les diftribuer fur le théâtre
ou qu’on les proclamât en plein théâtre. Celui
qui recevoir une de ces couronnes l’emportoit dans
fa mailbn ; Sc c’étoit un monument domeftique qui
perpétuoit à jamais le fouvenir de fes fervices. Au
commencement on ne donnoit que rarement de ces
couronnes honorables ; on les prodiguoit du tems de
Démofthene par habitude, par coutume , par brigue
, fans choix & fans difeernement.
On appellôit couronnes étrangeresUs couronnes que
les peuples étrangers envoyoient par reçonnoiffance
à quelque citoyen d’Athènes; cespeuples néanmoins
n’en pouvoient. envoyer qu’après en avoir obtenu la
permiffion par une ambaffade. On ne diftribuoit ces
fortes de couronnes que fur le théâtre, & jamais dans
J’aflémblée du fénat ou du peuple. Ceux à qui elles
étoient envoyées ne pouvoient pas les emporter
dans leurs maifons ; ils étoient obligés de les dépofer
dans le temple de Minerve où. elles reftoient confa-
crées. ; c’étoit , dit Efchine , afin que perfonne dans
l’ardeur de. plaire aux étrangers préférablement à
fa patrie., ne fe corrompe & ne fe pervertiffe.
Les revenus d’Athènes montoient du tems de Dé-
mofthene à 400 talens , c’eft-à-dire 82 mille 500 livres
fterlings , en eftimant le talent, comme le D .
Bernard, à 206 livres fterlings 5.shelings. Elle entre-
tenoit une trentaine de nulle hommes à p ié, &c quelques
mille de cavalerie,; ç’eft avec ce petit nombre
de troupes que remplie de projets de gloire , elle
augmentoit la.jaloufie , au lieu d’augmenter l’in-
! f l u e n c e . . . i i m-j.. u: ..-m
D ’ailleurs elle. ne. fit point ce grand commercé
que lui promettoit le.travail de fes mines ■, la multitude
de fes efclaves , le nombre de fes gens de mer,
fon .autorité fur les .villes greques ; & plus que tout
cela, les belles inftitutions de Solon,fon négoce ma<
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