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grande crainte des dieux. Il bâtit de nouveaux temples
; il inftitua des fêtes, Ôc comme les réponfes des
oracles ôc les prédirions des augures ôc des arufpi-
ces faifoient toute la religion de ce peuple groflier,
il n’eut pas de peine à lui perfuader que des divinités
qui prélidoient à ce qui devoit arriver d’heureux
Ôc de malheureux, pouvoient bien être la caufe
du bonheur ou du malheur qu’elles annonçoient ; la
vénération pour ces êtres fupérieurs, d’autant plus
redoutables qu’ils étoient plus inconnus, fut une
fuite de ces préjugés.
Rome fe remplit infenfiblement de fuperftition ;
la politique les adopta, & s’en fervit utilement pour
tenir dans la foumiflion un peuple encore féroce. Il
ne fut même plus permis de rien entreprendre qui
concernât les affaires d’état, fans confulter ces fauf-
fes divinités ; ôc Numa pour autorifer ces pieufes in-
ftitutions, ôc s’attirer lerefpeét du peuple, feignit de
les avoir reçues d’une nymphe appellée Egîrie, qui
avoit révélé, difoit-il, la maniéré dont les dieux
vouloient être fervis.
Sa mort, après un régné de quarante - trois ans,
laiffaîa couronne à Tullus Hoftilius, que les Romains
élurent pour troifieme roi de Rome ; c’étoit un prince
ambitieux, hardi, entreprenant, plus amateur de la
guerre que de la p aix, ôc qui fur le plan de Romu-
lus, ne longea à aggrandir fon état que par de nouvelles
conquêtes. Tout le monde fait que le courage
ôc l’adrelfe vidorieufe du dernier des Horaces, fit
reconnoître l’autorité de Rome dans la capitale des
Albains, fuivant les conditions du combat, qui
avoient adjugé l’empire ôc la domination au victorieux.
Tullus Hoftilius ruina cette v ille , dont il transféra
les habitans à Rome ; ils y reçurent le droit de
citoyens, & même les principaux Rirent admis dans
le fenat; tels furent les Juliens, les Servitiens, les
.Quintiens, les Curiaces, & les Cléliens, dont les
defcendans remplirent depuis les principales dignités
de l’état, & rendirent de très-grands fervices à
la république. Tullus Hoftillius ayant fortifié Rome
par cette augmentation d’habitans, tourna fes armes
contre les Sabins, l’an de Rome 1 13 .
Le détail de cette guerre n’ efl point de mon fujet,
je me contenterai de dire que ce prince, après avoir
remporté différens avantages contre les ennemis de
Rome, mourut dans la trente - deuxieme année de
fon régné ; qu’Ancus Martius, petit-fils de Numa,
fut élû en la place d’Hoftilius, par l’affemblée du peuple
, ôc que le fénat confirma enfuite cette nouvelle
éleûion, l’an de Rome 114.
Comme ce prince tiroit toute fa gloire de fon ayeul,
il s’appliqua à imiter fes vertus paifibles ôc fon attachement
à la religion. Il inftitua des cérémonies fa •
crées qui dévoient précéder les déclarations de
guerre ; mais fes pieules inftitutions, plus propres à
raire connoître fa juftice que fon courage, le rendirent
méprifable aux peuples voifms. Rome vit bientôt
fes frontières ravagées par les incurfions des Latins,
ôc Ancus reconnut'par fa propre expérience,
que le trône exige encore d’autres vertus que la piété.
Il fe détermina donc à prendre les armes, ôc cette
guerre fut aufli heureufe qu’elle étoit jufte. Il battit
les ennemis, ruina leurs villes, en tranfporta les habitans
à Rome, ôc réunit leur territoire à celui de
"*.ette capitale.
Tarquin, premier ou l’ancien, quoiqu’étranger,
parvint l’an de Rome 138, à la couronne, après la
mort d’Ancus, ôc il l’acheta par des fecours gratuits
qu’il avoit donnés auparavant aux principaux du peuple.
Ce fut pour conferver leur affe&ion, ôc récom-
penfer fes créatures, qu’il en fit entrer cent dans le
fénat; mais pour ne pas confondre les différens ordres
de l’état, il les fit patriciens, au rapport de Denis d’Ha-
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licarnaffe, avant que de les élever à la dignité de fe-
nateurs , qui fe trouvèrent jufqu’au nombre de trois
cens, où il demeura fixé pendant plufieurs fiecles.
On fera peut-être étonné que dans un état gouverné
par uh roi, ôtaffifté du fenat, les lois, les ordonnances
, & le réfultat de toutes les délibérations, fe
fiffent toujours au nom du peuple, fans faire mention
du prince qui regnoit ; mais on doit fe fouvenir que
ce peuple généreux s’étoit réfervé la meilleure part
dans le gouvernement. Il ne fe prenoit aucune réfo-
lution-, foit pour la guerre ou pour la paix, que dans
fes affemblées ; on les appelloit dans ce tems-là ajfem-
blées par curies, parce qu’elles ne dévoient être com-
pofées que de feuls habitans de Rome divifés en
trente curies ; c’ eft-là qu’on créoit les rois, qu’on
élifoit les magiftrats ôc les prêtres , qu’on faifoit des
lois, ôc qu’on adminiftroit la juflice.
. Servius Tullius fut nommé le fixieme roi de Rome,
l’an 175 de la fondation de cette ville. Ce prince tout
républicain , malgré fa dignité, mais qui ne pouvoir
pourtant fouffrir que le gouvernement dépendît fou-
vent de la vile populace, réfolut de faire paffer toute
l’autorité dans le corps de la nobleffe ôc des patriciens
, oii il efpéroit trouver des vues plus jufles ÔC
moins d’entêtement.
Ce prince pour parvenir à fes fins, divifa d’abord
tous les habitans de la ville, fans diftinélion de naif-
lance ou de rang, en quatre tribus,appellées les tribus
de la ville. Il rangea fous vingt-fix autres tribus, les
citoyens qui demeuroient à la campagne, ôc dans le
territoire de Rome. Il inftitua enfuite le cens, qui
n’étoit autre chofe qu’un rôle ôc un dénombrement
de tous les citoyens romains, dans lequel on comprit
leur âge, leurs facultés, leur profeflion, le nom
de leur tribu & de leur curie , & le nombre de leurs
enfans ôc de leurs efclaves. Il fe trouva alors dans
Rome, & aux environs, plus de quatre - vingt mille
citoyens capables de porter les armes.
Servius partagea ce grand nombre d’hommes en
fix claffes, ôc compofa chaque clafî'e de différentes
centuries de gens depié. Tontes les centuries mon-
toient au nombre de cent quatre-vingt-treize, commandées
chacune par un centurion de mérite reconnu.
Le prince ayant établi cette diftinclion entre les
citoyens d’une même république, ordonna qu’on
affembleroit le peuple par centuries,lorfqu’il feroit
queftion d’ élire des msgifirats, de faire des lois, de
déclarer la guerre, ou d’examiner les crimes commis
contre la république, ou contre les privilèges de
chaque ordre. L’affemblée fe devoit tenir hors de la
v ille , ôc dans le champ de Mars. C ’étoit au fouve-
rain, ou au premier magiftrat, à convoquer ces a ffemblées
, comme celles des curies ; ôc toutes les délibérations
y étoient pareillement précédées par les
aufpices, ce qui donnoit beaucoup d’autorité au
prince , ôc aux patriciens, qui étoient revêtus des
principales charges du facerdoce.
On convint, outre cela, qu’on recueilleroit les
fuffrages par centuries, au-lie a qu’ils fe comptoient
auparavant par tête ,ôc que les quatre-vingt-dix-huit
centuries de la première claffe donneroient leurs
voix les premiers. Servius, par ce réglement, tranf
porta adroitement dans ce corps compofé des grands
de Rome, toute l’autorité du gouvernement; & fans
priver ouvertement les plébéiens du droit de fuffra-
g e , il fut par cette difpofition le rendre inutile. Car
toute la nation n’étant compofée|que de cent quatre-
vingt-treize centuries, ÔC.s’en trouvant quatre-vingt-
dix-huit dans la première claffe, s’il y en avoit feulement
quatre-vingt-dix-fept du même avis, c’eft-à-
dire une de plus que la moitié des cent quatre-vingt-
treize , l’affaire etoit conclue, ôc alors la première
claffe, compofée des grands de Rome, formoit feule
les decrets publics. S’il manquoit quelque vo ix, ôq
que quelques centuries de la première claffe ne fuf-
fent pas du même fentiment que les autres, on appelloit
la fécondé claffe. Mais quand ces deux claffes fe
trouvoient d’avis conforme, il étoit inutile de paffer
à la troifieme. Ainli le petit peuple fe trouvoit fans
pouvoir, quand on recueilloit les voix par centuries,
au-îieu que quand on les prenoit par curies, comme
les riches étoient confondus avec les pauvres, le
moindre plébéien avoit autant de crédit que le’ plus
confidéjrable des.fénateurs.Depuis ce tems-là les afo
femblées 'par curies ne fe firént plus que pour élire
les flammes, c’eft-à-dire les prêtres de Jupiter , de
Mars, de .Romains, Ôc pour leleriion du grand cm-
rion, ôc de-quelques magiftrats fubalterhes. '
La rôyàüté'àprès cet etabliffement, parut à Servius
comme, une piece hors d’oeuvre ôc inutile, dans
un état préfqùe républicain. On prétend que pouf
acheverrioh’ouvrage, ôc pour rendre la liberté entière
aux Romains, il avoit réfolu d’abdiquer généJ
reufemént la couronne, Ôc de réduire le gouvernement
en pure république, fous la régence, de deux
magiftrats annuels qui feroient élus dans unë' affem-
blée générale du peuple romain. Mais un deffein fi
héroïque n’eut point d’effet, par l’ambition de T arquin
le fuperbe, gendre de Servius, qui dans;l’impatience
de regner, fit affaflîner fôn roi & fon beau-
pere. Il prit en même tems poffeilion du trôné, fan
de Rome 1 18 , fans nulle forme d’éleétion, & fans
confulter ni le fénat ni le peuple, comme fi cette
fuprème dignité eût été un bien héréditaire, ou Une
conquête qu’il n’eut dûe qu’à fon courage.
Une aftion fi atroce, que l’affaflinat de fon roi, le
fit regarder avec horreur par tous les gens de bien.
Tout le monde déteftoit également fon ambition ôc fa
cruauté. Parricide ôc tyran en même tems, il venoit
d’ôter la vie à fon beau-pere, & la liberté à fa patrie
; comme il n’étoit monté fur le trône que par ce
double crime, il ne s’y maintint quç par de nouvelles
violences. Plufieurs fénateurs, des premiers dé
Rome, périrent par des ordres fecrets, fans'autre
faute que celle d’avoir ofé déplorer le malheur de
leur patrie. Il n’épargna pas même Marcus Junius,
qui avoit épou'fé uneTarquinie, fille deTarqiiin l’ancien,
mais qui lui étoit fufpeft à caufe de fes riçhef-
fës. J1 fe défit en même tems du fils aîné de cet illu-
ftre romain, dont il redoutoit le courage ôc le reffen-
timènt.
Les autres fénateurs incertains de leur deftinée,
fe tenoient cachés dans leurs maifons. Le tyran n’en
confultoit aucun ; le fénat n’étoit plus convoqué ; il
ne fe tenoit plus aucune affemblee du peuple. Un
pouvoir defpotique ôc cruel s’étoit élevé fur la ruine
des lois ôc de la liberté. Les différens ordres de l’état
également opprimés, attendoienttous avec impatience
quelque changement fans l’ofer efpérer, lorfque
l ’impudicité de Sextus, fils de Tarquin, ôc la mort
violente de la chafte Lucrèce, firent éclater cette
haine générale que tous les Romains avoient contre
le roi. La pitié pour le fort de cette infortunée romaine
, ôc la haine des tyrans , firent prendre les armes
au peuple. L’armée touchée des mêmes fentimens fe
révolta ; ôcpar un decret public, lesTarquins furent
bannis de Rome. Le fénat, pour engager le peuple
plus étroitement dans la révolte, & pour le rendre
plus irréconciliable avec lesTarquins ,fouffrit qu’il
pillât les meubles du palais. L’abus que ce prince
avoit fait de la puiffance fouverairie, fit proferire la
royauté même ; on dévoua aux dieux des enfers, Ôc
on condamna aux plus grands fupplices., ceux qui
entreprendroient de rétablir la monarchie.
L état républicain fuccéda au monarchique ; voyeç
République rom a in e , Gouv.de fiomê.'
Le fénat ôcfa nobleffe profitèrent des débris de la
royauté ; ils s’en approprièrent tous les droits ; Rome
devint en partie un état ariftocratique, c’eft - à - dire
que la nobleffe s’empara de la plus grande partie de
l’autorité fouveraine. Au-lieu d’un prince perpétuel,
ôn élut pour gouverner l’état deux magiftrats annuels
tirés du corps rdù fénat, auxquels on donna le titre
modefte de confuls, pour leur faire connoître qu’ils
étoient moins les fouverains de la république, que
fes confeille.rs, ôc qu’fis ne dévoient avoir pour objet
que fa. confervation ôc fa gloire. Foyer Consul. wÈÈ I ■ Roi des Romains , (H i(l. mod.') dans l’empire
d’Allemagne, c’eft le prince élu parles éleéieurs pendant
la.vie de l’empereur , pour avoir la conduite ôc
le maniement des affaires en fon abfence, comme vicaire
général de l’empire , Ôc pour fuccéder après fa
mortaimom ôc à la dignité d'empereur, fans qu’il foit
befoin d’autre élection ou confirmation.
Cet té qualité , dans le fens où on la prend aujourd’hui
, étoit tout-à-fait inconuue du tems des premiers
empereurs delà maifon de Charlemagne, qui
étoient empereurs ôc rois des Romains, c’eft-à-dire ,
fouverains de la ville de Rome tout enfemble. Ils
donnoient à leurs héritiers préfomptifs la qualité de
roi d'Italie, comme les anciens empereurs romain3
faifoient prendre celle de Cefar à leurs fuccefieurs
défignés à l’empire.
Le nom de roi des Romains ne commença à être en
ufage que fous le régné d’Othon I. & les empereurs
le prefioient, quoiqu’en pleine poflèflion de l’empire
, & de la dignité impériale , jufqu’à ce qu’ils euf-
fent été couronnés par les papes. C’eft en ce dernier
fens qu’il faut entendre le texte de la bulle d’o r ,
quand elle fait mention du roi des Romains, dont elle
n’a jamais parlé dans le fens où l’on emploie aujourd’hui
ce terme , que nous avons d’abord défini fuivant
l’ufage préfent : car le deflein de CharlesIV. en
faifant la bulle d’or , étoit de rendre l’empire purement
é le ô if, de fonder ôc d’affermir les prérogatives
des élefteurs. O r , ce qui s’eft paffé dans la maifon
d’Autrithe d'épuis zoo ans, montre affez clairement
que rien n’eft plus contraire à cettè liberté que l’élection
d’un roi des Romains, du vivant même de l’empereur.
Les éleéieurs prévirent bien ces inconvé-
niens, lorfque Charles V. voulut faire élire Ferdinand
fon frere roi des Romains, ÔC prétendirent les
prévenir par un réglement conclu entre eux ôc cet
empereur à Schwinfurt, en 15 3 1 , mais que la maifon
d’Autriche a bien fu rendre inutile.
Le roi des Romains eit choifi par les électeurs, ôc
confirmé par l’empei eur ; il eft couronné d’une couronne
ouverte , qu’on appelle romaine , mais on ne
lui prête aucun ferment de fidélité qu’après la mort
de l’empereur ; on lui donne le titre d’augitfie, ôc non
celui de toujours augujle, qui eft réfervé à l’empereur.
L’aigle éployée qu’il porte dans fes armes, n’eft:
qu’à une tête. En vertu de fon titre, il eft fans con-
■ tëftation fucceffeur de l’empereur. Après fa mort, ÔC
pendant la vie de l’empereur, vicaire unique ôc uni-
verfel, fécond chef & régent de l’empire. Il eft vrai
que tant que l’empereur- refide dans l’empire, tous
ces titres magnifiques font pour le roi des Romains des
honneurs fans pouvoir.
Le roi des Romains a d’ailleurs des avantages qui
lui font communs avec l’empereur, comme de préfi-
der aux dietes , de les convoquer de l’aveu des élec-
. teurs, ôc de les congédier ; de ta re d?s comtes ôc des
barons, de donner des lettres de nobleffe, d’accorder
des privilèges aux univerfités ; de mettre les rébelles
au ban de l’empire , en oblervant toutefois les
formalités ordinaires ; de rappeller les proferits, de
commuer les peines, &c. mais il reconnoît Fempe-
rêur poûr fon fupérieur. Il doit n’agir qu’au nom ôc
par ordre de l’empereur; c’eft au-môins ce qu’il doit
promettre, par la capitulation qu’on lui fait ligner