R E G R E G
ËG G IO , ( Gèog.mod.) ou Re-
gio, ou Regge, en latin Rke-
gium Lepidi, & quelquefois
Amplement Regiumï ville d’Italie
, dans le Modénois, capitale
d’un duché auquel elle
donne le nom; elle elt au midi
de l’Appennin, dans une-
. campagne fertile, à 6 lieues
au nord-oueft de Modène.
Cette ville fituée fur la voie émilienne i a été colonie
romaine. On prétend qu’elle doit fon origine
à un Lepidus ; mais l’hiftoire n’en dit rien > & personne
n’a pu indiquer jufqu’à préfent quel étoit ce
Lepidus. Ce qu’il y a de certain, c’eft que les Goths
ruinèrent cette ville de fond-en-comble, & contraignirent
fes habitans de l’abandonner. Elle s’eft remife
en Splendeur depuis ce tems-là , & elt aujourd’hui
bien peuplée , ayant de belles rues & des maifons
bien bâties.
Son évêché établi dès l’an 450 , eft fuffragant de
Bologne. La cathédrale eft décorée des tableaux de
grands' maîtres. On y voit entr’autres un S. George
& une Ste. Catherine du Cârrache, une Vierge du
Guide , un S. Jean & un S. Paul du Guerchin. L’é-
glife de S. Profper eft auflï embellie d’un Chrift mort
& des trois Maries, de Louis Carrache.
On dit que Charlemagne’ a été le fécond fondateur
de la Reggio de Lombardie ; fes murailles font épaif-
fes ; il ne régné tout-autour aucune éminence qui
Commande la v ille , & elle eft défendue par une bonne
citadelle. Les coteaux voifins font couverts de
maifons de plaifance, de vignobles & de jardins qui
produifent des fruits délicieux. Long. Suivant Harr
is , 3/. 16'. tS". Latït. 42. iS.
U Ariojle ( Ludovico Ariofto ) naquit A Reggio
dans le Modénois, l’ àn 1474, & immortalifa fa patrie.
Sa famille tenoit Un rang fi diftingué dans la
yille , que le marquis Obifo de la maifon d’Eft , honora
cette famille de fon alliance, enépoufantLippa
A-riofta, femme d’une grande beauté & de beaucoup
d’ efprit. Le pere de l’Ariofte étoit gouverneur de
Reggio dans le tems que fon fils y prit naiffance. Sa
mere fortoit de la noble famille de Malaguzza. Louis
Ariofto étoit fon fils aîné; mais comme il avoit.quatre
freres & cinqfoeurs, fa fortune fie trouvoit modique.
Il dit lui-même que Mercure n’avoit pas été
trop des amis de fa famille, & qu’aucun d’eux ne lui
avoit fait fa cour. Ilnefe conduifit pas différemment,
dès fa plus tendre jeuneffe il ne montra d’autre inclination
que celle du beau génie qui le portoit à la
Poéfie. Ce fut en vain que fon pere le preffa de s’appliquer
uniquement à l’étude de la Jurisprudence ; il
fie plaignit de fon malheur à cet égard dans les vers
fiuivans au Bembe :
Ah laffo ! quando hebbi alpegafeo melo
Veta difpojla , & che le frefche guancie
Non J i videano ancor fiorrir d'un ptlo.
Miopadre mi caccib con fpiedi e lande
Non che con fproni a yolger tefli & chiofe,
■ Et mi occupé cinque anni in quelle cianciei
Ma poiche vide pèro fruttuofe
L ’opre , & in tempo in van getterji, dopo
Molto contralto in liberia mi pofe.
Milton s’eft trouvé dans le même cas que l’Ariofte,
& fit à fon pere une très-belle piece en vers latins ,
polir l’engager à lui laiffer fiiivre fon coût pour la
Poéfie. Illui expofe combien cet art étoit eftimépar-
Tome X I F -.
mi les anciens, & les avantages qu’il procuré ; il lui
repréfente qu’il ne doit pas naturellement être fi enJ
nemi des mufes , poffédant la Mufique • auiïi bien
qu’il faifoit, & que par cela même il n’eft pas furpre-
nant que fon fils ait de l’inclination pour la Poéfie *
puifqu’il y a tant de relation entre elle & la Mu*
fiquel
Nec tu perge , precôr , fartas contemhere mufas ^
Nec vanas inopefque puta , quàrtlm ipfe peritüs
Munere, milleJonos numeris eomponis adaptos i
Millibus & vocum modülis variare coronaiti
Doçlus, Arionii mérité Jis nominis hteres.
Nunc tibiquid mirum^ji me gehüiffèpoetam
Contigerit, charo Ji tam propefanguine juncli,
Cognatas artes, jtudiùmque affine fequamUr ?
Ipfe volens Phccbus fe difpartire duobus,
Altéra dona mihi, dédit altéra dona parenii.
Dividuumque Deum genitorque, puerque tenemusi
Il témoigne enfuite combien il méprife tous les
tréfors du Pérou, en comparaison delà Science-; il
déclare qu’il a plus .d’obligation A fon pere de lui
avoir fait connoître les belles-lettres, que Phaëton
n’en eût eu à Apollon, quand même il aüroit conduit
Jurement fon char; & il fe promet à lui-même ,
de s’élever au-deflus du refte des hommes, de fe rem»
dre Supérieur à tous les traits de l’envie, 6c de s’ae»
quérir une gloire immortelle .
I hune, confer opes, quifquis malefantis àvitas
Auflrtaci gu^as, pervanaque régna peroptas.
Quce potuit majora pater tribuiffe , y cl ipfe
Jupiter, excepto, donajjet ut omnia. ccelo ?
Jamque nec obfcurus populo mifeebor inerti ,
Vitabuntque oculos Vefiigia nojtra prophanost
EJle procul vigiles cura , procul efte quereloe,
Irividiaque-actes tranfverfo tortilis hïrquo ,
, Stey a nec anguiferos ex tende calumnia ri&us l
In me trifte nihil, fcedijjîma turba, potejlis ,
Nec vejirifumjùris ego ; fecuraque tutus
P éclora, vipéreo gradiar fublimis ab iclu.
Les charmes enchanteurs qu’offré l’efpoir dé là
gloire, .& l’enthoufiafme qui les anime , rend les
grands génies , tels que l’Ariofte & Milton, infenfi-
bles à toutes les vues d’intérêt, & leur fait goûter
une fatisfa&ion fi délicieufe , qu’elle les dédommage
de tout le refte*
L’Ariofte, en fuivant fes études, compofoit tou-*
1 jours quelques pièces de ppéfie. A la tragédie dePy-
rame & de Thisbé, il fit Succéder dès fatires & des
comédies. Un jbur fon pere étoit dans une grande
' colere contre lu i , &• le gronda fortêment ; l’Ariofte
l’écouta avec beaucoup d’attention fans rien répondre.
Quand fon pere s’en fut a llé, le frere d’Ariofte
; lut demanda pourquoi il n’avoit rien allégué pour fa
juftification , il lui répondit qu’il travailloit actuellement
à une comédie, & qu’il en étoit A une feene ,
oûun vieillard réprimandoit fon fils ; & cpie quand
fon pere avoit commencé à parler, il lui étoit venu
dans l’efprit de l’obferver avec foin pour peindre
d’après, nature, & qu’ainfi il n’avoit été attentif qu’A
remarquer fon ton de vo ix , fes geftes êc fes expref?
fions ,. s’en s’embaraffer de fe défendre*
Ayant perdu ce pere à l’âge de 24 ans, il fe livra
Jans obftacle à fon penchant. Il pofledoit parfaite-»
ment la langue latine ; mais il préféra d’écrire en italien,
foit qu’il crût qu’il ne pourroit s’élever jufqu’au
premier rang des poètes latins qui étoit déjà occupé
par Sannazar, B.emho, Nauger, Sadolet, & autres ;
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