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& de même en anglois thé wholefome haÿ, parce qu'-
elle eft fort faine, & qu’elle convient merveilleufe-
ment fraîche oufeche a tous les beftiaux. Quelques-
uns l’appellent ['herbe éternelle, à caufe qu’elle dure
lbng-tems dans une même terre. Dans quelques provinces
on l ’appelle l’efparcetu.
Si l’on cultive cette excellente plante fuivant la
nouvelle méthode de M. T u ll, on en aura des brins
qui s’élèveront jufqu’à cinq pies de haut, avec des
touffes de fleurs rouges, de trois, quatre & cinq pouces
de long ; enfin par cette méthode un arpent de
fainfoin vient à produire autant d’herbe que trente
ou quarante arpens de prés ordinaire. Il eft donc important
d’entrer dans les détails de la culture de cette
plante utile.
La grande fertilité du fainfoin procédé principalement
de la prodigieufe quantité de racines qu’il produit.
Son pivot s’étend quelquefois à 15 ou zo pies
de profondeur en terre, Sc de plus il eu pourvu de
plufieurs racines latérales, qui s’étendent furtout vers
la fuperficie dans la bonne terre.
C’eff une erreur de croire que pour que le fainfoin
réufliflé bien, il faut qu’il y ait, à une certaine
profondeur, un banc de tuf, de pierre , ou de craie
qui arrête le progrès de fes racines. Au contraire ,
plus la terre a de tond, plus les racines s’étendent &
plus cette plante eft vigoureufe.
Comme allez fou vent il y a une partie de la fe-
mence qui n’eft pas propre à germer, il ne faut pas
manquer d’en femer à part une petite quantité pour
l’éprouver.
On ne doit pas femer cette graine à plus d’un demi-
pouce de profondeur, furtout dans les terres fortes ;
car comme les lobes de la femence , qui eft groffe ,
doivent percer la terre pour former les feuilles fimi-
laires, que d’autres nomment feuilles JînûhaUs, il arrive
fouvent qu’ils ont trop de peine à fe dégager de
la terre. Alors il n’y a que la tige qui fe montre en
forme d’anneau , & la plante périt.
Comme le fainfoin eft plufieurs années avant de
donner un produit confidérable, on a coutume pour
tirer un profit de la terre, de femer avec la graine de
fainfoin, du trefle, de l’orge, de l’avoine, &c. L’orge
& l’avoine n’occupant pas longtems la terre, ces
grains font peu de tort au fainfoin ; mais les plantes
vivaces , comme le trefle, lui en font beaucoup.
Dans les années feches, il arrive fouvent, que
quand on a fauché Forge ou l’avoine> on n’apper-
çoit pas de fainfoin. Néanmoins en y regardant de
près, on voit ordinairement des filets blancs qui indiquent
quelefainfoin a lev é, mais que les feuilies
qui étoient fort menues, ont été fauchées avec l’orge
ou l’avoine.
Si les grains qu’on feme avec le fainfoin font
drus , s’ils ont pouffe avec vigueur, & furtout s’ils
ont verfé , il arrive ordinairement que le fainfoin
eft étouffé : mais cet accident arrivera rarement, fi
on le feme fuivant la nouvelle méthode de Tull ; Car
comme on feme le fainfoin dans des rangées fépa-
rées de celles du blé , de l’orge, &c. il court moins de
rifque d’être étouffé. Il faut cependant convenir qu’il
réuffit toujours mieux quand il eft femé feul.
Quand M. Tull commença à cultiver du fainfoin y
fuivant fa méthode, il employoit z galons de femence,
ou un peu plus de z tiers de notre boiffeau de Paris,
pour un acre de terre. Mais étant arrivé par accident
, que prefque toute la femence qu’il avoit mife
en terre étoit périe dans un acre ou deux de terrain,
qu’il avoit femé trop tard , il fut agréablement fur-
pris de voir au bout de trois ans quelques piés de
fainfoin d’une groffeur extraordinaire, qui étoient
reliés çà & là à une telle diftance, qu’il n’y en avoit
qu’eoviron quatre piés dans une verge de terre quar-
rée : de forte que cette partie de fon champ lui tour-
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mt le double d’herbe , que le refte oii la femence
n’avoit pas péri , 6c où le fainfoin étoit beaucoup
meilleur que dans les terres qui avoient été femées a
l’ordinaire.
M. Tull conclut de-là , qu’il eft avantageux de femer
le fainfoin fort clair, pour que les racines d’un
nié ne nuifent pas à celles d’un autre; 6c il penfe que
ceux-là fe trompent qui fement leur fainfoin fort
dru, dans Fefpérance de fe procurer une abondante
récolte, puifqu’ils réduifent leur fainfoin dans le même
état où il eft fur les hauteurs de la Calabre auprès
de Croto , où cette plante vient naturellement fans
aucune culture , mais où elle eft fi baffe & fi chétive,
qu’on a peine à s’imaginer ce qui a pu déterminer à la
cultiver.
M. Tull appuie fon fentiment fur une obfervation
qu’il eft bon de rapporter. 11 dit qu’un champ de
fainfoin aboutiflant fur une terre qu’on labouroit
pour la mettre en blé , avoit été fort endommagée
par les charrues, qui ayant çà 6c là entamé fur le
fainfoin , en avoit beaucoup arraché ; mais que le
dommage n’étoit qu’apparent, puifque cette partie
du champ avoit dans la fuite produit plus d’herbe
que les autres.
Il paroît que notre auteur penfe qu’un gallon , ou
très-peu plus du tiers de notre boifleau de Paris, de
bonne femence fuffit pour un acre de terre ; mais il
faut que cette femence foit bien également diftribuée
partout, de forte qu’il refte entre chaque pié de fainfoin
, des efpaces à-peu-près égaux : c’eft ce'qu’on
peut faire avec le nouveau femoir de fon invention,
&: non autrement. H ne faut pas craindre de diminuer
la récolte en diminuant le nombre des plantes;
car le produit d’une feule plante bien cultivée paf-
fera une demi-livre. Ainfi, lorfqu’il y aura 1 iz plantes
dans une perche quarrée, quand on fuppoferoit
que chaque plante, l’une portant l’autre, ne pro-
duiroit qu’un quart de livre de foin , on aura néanmoins
z8 livres de foin par perche quarrée. On ne
s'attendrait pas à une récolté aufli confidérable ;
quand les plantes font encore jeunes 6c petites , elles
ne couvrent pas la terre, & il fembie que la plus
grande partie du champ refte inutile ; mais quand les
plantes font parvenues à leur grandeur , elles couvrent
toute la terre. Il y a encore un avantage qu’on
retire de la nouvelle culture ; c’eft que fi le fainfoin
cultivé a été femé de bonne heure , il commencera
dès la fécondé année à fournir une petite récolté qui
égale .celle de la troifieme année du fainfoin ordinaire.
De plus, M. Tull affure que le fainfoin , cultivé
fuivant fes principes, plaît aux beftiaux , parce que
les beftiaux mangent par préférence les herbes qui
font crues avec plus de force 6c de vigueur. Il eft
pourtant avéré que les beftiaux préfèrent l’herbe fine
à celle qui eft groffe : or le fainfoin qui eft cultivé
fuivant la nouvelle méthode, doit être fort gros.
Quoi qu’il en fo it , l’auteur' conclut de fes expériences
, i ° . que fi Fon feme du fainfoin -dans le def-
fein de le cultiver avec la nouvelle charrue, la façon
la plus convenable eft de le femer en deux rangées
parallèles , qui foient éloignées Finie de Fautre
de 8 pouces , 6c de donner 30 ou 3 z pouces de largeur
aux plates-bandes : de forte qu’il doit y avoir
quatre pies du milieu d’un fillon au milieu d’un autre
.z
°. Si Fon feme du fainfoin dans l’intention de le
cultiver à main avec la houe , il convient de mettre
16 pouces d’intervalle entre les rangs , 6c qu’il y ait
dans les rangs au-moins 8 pouces de diftance , d’un
pié à Fautre.
30. Si Fon feme du fainfoin dans l’intention de ne
point le labourer, il faut mettre les rangées à 8 pouces
les unes des autres ; 6c faire enforte de ne pas
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employer plus de femence, que quand on ïaiffe 1Ô
pouces entre les rangs ; car il faut que chaque pié
<k* fainfoin ait affe* d’elpace autour de lu i, pour
étendre fes racines , 6c tirer la fubftance qui lui eft
néceflàire, fans être incommodé par les piés voi-
jfins.
L e fainfoin s’accommode de prefque toutes fortes
de terres, excepté des marécageufes ; mais il vient
mieux dans les bonnes terres que dans les maigres ,
6c il fe plaît fingulierement dans les terres qui ont
beaucoup de fond.
Quoique cette plante ne foit pas délicate, il ne
faut pas s’imaginer qu’on foit difpenfc de bien labourer
la terre ou on doit la femer. Au contraire, comme
immédiatement, après fa germination elle jette
quantité de racines en terre, il eft bon qu’elle la trouve
bien labourée, & le plus profondément qu’il eft
poffible.
On peut femer le fainfoin dans toutes les faifons
de l’annee ; mais quand on le feme en automne , il y
a à craindre qu’il ne foit endommagé par les gelées.
Si on le feme l’été , il arrive fouvent que la graine
refte longtems en terre fans germer ; ou fi elle le v e ,
laiecherefie ordinaire dans cette faifon, fait languir
les jeunes plantes. Ainfi, le mieux eft de femer le
fainfoin au printems, quand les grandes gelées ne
font plus à craindre.
Nous ayons dit qu’il convenoit de femer \e fainfoin
par rangées , deux à deux, qui foient écartées les
unes des autres de 8 pouces, & de laiffer 30 ou 3Z
pouces d’intervalle entre chaque deux rangées; enfin
qu’il convenoit de faire enforte que dans la longueur
des rangées, les piés du fainfoin fuffent éloignés les
uns des autres de huit pouces. Il feroit difficile de
remplir toutes ces vues en grand, fans le fecours du
nouveau femoir.
On peut encore , au moyen de cet infiniment,
placer les grains dans le fond des petits filions qui
font ouverts par les focs du femoir, & ne les recouvrir
que de la petite quantité de terre qu’on fait être
convenable. Par ce moyen la jeune, plante fe trouve
au fond d’une petite rigole, ce qui eft fort avantageux
, non-feulement à caufe de l’eau qui s’y ramâf-
le ; mais encore , parce que cefte rigole fe remplif-
fant dans la fuite, la plante fe trouve rehauffée par
de nouvelle terre.
Il ne fera pas néeeffaire de labourer tous les intervalles
à la fois , mais tantôt les uns, tantôt les autres
; de cette façon l’on ne laboureroit qu’une cinquième
partie de terrein, enforte quel le fainfoin
pourra fubfifter trente ans dans une même terre,
ce qui la rendra bien plus propre à recevoir les autres
grains qu’on y voudra mettre dans la fuite,
"Le fainfoin mérite bien qu’on donne des foins à
fa culture , car c’eft affuréinent une des plus profitables^
plantes qu’on puiffe cultiver. La luzerne ne peut
venir que dans les terres fraîches, humides, & très-
fubftantielles. Le trefle ne réuflit que dans les bonnes
terres: au lieu que le fainfoin s’accommode de
toutes ferres de terres ; & quoiqu’il vienne mieux
dans les unes que lés autres, il fubfifte dans les plus
mauvaifes.
Le fainfoin a cet avantage fur les prés ordinaires,
qu’il fournit beaucoup plus d’herbe. Outre cela, on
parvient plus fréquemment à le fanner à-propos ; car
le pois de brebis , la veffe, la luzerne, le trefle , &
*nême les foins ordinaires , doivent être fauchés,
quand ces differentes plantes font parvenues à leur
ùinturité ; fi Fon différoit, on courroit rifque de tout
Pliure : que le tems foit à la pluie ou non , il faut les
taucher, au rifque de voir l’herbe pourrir fur le
! ,a I I P continue- 11 «’en eft pas de même
eu Jamfoin; car on peut le faucher en différens états
avec un profit prefqu’égal.
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ï°. On peut faucher le fainfoin avant que les fleurs
foient du tout cpanouies. Alors on a un fourrage fin
qui eft admirable pour les bêtes à cornes ; 6c ces
fainfoins fauchés de bonne heure, fourniffent un beau
regain qui dédommage amplement de ce qu’on a
perdu , en ne laiffant pas parvenir la plante à toute
fa longueur.
M. Tull prétend même que ce fourrage eft fi bon»
qy’on peut fc difpenfer de donner de l’avoine aux
chevaux , quand on leur fournit de cette nourriture»
Il affure qu’il a entretenu pendant toute une année
un attelage de chevaux en bon état, en ne leur don-<-
nant que de ce foin, quoiqu’ils fuffent occupés à des
travaux pénibles. Il ajoute qu’il a engraiffé des moutons
avec la même nourriture , plus promptement
que ceux qu’on nourriffoit avec du grain. Mais on ne
peut avoir de ce bon foin, que quand on le cultive
fuivant fa méthode : l ’autre monte en fleur prefqu’au
fortir de terre.
z°. Si le tems eft difpofé à la pluie , on peut différer
à faucher le fainfoin quand il eft en fleur. Ce
fourrage eft encore fort bon pour les vaches , mais il
faut prendre garde en le fannant de faire tomber la
fleur, car les beftiaux en fon très-friands, & cette
partie qui fe détaché ailément, les engage à mander
le refte.
3°- Si la pluie continue, on peut laiffer le fainfoin
fur pied, jufqu’à ce qu’il foit entre fleur & graine»
Alors la récolte eft plus abondante ; non - feulement
parce que la plante eft parvenue à toute fa grandeur ;
mais encore parce que l’herbe étant mieux formée ,
elle diminue moins en fe féchant. U eft vrai que le
fourrage n’ eft pasfi délicat; mais les chevaux s’en accommodent
bien , parce qu’ils aiment à trouver fous
la dent les graines de fainfoin qui commencent à fe
former.
40. Si le tems continue à être à la pluie , plutôt
que de s’expofer à voir pourrir fur terre fon fainfoin
, il vaut mieux le laiffer fur pié. Car la graine
mûrit 6c dédommage en bonne partie de la perte du
fourrage ; non-feulement parce que cette graine peut
fe vendre à ceux qui veulent femer du fainfoin, mais
encore parce que deux boiffeaux de cette graine
nourriflènt auffi bien les chevaux, que trois boiffeaux
d’avoine : & généralement tous les beftiaux en font
très?friands, aufli bien que les volailles.
Lorfque la paille de ce fainfoin qui a fourni de la
graine a ete ferree à-propos, elle peut encore fervir
de fourrage au gros bétail. Ils la préfèrent au gros
foin de prés-bas, 6c à la paille du froment ; mais pour
qu’ils la mangent bien , il la faut hacher à-peu-près
comme on fait la paille en Ef'pagne, ou la battre avec
des maillets, comme on fait le jonc marin dans quelques
provinces.
Il nous refte à dire quelque chofe de la façon de
fànner le fainfoin. La faux le range par des efpeces
de bandes , qu’on nomme des ondins , parce qu’on
les compare aux ondes qui fe forment fur l’eau.
Dans le tems de haie, le deffus des ondins eft f'ec,
un ou deux jours après qu’il a été fauché. Lorfqu’il eit
en cet état, le matin apres que la rofée a été dilfioée,
on retourne les ondins l’un vers Fautre. Cette opération
fe fait affez vîte , en paffant un bâton fous les
ondins pour les renverfer.
On les renverle l’un vers l’autre, pour que les
deux ondins fe trouvent fur la partie du champ qui
n’a pas été labourée, & pour qu’il y ait moins ds foin
perdu ; parce que, quand on le ramaffe, il fiiffir de
faire paffer le rateau, ou pour parler comme les fermiers
, le fauchet fur les elpaces.
Sitôt que les ondins retournés font fecs, on les ra-
mafl'e avant la rofée du loir en petits menions, qu'on
appelle des oifons , parce qu'étant ainfi diipofés , ils
reffemblent à un troupeau d’oies répandues dans un