plus effentiel de déterminer les cas oti on devoit
tirer du Lang, 6c jufqu’à quel point.
L’ouvrage de Botal donna l’allarme à ce fujet.' Il
pouffa dans fon traité de curatione perfanguinis miflîo-
nem, imprimé pour la première fois en 1581, l ’abus
de faignée à un excès qu’on ne peut fe perfuader.
En voulant trop prouver, il ne prouva qu’une chofe,
c’eft que l’efprit & l’éloquence peuvent en impofer
à ceux, qui deftitués de l’expérience, ne font pas un
ufage affez grand de leur raifon. Il avança que dans
la cacochymie, l’hydropifie, les fievres quartes invétérées,
les indigeftions, les diarrhées, les fuppu-
rations intérieures, &c. la faignée étoit le grand re-
mede. 11 ofa s’étayer des paffages d’Hippocrate tron-
qués, choifis dans fes oeuvres fuppofées. Il compa-
roit les veines à un puits, dont l’eau étoit d’autant
meilleure, qu’elle étoit plus fouvent renouvellée.
Bonaventure Grangier, médecin de la faculté de
Paris, s’éleva avec un grand fuccès contre Botal.
Cette faculté le condamna authentiquement, lorfqtie
fon traité parut ; & cependant il l’entraîna après fa
mort dans la plus grande partie de fes idées. Elle oublia
les lois qu’Hippocrate, que Celfe, Galien même,
&c. avoient établies, auxquels les Fernel, les Houl-
lier, les Duret s’étoient fournis (C e dernier difoit
familièrement qu’il étoit petit feigneur). On la pratiqua
avec une fureur qui n’eft pas encore éteinte,
Contre laquelle on a vu fucceffivement s’élever de
bons ouvrages, 6c faire des efforts impuiffans. Lafaignée
qu’on n’ofoit faire, au rapport de Pafquier, une
feule fois qu’avec de grandes circonfpeôions, fut
prodiguée. La faine partie a fu conferver ce milieu
qui eft le fiége de la vérité ; mais plufieurs ont refté
entraînés par le préjugé 6c le mauvais exemple.
Là découverte de la circulation du fang, publiée
en 1628 par Harvée, fèmbloit devoir apporter un
nouveau jour fur une matière qui y avoit autant de
rapport; mais elle ne fervit qu’à aigrir, qu’à augmenter
les difputes. Il y eut de grands débats à ce fujet,
au milieu du fiecle dernier, qui produisent une foule
d’ouvrages, la plupart trop médiocres pour n’être
pas tombés dans l’oubli : on donna des deux côtés
dans des excès oppofés. Il en fut qui foutinrent qu’on
pouvoit perdre le fang comme une liqueur inutile,
tel fiit Valerius Martinius ; pendant que d’autres, tels
que Vanhelmont, Bontekoë, Gehema 6c Vulpin,
prétendoient qu’il n’étoit aucun cas où on dût fai-
gner : thèfe renouvellée de nos jours.
Ces excès n’étoient point faits pour entraîner les
vrais obfervateurs ; Sennert, Pifon, Riviere, Bonnet
Sydenham, fuivirent l’ancienne méthode, 6c furent
modérés ; quoiqu’on puiffe reprocher au dernier
quelques chofes à cet égard, 6c notamment lorfqu’il
confeille la faignée dans Pafthme, les fleurs blanches,
la paffion hyftérique, la diarrhée en général, 6c fpé-
cialement celle qui furvient après la rougeole, où il
paroît la pratiquer plutôt par routine, que par rai-
lon ou par expérience.
On voit avec peine "Willis, cet homme de génie
fait pour prefcrire des lois en Médecine, fait pour
découvrir, fe foumettre aveuglément aux leçons de
Botal, confeiller la faignée contre prefque toutes les
maladies : f in totam Pathologiam, de phleb. p. iy j .
Il fut repris vivement peu de tems après fa mort,par
Luc - Antoine Portius , qui combattit à Rome, en
1682, ce fentiment des galéniftes, trop répandus
dans cette ville, par quatre dialogues où il faifoit entrer
en lice Erafiftrate 6c Vanhelmon, contre Galien
& "Willis. Quoique ce genre d’ouvrage foit peu fait
pour les favans, par le tas de mots dont on eft forcé
de noyer les chofes, ils méritent d’être lus par ceux
en qui la fureur de verfer du fang n’a pu être éteinte'
par l’obfervation 6c les malheurs. On y trouve beaucoup
de jugement de la part de l’auteur, qui appuie
; fon fentiment par Une apologie de Galien, dans laquelle
il excufe ingénieul'ement ce grand homme,en
j Combattant fes. feftateurs avec des armes d’autant
plus fortes, qu’il démontre que ceux-ci ont outré la
dottrine de leur maître, & d’autant plus raifonna-
bles, qu’il prend pour fon principe cette vérité ap-
pliquàble à tous lès moyens de guérifon, qu’il vaut
{. beaucoup mieux pécher par défaut que par excès, &
• que ceux qui s’interdifent abfolument la faignée, font
Une faute bien au-deffous de celle que commettent;
ceux qui la pratiquent contre tous les maux.
On vit au milieu de ces difputes, s’élever un homme
favant, plein de génie, Bellini , qui voulant à l’exemple
de Scaliger, appliquer les mathématiques à
la Medecine, tomba par des erreurs de calcul, ou des
fauffes fuppofitions, dans les paradoxes les plus étranges.
Il mit au jour, en 1683, fon Traité de la faignée ■,
qui contient onze propofitions , avec la réponiè 6c
■ les preuves. Nous ferions tort à l’hiftoire de la jai-
gnée , fi nous pallions fous filence ces maximes qui
ont entraîné le fuffrage d’un grand nombre de favans
médecins,& donné lieu aux difputes les plus vives.
Le fang, félon Bellini, coule avec plus de rapidité
pendant la faignée dans l’artere qui correfpond à
la veine ouverte, 6c en s'y portant, ce qu’il appelle
dérivation, il quitte les vaiffeaux éloignés, ce qu’il
nomme révuljion. Après la faignée, la dérivation & la
révulfion font moindres que pendant l’écoulement
du fang,& enfin s’évanouiffent. On doit faigner dans
les inflammations , les rameaux qui ont la communication
la plus éloignée avec la partie malade, pour
ne point attirer le fang fur celle-ci. La faignée rafraîchit
& hume&e par l’évacuation qu’elle produit ; elle
échauffe 6c deflèche au contraire, lorfqu’elle rend
au fang trop géné un mouvement rapide. Elle doit
être mife en ufage dans toutes les maladies où le fang
eft trop abondant, où il faut en augmenter la vélocité
, rafraîchir, hume&er, réfoudre les obftru&ions ,
ou changer la nature du fang ; la faignée en augmente
la vélocité. 11 feroit plus avantageux d’ouvrir les artères,
que les veines dans les cas où la faignée eft indiquée;
la crainte des accidens doit y faire fuppléer
par tous les autres moyens que la Médecine a en fon
pouvoir, tels que les fcarifications, les fangfues, les
ligatures, &c. les évacuans quelconques peuvent tenir
lieu de la faignée. Le tems le plus sûr pour tirer
du fang eft le déclin de la maladie. On voit dans tout
cet ouvrage un grand homme, prévenu de certains
fentimens, qu’il foutient avec la vraiffemblance que
le génie fait donner aux maximes les plus fauffes-.
Quelques erronées que paroiffent la plupart de ces
propofitions, elles ont eu , comme nous l’avons dit
d’illuftres défenfeurs, parmi lefquels on doit compter
Pitcarn, ce célébré médecin, dont il feroit à fou-
haiter que les élémens de médecine fuffent phyfico-
pratiques , au lieu d’être phyfico-màthématiques, il
étoit trop lié avec Bellini de coeur 6c de goût, pour
ne pas l’être de fentiment.
De Heyde fut un adverfaire redoutable de Bellini
il oppofa l’expérience aux calculs, il s’attacha ainfi à
combattre fa doctrine par les armes les plus fortes.
Le recueil de fes expériences parut trois ans après le
traité de ce dernier, c’eft-à-dire en 16 8 6 ,6c fut fans
réplique. M. de Haller a publié 70 ans après des expériences
qui confirment celles de dç Heyde.
L’hiftoire du xviij. fiecle préfente des faits d’autant
plus intéreffans, qu’ils font le terme auquel on
eft parvenu, que de grands hommes, fe faifant gloire
de fecouer tout préjugé, ont cherché la vérité par
l’expérience fur des animaux viyans, l’obfervation
fur les malades, le raifonnement 6ç le calcul ; ce qui
n’a point empéché un grand nombre de tomber dans
des écarts entièrement femblables à ceux des fiecles
précédens ; la circulation des fentimens e.ft un fpeftacle
vraiment philofophique. On voit dans la fuite des
tems les mêmes opinions tomber 6c renaître tour-à-
tour, fe faire place mutuellement, 6c acculer-par
cette révolution , le peu d’étendue 6c de certitude
des connoiflances humaines. La vérité trop difficile
à faifir, ne prél'ente le plus fouvent qu’un de fes côtés
; elle voile les autres , 6c ne marche jamais fans
l’erreur qui vient au-devant des hommes, pendant
oue celle là fèmble les éviter. Toutes les anciennes
difputes fur le choix des veines, la quantité de fang
qu’on devoit tirer, les cas où on de voit faigner, revinrent
6c repafierent dans l’efpace de 30 ans, par
les mains des plus favans médecins françois 6C étrangers.
Celui qui y joua un dés principaux rôles, fut
M. Hecquet. Une thèfe à laquelle il préfida en 1704,
dans laquelle il foutenoit que la faignée remédie au
défaut de la tranfpiration infenfible, fut le principe
de la querelle. M. Andry en rendit compte dans le
journal des favans, d’une manière ironique, à laquelle
le premier répliqua. Il le fit d’une maniéré fi aigre
6c fi v iv e , qu’il ne put obtenir la permiffion de faire
imprimer fon ouvrage. Ce fut fecrétement qu’il parut,
fous le titre 6'explication phyfique & méchanique
des effets de là faignée , & de la boiffon dans la cure des
maladies ; avec une réponfe aux mauvaifes plaifantenes
que le journalijle de Paris a faites Jur cette explication
de la faignée. Il donna, en même tems au public une
îraduétion de fa thèfe. M. Andry dupliqua en 1710,
par des remarques de médecine fur différens fujets;
îpécialement fur ce qui regarde la faignée , la purgation
6c la boiffon. Par ce dernier ouvrage la querelle
relia éteinte.
Il n’avoit été queftion entre M M. Hecquet 6c And
ry , que des cas où on devoit pratiquer la faignée ;
le premier excita une nouvelle difpute avec M. Sylva.
Ils aimoient trop tous les deux à verfer du fang,
pour être en différend fur la quantité; ils combattirent
furie choix des veines. M. Hecquet publia en
1724, fes obfervationsfurlayâ^/zé* du pié, qu’il dé-
fapprouvoit au commencement de la petite vérole,
des fievres malignes, & des autres grandes maladies.
M. Sylva voulant juftifier cette pratique, & expliquer
la doftrinede la dérivation & de la révulfion,
entendues à fa maniéré, donna en 1727, fon grand
traité fur l’ufage des faignées, muni des approbations
les plus refpeclables. Le premier volume eft dogmatique
; Fauteur y développe fon fyftème, 6c combat
celui de M. Bianchi, qui huit années auparavant,
avoit foutenu dans une lettre adreffée à M. Bimi, fur
les obftacles que le fang trouve dans fon cours : 1 °.
que la circulation du fang étant empêchée dans une
partiejtôute la maffe s’en reffent : 20. qu’on doit faigner
dans la partie la plus éloignée du mal, à-moins
qu’il né foit avantageux d’y L exciter une inflammation
plus forte ; ce qui excùiè & explique le bon effet
des faignées locales. L ’autorité d’Hippocrate mal entendue,
& de Tulpius, une pratique vague, l’ex-
preffiort des propofitions précédentes , étoient les
preuves dont M. Bianchi fe fervoit-. M. Sylva fe montra
par-tout un partifan zélé de la faignée du pié, un
ennemi déchiré des-faignées faites fur la partie malade
, qu’il appelle dérivatives. Forcé de convenir des
avantages de la faignée de la jugulaire, il fit les plus
grands efforts pour la faire quadrer avec fes calculs.
Son fécond volume répond à M. Hecquet, qui vivement
attaqué, fit à fon tour imprimer trois années*
après ,(on-Traité de la digeftion, dont le difeours préliminaire
6c trois lettres, fervent à- défendre fon fen-
timent. Il compofà dans fa retraite, une apologie de
la faignée dans lès maladies des y eu x, 6c celles des
vieillards, des femmes 6c des enfans. Il s’éleva de
nouveau contre la faignée du pié, dans fon Brigandage
de la Médecine. Il n’étoit pas homme à revenir de
les idees ; il les foutenoit dans fa- médecine naturelle y
u'on imprimoit en 1736, lorfqu’il fut lui-même la
upe de fon goût, nous dirions volontiers de fa fureur
pour la faignée. On ne peut voir fans étonnement
, qu’un homme de 76 ans, caffé, affoibli par les
travaux du corps 6c de l’efprit, autant que par une
longue 6c pieufe abftinence, ayant des éblouiftè-
mens, dont fa foibleffe nous paroît avoir été la cau-
fe, fut l’aigné quatre fois, & notamment quatre heures
avant la mort, dans une maladie d’un mois.
Pour en revenir à M. Sylva, nous dirons que s’il
trouva dès partifans dans M. \Vinflou, plufieurs autres
membres célébrés de la faculté de Paris, & quel*
aues médecins étrangers, M. Hecquet ne fut pas le
foui à s’élever contre lui. M. Chevalier, dans fes Recherches
fur la faignée; M. Sénac, dans fes lettres furie
choix des faignées, qu’il donna fous le nom de Julien
Moriffon ; dans les effais phyfîques, qu’il a ajoutés à
l’anatomie d’Heifter, 6c dans fon Traité du coeur ; M.
Quefnay, dans fon excellent ouvrage fur ies effets
& l’ufâge de la faignée, qu’il publia d’abord en 1730,
fous le titre d'obfervations ; M. Buttler, dans l'effai fur
la faignée, imprimé en anglois; ainfi que la théorie 6C
pratique de M. Langrish ; M. M artin, dans fon Traité
de la Phlébotomie & de V Artériotomie ; M. Jackfon ,
dans fa Théorie de la Phlébotomie, le combattirent dans
tous les points de fa doftrine. M. CEder prouva en
1749, dans une thèfe inaugurale, que le fang qui acquiert
plus de viteffe dans le vaiffeau ouvert * entraîne
dans fon mouvement celui des vaiffeaux voifîns,
d’autant plus fortement, qu’ils font plus près de lui;
ce qui eft direâement oppofé^u fentiment de Bellini
6c de fes fettateurSi M. Hamberger prétendit que les
expériences qu’il avoit faites avec un tube , auquel
il avoit donné à-peu-près la forme de l’aorte,dé*
montraient la fauffeté de la dérivation 6c de la réVuI-
fion. D ’où il concluoit que le choix des veines étoit
indifférent, 6c que l’effet des faignées fe bornoit à l’évacuation.
Il renouyèlla par-là les opinions dé Nicolas
Florentin, Botal, Pétrônius , Pechlin 6i Boh-
niusJ Mi Wats fe joignit aux adverfaires de M. Sylv
a , dans: fon Traité de là dérivation & de la révulfion,
imprimé èn anglois1. M. de Haller a publié en 1756;
un récueil d’expériences fur les effets de la faignéc,
qui confirment '(èommë. nous l’avons dit), celles dé
de Heyde, qui eontredifent en plufieurs'points celles
de M. Hamberger, les calculs de MM. Hecquet,
S ylva, &c. Nous appuierons nos idées fur l’effet de
la faignée ,'ÿa.r ces expériences mêmes , qui portent
avec elles toute l’autorité dont elles ont jamais pu
être revêtues.
M. Tralles écrivit-eh 173 ÿ , fur la faignée à la jugulaire
6c à l’artere temporale, dont il renditles avantagés
évidens. Il s’appuya par un p o jl- fc r ip tàm , du
fentiment de M. Sylva, quoiqu’il en défàpprouvât les
calculs, 6c plufieurs dès confequences quiexçludienc
l’Artériotomie.
M. Kloekof examina danS une differtation|imprimée
en 1747, cette queftiori; intéreffaïïtè : quel doit
être le terme de la foignée dans Irs ftvrés aiguës. Quoique
le plus grand nombre des:médècihS,' dôhi il rapporte
les maximes , Tifltérdife en général après le
trois, quatre ou cinquième !ijbur; il'Conclut cependant
avec raifon, muni dè leurs* fùffràgés mêmes,
qu’il eft des cas (rares àlâ vérité*'), 'où on peut la pratiquer
le dixième jour.
Un anonyme1 a publie eri ïj ftj , mi. ouvragé fur
l’abus de là faignée , auquel Ôn doit dès élbgès. S’appuyant
fur l’autorité dès ■ grands maîtres , il réduit
l’ufage de ce remede dans lès borhes où l’ont maintenu
le plus' grand ndmbre de ceux dont là gloire a
couronné lès fuccès.
Il eft tems que noüs rendions compte de la db&ri-
ne des trois grandes lumières de- ce ftèclè : S.tahl,
Hoffman & Boerhaave. Aucun d?èux nia1 traité ex