fes merveilles1, ils béniront fes bienfaits ; ils publieront
fes louanges , iis l’annonceront à tous les peuples
, 6c brûleront de le faire connoître aux nations
égarées qui ne connoifiént pas encore, ou qui ont
oublié fes miféricordes 6c fa grandeur. Le concert
d’amour , de voeux 6c d’hommages dans l’union des
coeurs , n’eft-il pas évidemment ce culte extérieur,
dont vous êtes li en peine ? Dieu feroit alors toutes
chofes en tous. Il feroit le r o i , le pere, l’ami des
humains ; il feroit la loi vivante des coeurs , on ne
parleroit que de lui 6c pour lui. Il feroit confulté ,
cru , obéi. Hélas ! un roi mortel., ou un vil pere
de famille s’attire par fa fageffe , l’eftime 6c la confiance
de tous fes enfans, on ne voit à toute heure
que les honneurs qui lui iont rendus ; & l’on demande
qu’eft-ce que le culte divin, 6c fi l’on en doit un ?
Tout ce qu’on fait pour honorer un pere, pour lui
obéir, 6c pour reconnoître fes grâces, eft un culte
continuel qui faute aux yeux. Queferoit-ce donc, li
les hommes étoient pofîedés de l’amour de Dieu ?
Leur fociété feroit un culte folemnel, tel que celui
qu’on nous dépeint des bienheureux dans le ciel.
A ces raifonnemens, pour démontrer la nécelîité
d’un culte extérieur, j’en ajouterai deux autres. Le
premier eft fondé fur l’obligation indifpenfable où
nous fommes de nous édifier mutuellement les uns
les autres ; le fécond eft fondé fur la nature de l’homme.
i° . Si la piété eft une vertu, il eft utile qu’ elle
régné dans tous les coeurs : or il n’eftrien qui contribue
plus efficacement au régné delà vertu, que l’exemple.
Les leçons y feroient beaucoup moins ; c’eft
donc un bien pour chacun de nous, d’avoir fous les
yeux des modèles attrayans de piété. O r , ces modèles
ne peuvent être tracés, que par des aûes extérieurs
de religion. Inutilement par rapport à moi,
un de mes concitoyens eft-il pénétré d’amour, de
refpeft 6c de foumiflion pour D ieu , s’il ne le fait pas
connoître par quelque démonftration fenfible qui
m’en avertifle. Qu’il me donne des marques non fuf-
peftes de fon goût pour la vérité, de fa rélignation
aux ordres de la Providence, d’un amour affeélueux
pour fon Dieu , qu’il l’adore , le loue, le glorifie en
public ; fon exemple opéré fur moi , je me fens piqué
d’une fainte émulation, que les plus beaux morceaux
de morale n’auroient pas été capables de produire.
Il eft donc effentiel à l’exercice de la religion,
que la profefîion s’en fafle-d’une maniéré publique 6c
vifible ; car les mêmes raifons qui nous apprennent
qu’il eft de notre devoir de reconnoître les relations
où nous fommes à l’égard de Dieu , nous apprennent
également, qu’il eft de notre devoir d’en rendre l’aveu
public. D’ailleurs parmi les faveurs dont la Providence
nous comble , il y en a de perfonnelles, il
y en a de générales. O r , par rapport à ces dernières
, la raifon nous dit que ceux qui les ont reçues
en cfommun doivent fe joindre pour en rendre grâces
à l’Etre fuprème en commun, autant que la nature
des affemblées religieufes peut le permettre.
z°. Une religion purement mentale pourroit convenir
à des efprits purs 6c immatériels , dont il y a
fans doute un nombre infini de différentes efpeces
dans les vaftes limites de la création ; mais l’homme
étant compofé de deux natures réunies , c’eft-à-dire
de corps 6c d’ame , fa religion ici bas doit naturellement
etre relative 6c proportionnée à fon état 6c à
fon caraèlere, & par conléquent confifte également
en méditations intérieures, 6c en aèles de pratique
extérieure. Ce qui n’eft d’abord qu’une prélomption
devient une preuve, lorfqu’on examine plus particuliérement
la nature de l’homme, 6c celle des circon-
ftanccs où elle eft placée. Pour rendre l’homme propre
au pofte 6c aux fondions qui lui ont été aflignées,
l’expérience prouve qu’il eft néceffaire que le tempérament
du corps influe fur les pallions de l’efprit
6c qiie les facultés fpirituelles foient tellement enveloppées
dans la matière que nos plus grands efforts
ne puiffent les émanciper de cet affujettiffe-
ment, tant que nous devons vivre & agir dans ce
monde matériel. O r , il eft évident que des êtres dç
cette nature font peu propres à une religion purement
mentale, 6c l’expérience le confirme ; car toutes
les fois que par le faux defir d’une perfeâion chimérique
, des hommes ont tâché dans les exercices
de religion de fe dépouiller de la grofliereté des fens,
6c de s’élever dans la région des idées imaginaires,
le cara&ere de leur tempérament a toujours décidé
de l’iffue de leur entreprife. La religion des caraÔc- -
res froids 6c flegmatiques a dégénéré dans l’indifférence
6c le dégoût, 6c celle des hommes bilieux 6c
fanguins a dégénéré dans le fanatifme 6c l’enthou-
fiafme. Les circonftances de l’homme 6c des chofes
qui l’environnent, contribuent de plus en plus à rendre
invincible cette incapacité naturelle pour une
religion mentale. La néceflité 6c le defir de fatisfaire
aux befoins 6c aux aifances de la vie , nous affujet-
tiffent à un commerce perpétuel 6c confiant, avec
les objets les plus fenfibles 6c les plus matériels. Le
commerce fait naître en nous des habitudes, dont la
force s’obftine d’autant plus , que nous nous efforçons
de nous en délivrer. Ces habitudes portent continuellement
l'efptit vers la matière, 6c elles font fi
incompatibles avec les contemplations mentales,elles
nous en rendent fi incapables, que nous fommes même
obligés pour remplir ce que l’effence de la religion
nous prefcrit à cet égard , de nous fervir contre
les fens 6c contre la matière de leur propre fecours,
afin de nous aider 6c de nous foutenir dans les aftes
fpirituels du culte religieux. Si à ces raifons l’on
ajoute que le commun du peuple qui compofe la
plus grande partie du genre humain , 6c dont tous
les membres en particulier font perfonnellement in-
téreffés dans la religion , eft par état, par emploi,
par nature, plongé dans la matière ; on n’a pas bé-
îoin d’autre argument, pour prouver qu’une religion
mentale confinant en une philofophie divine qui ré-
fideroit dans l'efprit, n’eft nullement propre à une
créature telle que l’homme dans le pofte qu’il occupe
fur la terre.
Dieu en unifiant la matière à l’efprit, l’a affocié à
la religion 6c d’une maniéré fi admirable , que lorf-
que l’ame n’a pas la liberté de fatisfaire fon zele, en
fe fervant de la parole , des mains , des profterne-
mens, elle fe fent comme privée d’une partie du
culte qu’elle vouloit rendre, 6c de celle même qui
lui donneroit le plus de confolation ; .mais fi elle eft:
libre, 6c que ce qu’elle éprouve au-dedans la touche
vivement 6c la pénétré , alors fes regards vers le
ciel, fes mains étendues, fes cantiques, fes profter-
nemens, fes adorations diverfifiées en cent manières
, fes larmes que l’amour 6c la pénitence font également
couler, foulagent fon coeur en fuppléant à
fon impuiffance, 6c il femble que c’eft moins l’ame
qui affocie le corps à fa piété & à fa religion, que ce
n’eft le corps même qui le hâte de venir à fon fecours
6c de fuppléer à ce que l’ efprit ne fauroit faire; enforte
que dans la fonétion non-feulement la plus fpirituel-
le , mais aufli la plus divine , c’ eft le corps qui tient
lieu de miniftre public 6c de prêtre, comme dans le
martyre, c’eft le corps qui eft le témoin vifible 6c
le. defenfeur de la vérité contre tout ce qui l’attaque.
Aufli voyons-nous que tous les peuples qui ont
adoré quelque divinité, ont fixé leur culte a quelques
demonftrations extérieures qu’on nomme des
cérémonies. Dès que l’intérieur y eft, il faut que l’extérieur
s’exprime & le communique dans toute la
fociété. Le genre humain jufqu’à M oïfe, faifoit des.
R E L
offrandes 6c des facrifices. Moïfe en a inftitué danis
i’éolife judaïque : la chrétienne en a reçu de L C. Jufi
qu’au rems de Moïfe , c’ eft-à-dire pendant tout le
tems de la loi de nature, les hommes n’avoïent pour
fe gouverner que la raîfon naturelle 6c les traditions
•de leurs ancêtres. On n’avoit point encore érigé le
temple au vrai Dieu, le culte alors n’avoit point de
forme fixe 6c déterminée ; chacun choififloit les cérémonies
qu’il croyoit les plus fignificatives’ pour exprimer
au-dehors fa religion. Enfin le culte fut fixé
par Moïfe , & tous ceux qui voulurent avoir part
aux faveurs plus marquées que Dieu répandoit fur
le peuple ju i f , étoient obligés de le révérer 6c de
s’y foumettre. Sur les débris de cette religion, qui
n’étoit que l’ombre 6c l’ébauche d’une religion plus
parfaite , s’eft élevée la religion Chrétienne, au culte
de laquelle tout homme eft obligé de fe foumettre ,
parce qùe c’eft la feule véritable, qu’elle a été marquée
au fceau de la D ivinité, & que la réunion de
tous lés peuples dans ce culte uniforme, eft fondée
fur l’oecdriomie des decrets de Dieu. Voye^ Ü article
de la Religion C hrétienne.
Religion , fe dit plus particulièrement du fyftè*
me particulier de créance 6c de culte qui a lieu dans
tel ou tel pays, dans telle ou telle feéle, dans tel ou
tel tems, &c.
Dans ce fens, on dit la riligion romaine, la religion
déformée, la religion des Grecs, celle des Turcs, des
fàuvages d’Amérique, des Siamois , &c.
Ceux-ci, dit le miniftre Claude, foutiennent que
la diverfité des religions , c’eft-à-dire les différentes
manières d’honorer Dieu lui font agréables, parce
que toutes ont le même objet, toutes tendent à la
même fin, quoique par des moyens différens.
Principe taux, fi Dieu a déclaré qu’il rejettoit tel
ou tel culte, comme infuffifant ou imparfait, 6c qu’il
en adoptoit tel ou tel autre, comme plus pur 6c plus
ïaifonnable ; fi d’ailleurs il a établi dans le monde
quelqu’àutorité vifible qui dût avec pleine puiffance,
régler la maniéré & les cérémonies du culte qu’il à
approuvé ; or c’eft ce qu’il a fait par la révélation 6c
par l’établiffement de fon Eglife.
C’eft donc à tort, que lé même miniftre prétend
que le fentiment de ces idolâtres eft beaucoup plus
iequitable, que celui de ces zélateurs qui croy ent qu’il
n’y a que leur culte qui foit agréable à Diéii ; 6c l’on
fent que par ces zélateurs, il a voulu défigner les
Catholiques Car ceux-ci ne Condamnent pas les autres
cultes précifémerit par leurs propres lumières ,
mais parce , qùe Dieu les a rejettes , parce qu’ils ne
font pas Conformes à celui qu’il a établi, & parce
qu’ erifih ils rié font point autorifés par la puiffance
à qui il a confié ■ l’interprétation de fes lois.
La religion d’ürie àffez grande partie du monde,
éft celle dont on peut trouver une défcription exaftè
Hâns un des choeurs de là troade de Séneque, à la fin
du fécond aûe qui commence aihfi :
Verüfn ejl, an timidos fabula decipit ?
Umbràs corporïbus vivere conduis, &c.
C ’eft fuivant Guy Patin , la religion dés pfirîées ,
des grands , dès mâgiftrâts , 6c même dé qüèlqiîès
médecins 6c p'hilofophes, 6c il ajouté que lè duc dë
Mayenne, chef dë la ligue en France, âvoit coutume
de dire que les priricés rie commeriçoierit à avoir
de la religion, qu’après avoir pané quarante ans, ciiin
numina nabis mors injlahs majora facii. Patin , lettres
choi/ies. Lettre i06. pènfée faiifle 6c démèritiè par
l’expériericè de tous lés fiëcles.
Religion des Grecs & des Rorriaih's, ( Théologie
payenne.'j c’eftlamêïrië religion;lagreque èftlamerë,
6c la romaine eft la fille. Oh fe trompèroit fi l’on ré-
gaf doit Romulus comme le pere dë la religion dès ïto-
piaius. Il I’avoit apportée d’Âlbe, 6c Albè l’avoit ré-
Tome
R E L Sj
Çue dès Grées. Les critiques qui confeftent la véhiiè
d’Enée en Italie -, ne nient pas qu’avant même la
guerre de Troie , -lès Arcadiens fous Oériotrus, les
Palantiens fous Evandre , les Pelages, ne foient v enus
avec leurs dieux en Italie-. Ainfi fans recourir à
Enée, la religion greque fe trouve à la naiffance de
Rome. Rémus 6c Romulus un peu avant que de po-
fer la première pierre, célèbrent les Lupercales fe*
Ion la coutume d’Arcadie,6c l’inftitutiond’Evandre;
6c lorfque la ville reçoit fes citoyens, R.omulus commençant
par le culte des dieux,, confacre des temples
, éleve des autels, établit des fêtes 6c des’facrifices
, en prenant dans la religion greqûe tout ce qu’il
y a de mieux.
Il y a plus, les monurnens l’atteftërent long-tems
à Rome 6c dans les autres villes d’Italie, témoin un
autel érigé à Evandre fur le mont Aventin ; un autre
à Carmenta fa mere près dit capitole; des facrifices à
Saturne félon le rit grec; le temple de Junon à Fa-
fères , modelé fur celui d’Àrgos , & le culte qui fe
reffembloit. Ces monurnens 6c tant d’autres, que Dénis
d’Halicarnaffe avoit vus en partie , lui font dire
que Rome étoit une ville greque.
On prétend communément, què Numa:donnà là
religion à Rome ; c’eft: confondre les ornemens d’un
édifice avec la conftru&ion. A peine la foule de pan
ticuliers quifejëtta dans cette capitale fut réduite en
corps politique , que Romulus y ouvrit, fi je puis
parler ainfi, un afÿle aux dieux comme aux hommes.
Il eft vrai cependant que Numa donna de l’ordre
& de l’étendue aux cérémonies, aùx fêtes, aux facrifices
, 6c au myfterë facré. Sous le régné de ce prince,
la religion prit une forme fiable ; foit qu’àppellé à la
couronne par fa piété, il n’eût d’autre objet que l’honneur
des dieux ; ou que prévenu des principes de Py-
thagore, il voulût donner à fa politique tous les dehors
de la religion ; foit qu’éleve dans la doclrine des
anciens Sabiris, comme plus pure 6c plus auftere, 6c
non point dans celle de ce philofophe, que Tite-Live
nous afîure n’avoir paru que fous le régné de Servius
Tullius, 6c encore aux extrémités de l’Italie, il crut
pouvoir ne rien faire dé plus avantageux pour l’éta-
îfiiffement de l’empire romain, que d’y introduire les
rits de fon pays, 6c d’adoucir par les principes 6c les
impreflîons de la religion, un peuple fauvage & belliqueux
, qui ne connoifloit prefque d’autres lois que
celle de la fupériorité, ni d’autres vertus que la va*
leur. Numa forma donc beaucoup d’établiflemens
utiles en ce genre ; mais ni lui, ni fes fucceffèùrs né
touchèrent point aux inftitùtions de la religion grèqïit
fondée par Romulus.
La religion romaine étoit donc fille de la religion
greque. On n’eft pas furpris qu’une fille reffemble à fà
mere, comme on ne l’eft pas qu’elle en différé eri
quelque chofe. Mais quelle fut la différence de l’une
à l’autre ? qit’eft-cè que les Romains ajoutèrent à
•la religion greque? 6c qu’eft-ce qu’ils en retranche*
rent? C ’éft une recherche fort curieufe que je n’ai
trouvé difclitée que parM. l’abbé Coye r, dans une
Chàrmàrite differtàtion dont rions allons donner le
précis aveC un peu d’étendue.
CèS âdditioriS & le'S rètranchemeris que les Rc*
inains firent à la rèligio'n greqrie , peuvent, dit-il, fe
préf'erifér fOiiS quatre faces : i°. Rome en adoptant
lâ religion grenue, voiuüt dés dieüx plus refpeélàbles :
z°. des dogmes plus fenfés : 30. uri merveilleux moins
fanatique : 40. un culte plus fage. EtabliflbnS ces quatre
poirifs que M. l’dbbe Goyet a fi bien développés,
6C nous aurons le fÿftèïrié 6c la différence des deux
Yéligiôàs.
NOtiS éCaftqhS d’abôfd. de riôtré poïrit de vue là
religion des philofdphëS grées Ou romains ; quelques*
uns ilioiefit l’éxifteric'é des dieux, lès autres dou-
L ij