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dans celles qu’il a travaillées avec foin; fon caraftere
eft aifé , coulant, vigoureux. Defpréaux dit en parlant
de ce poëte :
Régnier feul parmi nous formé fier leurs modèles,
Dans fon vieux fiyle encore a des grâces nouvelles.
Il eft quelquefois long & diffus. Quand il trouve à
imiter, il va trop loin , & fon imitation eft prefque
toujours une traduriion inférieure à fon modèle ; mais
fes vers font pleins de fens 8c de naïveté : Heureux !
S i du fon hardi de fes rimes cyniques
Il n'allarmoit fouvent les oreilles pudiques.
Ce qu’on peut dire pour diminuer fa faute , C’eft
'que ne travaillant que d’après les fàtyriques latins, il
■ croyoitpouvoir lesfuivre en tout, & s’imaginoit que
la licence des expreffions étoit un affajfônnement
'dont leur genre ne pouvoit fe paffer.
Regnier eft mort a Rouen en 1613, âgé de 40 ans.
On connoît l’épitaphe pleine de naïvete qu’il a faite
jpour lui, 8c dans laquelle il s’eft fi bien peint ;
J ai vécu fans nul penfement
Me laiffant aller doucement
A la bonne loi naturelle :
E t f i m'étonne fort pourquoi
La. mort daigna fonger à moi
Q u i ne fongeai jamais en elle.
7ean de la Frenaye Vauquelin , publia quelques
fa ty res peu de tems avant la mort de Regnier ; mais
comme il n’avoit ni la force , ni le feu , ni le plaifant
ncceffaire à ce genre de poëme, il ne mérite pas de
nous arrêter.
Defpréaux (Nicolas Boileau fteur ) fleurit environ
60 ans après Regnier , 8c fut plus retenu que lui. Il
là voit que l’honnêteté eft une vertu dans les écrits
comme dans les moeurs. Son talent l’emporta fur fon
éducation : quoiqu’il fut.fils , frere, oncle , çoufin,
beau-frere de greffier, 8c que fes parens le deftinaf-
fent à fuivre le palais , il lui fallut être poëte, & qui
plus eft poëte fatyrique
Ses vers font forts, travaillés, harmonieux, pleins
de chofes ; tout y eft fait avec un foin extrême. Il
n’a point la naïveté de Regnier ; mais il s’eft tenu en
.garde contre fes défauts. Il eft ferré, précis, décent,
ioigné par-tout, ne fouffrant rien d’inutile, ni d’obf-
cur.^ Son plan de fatyre étoit d’attaquer les vices en
général, & les mauvais auteurs en particulier. Il ne
nomme guere un fcélérat ; mais il ne fait point de
difficulté de nommer un mauvais auteur qui lui déplaît
, pour fervir d’exemple aux autres, 8c maintenir
le droit du bon fens & du bon goût.
Ses expreffions font juftes,claires,fouventriches&
hardies. Il n’y a ni vuide,ni fuperflu. On dit quelquefois
malignement le laborieux Defpréaux ; mais il
travailloit plus pour cacher fon travail, que d’autres
pour montrer le leur. Ses ouvrages fe font admirer
par la juftefîe de la critique , par la pureté du ftyle 8c
par la richefle de l’exprefîïon. La plupart de fes vers
font fi beaux, qu’ils font devenus proverbes. Il femble
créer les penfées d’autrui, & paroît original lorf-
qu’il n’eft qu’imitateur.
( ° n lui reproche de manquer d’imagination ; mais
•oii la voit-on plus brillante , plus riche 8c plus féconde
que dans fon poëme du Lutrin, ouvrage bâti
fur la pointe d’une aiguille, comme le difoit M. de
Lamoignon ; c’eft un château en l’air, qui ne fe fou-
tient que par l’art 8c la force de l’architerie. On y
trouve le génie qui crée, le jugement qui difpofe ,
I imagination qui enrichit, la vertu qui anime tout, 8c
l’harmonie qui répand les grâces.
Son ait poétique eft un chef-d’oeuvre de raifon,
rie goût, de verfification. Enfin Defpréaux a une réputation
au-d,efliis de toutes les apologies, & fa gloire
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fera toujours intimement liée avec celle des beUei.
lettres françoifes.
Il naquit au village de Crône , auprès de Paris en
1636. Il efiàya du barreau, 8c enfuite de la fox-bonne.
Dégoûté de ces deux chicanes, dit M. de Voltaire
il ne fe livra qu’à fon talent, 8c devint l’honneur de
la Françe.Il fut reçu à l’académie en 1684,8c mourut
en 1711 .Tous fes ouvrages ont été traduits en anglois.
Son Art poétique a été mis en vers portugais ; 8c
plufieurs autres morceaux de fes poéfies ont été traduits
en vers latins 8c en vers italiens. La meilleure
•édition qu’on ait donnée de fes oeuvres en françois,
avec d’amples commentaires , a vu le jour à Paris en
1 747, cinq vol. in -$ \
Parallèle des fàtyriques romains & françois. Si pré-
fentement on veut rapprocher les cararieresdespoë*
tes fàtyriques dont nous venons de parler, pourvoir
en quoi ils fe reflemblent, 8c en quoi ils different i
« il paroît, dit M. le Batteux, qu’Horace & Boileau
» ont entr’eux plus de reflemblance , qu’ils n’en ont
» ni l’un ni l’autre avec Juveiial. Ils vivoient tous
» deux dans un fiècle poli, où le goût étoit pur, 8c
» l’idée du beau fans mélange'. Juvenal au contraire
» vivoit dans le tems même de la décadence des let-
>> très latines, lorfqu’on jugeoit de la bonté d’un ou-
» vrage par fa richefle , plutôt que par l’économie
» des ornemens. Horace 8c Boileau plaifantoient
» doucement, légèrement ; ils n’ôtoient le mafque
» qu’à demi 8c en riant; Juvenal l’arrache avec co-
*> lere : fes portraits ont des couleurs tranchantes,
» des traits hardis, mais gros ; jl n’eft pas nécefiàire
» d’être délicat pour en fentir la beauté. Il étoit né
» exceifif, 8c peut-être même que quand il feroit
» venu avant les Plines, les Séneques, les Lucains ,
» il n’auroit pû fe tenir dans les bornes légitimes du
» vrai 8c du beau.
» Perfe a un carariere unique qui ne fympatife
» avec perfonne. Il n’eft pas afïez aifé pour être mis
» avec Horace. Il eft trop fage pour être comparé à
» Juvenal ; trop enveloppé 8c trop myftérieux pour
» être joint à Defpréaux. Auflî poli que le premier,
» quelquefois aufli vif que le fécond, aurai vertueux
» que le troifieme, il femble être plus philofophe
» qu’aucun des trois. Peu de gens ont le courage de
» le lire ; cependant la première leriure une fois
» faite, on trouve de quoi fe dédommager de fa
» peine dans la fécondé. Il paroît alors reffembler à
>» ces hommes rares dont le premier abord eft froid ;
» mais qui charment par leur entretien quand ils ont
» tant fait que de fe laifler çonnoître ». ( Le chevalier
D E JA U CO URT.)
S a t y r e d r a m a t i q u e , ( A r t dramat. ) genre de
drame particulier aux anciens. Les fatyres dramati*
ques, ou fi l’on veut, les drames fàtyriques, fe nom-
moient en latin fa ty r i, au-lieu que les fatyres telles
que celles d’Horace 8c de Juvenal , s’appelloierit
fatum. Il ne nous refte de drame fatyrique qu’une
feule piece de l’antiquité ; c’eft le cyclope d’Euripide.
Les perfonnages de cette piece font Polyphème,
Ulyfle, un fylène & un choeur de fatyres.L’ariion eft
le danger que court Ulyfle dans l’antre,du cyclope ,
8c la maniéré dont il s’en tire. Le carariere du cyclope
eft l’infolence, 8c une cruauté digne des bêtes
féroces. Le fylène eft badin à fa maniéré , mauvais
plaifant, quelquefois ordurier.Ulyfle eft graye 8c fé-
rieux, de maniéré cependant qu’il y a quelques endroits
oit il paroît fe prêter un peu à l’humeur bouffonne
des fylènes. Le choeur des fatyres a une gravité
hurlefque , quelquefois il devient aufli mauvais
plaifant que le fylène.Ce que le pere Brumoi en a traduit
fuffit pour convaincre ceux qui auront quelque
doute.
Peu importe après cela, de remonter à l’origine
de çefperiacle,qui fut, dit-on, d’abord très-férieux,
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ïi eft certain qite du tems d’Euripide, c’étoitun mélangé,
duh^uî & dy. bas , d.u iÇérieux ôç du- bouffon.
Les Romains ayant .connu fe théâtre grsec, introdui-
firent chez çux cette forte de fperiaçïe pour réjouir
non-feulement le peuple 8c les acheteurs de noix,.
mais quelquefois même les philo£opaes,à qui le con-
irafte quoiqu’outré, peut fournir matière à réflexion.
Horace a preferitdans fon Art poétique,le goût qui
doit régner dans ce genre de poëme ; 8c ce qu’il en
dit revient à ceci. Si l’on veut compofer des drames
fàtyriques, il ne faut pas prendre dans la partie que
font les fatires la couleur ni le ton de la tragédie, il
ne faut pas prendre non-plus le ton de la comédie :
Davus eft trop rufé ; une courtifane qui excroque
un talent à un vieil avare, tout fin qu’il eft, eft trop
fubtilev Ce carariere de fin elfe ne peut convenir à un
Sylène qui fort des forêts , qui n’a jamais été que le
ferviteur 8c le gardien d?un dieu en nourrice. Il doit
être naïf, Ample , du familier le plus commun. Tout
le monde croira pouvoir faire parler de même les fatyres
,parce que leur élocutionfemblera entièrement
négligée ; cependant il y aura un mérite fecret, 8c
que peu de gens pourront attraper, ce fera la fuite
8c la liaifon même des chofes : il eft aifé de dire quelques
mots avec naïveté ; mais de foutenir long-tems
ce ton fans être plat, fans laifler du vuide , fans faire
d’écarts, fans liaifons forcées, c^eft peut-être le chef-
d’oeuvre du goût 8c du génie.
Je crois qu’on retroûye chez noits, à peu de cftofe
près, les fatyres dramatiques des anciens dans certaines
pièces italiennes; du-moins on retrouve dans
arlequin les cararieres d’un fatyre. Qu’on faffe attention
à fon mafque, à fa ceinture , à ion habit collant,
qui le fait paroître prefque comme s’il étoit nud, à fes
genoux couverts, 8c qu’on peut fuppofer rentrans ; il
ne lui manque qu’un lpulier fourchu. Ajoutez à cela
fa façoxi mievre 8c déliée , fon ftyle, fes pointes fou-
vent mauvaifes, fon ton de voix.; tout cela forme
aflurément une maniéré de fatyre. Le fatyre des anciens
approchoit du bouc ; l’arlequin d’aujourd’hui
approche ' du chat ; c’eft toujours l’homme déguifé
en bête. Comment les fatyres jouoient-ils, félon
Horace ? avec un dieu, un héros qui pàrloit du haut
ton. Arlequin de même paroît visLà-vis Samfon ; il
figure en grotefque vis-à-vis d’un héros : il fait le héros
lui-même ; il repréfente Théfée , &c. Cours de
Belles-lettres. (JD. /.)
SATYBIASIS, f. m. (Médecine!) maladie qui met
les hommes qu’elle attaque dans cet état de falacité,
qui, fuivant la mythologie, caraêlérifoit les fatyres,
voyez ce mot. Ces malades n’ont quelquefois d’autre
incommodité, qu’un appétit violent des plaifirs vénériens
, qui dégénéré prefque en fureur : il eft déterminé
par une ereftion confiante & voluptueufe de la
verge; cet état en faifant naître les defirs les plus
vifs, eft dans la plûpart la fuite 8c le ligne d’un be-
foin preflant, 8c la fource 8c l’avant-coureur de la volupté
, en quoi le fatyriafis diffère, comme nous l’avons
obfervé du priapilmp, voye^ ce mot ; mais cet
appétit eft tel dans plufieurs, qu’il fubfifte même après
qu’on Pa fatisfait, 8c qu’il exige qu’on réitéré fou-
vent Parie qui en eft le but 8c qui le fait ordinairement
ceflër.
Baldafîar Timéus rapporte l’hiftoire d’un muficien,
dont le fatyriafis étoit porté au point que le coït répété
plufieurs fois dans l’efpace de quelques heures,
étoit encore infuffifant pour émoufler l’aiguillon qui
l?y excitoit. Cafuum medicin. lib. I I I . confiât. 62. il
femble même qu’alors \z. fatyriafis en eft plus irrité ;
il cefie pendant quelques inftans , 8c reprend bien*
tôt après avec une nouvelle vigueur ; il en, eft de ces
cas particuliers, comme de lademangeaifon des yeux
qu’on calme en les frottant, mais qui peu de tems
après en eft augmentée, 8c dégénéré en cuiflbn dou-
loureufe.
SA T m
. Les .causes qù fatyriafis confiftetit dans uii vice dè
la femence & des parties génitale? ; la femence pèche
par fa quantité, lprfqu’une continence ex.arie Pà
Iaifle ramaflef en trop grande abondance, ou qite
des médicamens ariifs , aphrodifiaques, en ont fait
augmenter la fecrétion ; elle pèche en qualité, lorf-
que par quelque vice du fang ou pur l’ufage des te*
medes âcres échaufrans y elle devient plus acre, plus
ariive , plus propre à irriter les refervpirs oit elle fê
ramafie. La difpofition vicie'uïe des parties génitale?
confifte dans une tenfion plus grande, une fenfibilité
excelfive qui les rqncl füfcep'tibles des plus legeres
imprefîïons, obéiflantes au moindre aiguillon ; cet
effet peut être produit par les mêmes caufes ; c’eft dè
leur concours que dépend le fatyriafis qui fup'ient
aux phthxfiques, aux perfox^nés qui ont fait ulàgé des
cantharides, du fatynon^ ou autre remede femblable ;
on peut ajouter à ces caufes , la débauche , la crapule
, la manuftupration, les leriures deshonnêtes, les
peintures obfcènes , les converfations libertines ,
les a,ttouchemens impudiques, &c. alors l’éreriion
devient un état prefque habituel de la verge, l’irritation
confiante de cés parties y attire une plus grande
quantité d’humeurs qui forment une efpeçe de femence
, 8c en rendant la fecrétion plus abondante ÿ
fourniffent aux exeps de fon excrétion.
Leç hommes font le? feuls fuj.ets an fatyriafis propre
me nj: dit, les-femmes nefonf cependant pas exemptes
des maladies qui ont pour carariere un defir. in-
fatiabie des plaifirs vénériens ; le befoiri eft le même
dans l’un 8c l’autre fexe, Si les fautes font générales
; les femmes en font même plus punies que les
hommes ; les /naladies de cette elpe.ee font chez elles
plus de progrès , 8c font beaucoup plus violentes ;
leur imagination plus échauffée s’àItéré par la contrainte
oîx les lois de leur éducation les obligent de
vivre ; le mal empire par la retenue , bien-tôt il eft
au point de déranger la raifon de ces infortunées ma-*
lades ; alors foullraites à fon empire 8c n’écoutant
plus que la voix de la nature , elles chercheiit à lui
obéir ; elles ne connoiflent plus, ni décence, ni pudeur
; rien ne leur paroît deshonnête pourvu qu’il
tende à fatisfaire leurs defirs ; elles .agacent tous les
hommes indifféremment 8c fe précipitent avec fureur
entré leurs bras, ou tâchent par des moyens
que la nature indique 8c que l’honnêteté proferit,
de fuppléer à leur défaixt ; cette maladie eft connue
fous les différens noms de fureur utérine , Æérotoma*
nie, nimphomanie , 8cç. Voye£ ces articles.
Le fatyriafis qü’excite une trop grande quantité
de femence retenue, fe diflipe d’ordinaire par fon ex-*
crétion légitime, 8c n’a point de fuite fâcheufe: mais
celui qui le prend du trop d’ariivité de la femence 8c
d’une tenfion immodérée des parties de la généra*
tion, eft plus lent & plu? difficile à guérir ; s’il p.erfifre
trop long-tems, il donne nailfance à des fympto*
mes dangereux , tels que la mélancholie ; difficulté
de.refpirer, dyfurie , conftipation , feu intérieur ^
foif, dégoût, fievre lente enfin, 8c phthifie dorfale
qui préparent une mort affreufe. Tous ces accidens
font l’effet d’une excrétion immodérée de femence ,
f/i)j'£{ccmor6'MANUSTOPRATiON.Themifon,un de?
plus anciens auteurs qui ait écrit fur cette maladie ,
affure que plufxeursperfonnes moururent en Crete ,
attaquées du fatyriafis.
On ne peut efperer .de gtterifon plus prompte 8C
plus certaine dans le fa t y r ia f i s qui eft l’effet d’une ri-»
goureufe continence, que par l’évacuation de l’humeur
fuperflue qui l’ex.cite ; il faut confeiller à ce?
malades de fe nlariêr ; ç’eft le feul moyen autdrife
par la religion, les lois 8c les moeurs, de rendre l’eX-
crétion dé femence légitime, mais ce n’eft pas le feul
qui la rende avantageufe ; le rnédecin eft cependant
obligé de s’y tenir & d’y facrifier fouvent la fanté dé