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les facremens , l’intention de faire ce que fait l'Egüfe.
On difpute beaucoup clans les écoles fur la nature
de cette intention , l'avoir fi elle doit être intérieure
& aéhielle , 'ou fi une intention habituelle, ou virtuelle
, ou extérieure, eft fufiifante pour la validité
du facrentent. Voyê[ INTENTION.
Les facremens confidérés en général fe divifent en
facremens des morts & facremens des vivans. On entend
par facremens des morts ceux qui font deftinés à
rendre la vie fpirituelle ou aux perlonnes qui ne l’ont
pas encore reçue, comme le baptême, ou à celles qui
l’ont perdue après en avoir été favorifés , comme la
pénitence. Par facremens des vivans , on entend ceux
qui font deftinés à fortifier les juftes &c à augmenter
eh eux la vie fpirituelle de la grâce ; tels que font la
confirmation, l’euchariftie, &c. On les divife encore
en facremens qui fe réitèrent, c’ eft-à-dire qu’on reçoit
plulieurs fois , comme la pénitence, Peucha-
riftie , l’eXtrème onérion, & le mariage ; & en facremens
qui ne fe réitèrent point, comme le baptême,
la confirmation & l’ordre. La raifon de cette différence
vient de ce que ces derniers impriment ca-
raélere. Voye^ C a r ac tère.
Les facremens de la nouvelle loi produifent la
grâce par eux-mêmes, o u , comme parlent les feho-
laftiques , ex opéré operato, c’eft-à-dire par la fimple
application du rit extérieur. Mais agiffent-i!s en cette
occafion comme caufe phyfique ou comme caufe
morale ? L’école eft partagée fur cette queftion ; les
Thomiftes foutenant que les facremens produifent
d’eux-mêmes la grâce par une influence réelle en
agiflànt immédiatement fur l’ame ; les Scotiftes au
contraire prétendant que l’application & l’admi-
niftration extérieure des facremens déterminent Dieu
à donner la grâce , parce qu’il s’eft engagé d’une maniéré
fixe &. invariable à l’accorder à ceux qui les
reçoivent dignement. Ce dernier fentiment paroît le
plus vraiffemblable , car il n’eft pas aifé de concevoir
comment les facremens qui font des êtres corporels
, peuvent immédiatement agir fur l’ame qui eft
une fubftance fpirituelle.
Quoiau’on convienne en général que Jefus-Chrift
a inftitue tous les facremens , parce que lui feul a pu
attacher à des chofes corporelles & fenfibles la vertu
de communiquer la grâce fanérifiante , il n’eft pas
également confiant s’il les a tous inftitués immédiatement
, c’eft-à dire par lui-même , ou médiatement,
c ’eft-à-dire par fes apôtres & par fon Eglife. Il n’y a
point de difficulté par rapport au baptême & à l’euchariftie.
Quant aux autres, le fentiment le plus fuivi
eft qu’il les a inftitués immédiatement, mais ce n’eft
pas un point de foi, puifque les Théologiens foutien-
nent librement le contraire.
Lesfacremens font néceffaires pour obtenir la jufti-
ification , mais non pas tous au meme degré. Les uns,
comme le baptême & la pénitence, font néceffaires
d’une nécefiité de moyen , c’eft-à-dire que fans le
baptême ou fon defir les enfans ni les adultes ne peuvent
être fauvés, non plus que les pécheurs ne peuvent
être juftifiés fans la penitence ou une contrition
parfaite qui en renferme le defir dans le cas de
■ nécefiité. Les autres font néceffaires de nécefiité de
précepte ; les négliger ou les méprifer, c’eft fe retrancher
volontairement à foi-même des fecours Tpi-
rituels que Jefus-Chrift n’a pas voulii préparer en
vain.
Enfin l’adminiftration des facremens fuppofe des
cérémonies ou effentielles ou accidentelles preferi-
tes par TEglife. Les premières qui intéreflent la validité
du facrement ne doivent être omifes en aucun
cas. Les autres peuvent être fupprimées dans le cas
de nécefiité. Voye\ CÉRÉMONIE.
Sacremens , \ ec^éjiafliq. ) les différentes
feétes des chrétiens ont beaucoup varié fur le nom-
SAC
bre des facremens ; & pour abréger ce fujet dont le
détail feroit très-étendu , je me contenterai de dire
que les Chrétiens de S. Thomas ne rec.onnoiflent que
troisfacremens , le baptême , l’ordre & l’euchariftie.
5. Bernard mettolt au nombre des facremens la cérémonie
de laver les piés qui fe pratique le jeudi-faint.
Damien établifloït douze facremens. Ifidore de Séville
ne compte pour facremens que le baptême, le chrême
6 . l’euchariftie. Les Arméniens en général ne mettent
point la confirmation & l’extrème-onérion entre
les facremens ; mais Vardanès, un de leurs docteurs,
établit fept facremens , favoir le baptême, la célébration
de la liturgie , la bénédiérion du myron, l’impo-
fition des mains , le mariage, l’huile dont on oint les
malades, & la cérémonie des funérailles. (D . J .)
SACRER, v. aéri ( Gram.) dédier à Dieu parle
facre ou par la confécration ; par le facre, fi c’eft une
perfonne ; par la confécration , fi c’eft une chofe.
yoyc^ Sacre & Co nsécr at ion. On facre les rois.
On facroit autrefois les pierres.
SACRIFICATEUR, f. m. ( Gram. ) celui qui fa-
cri fie à l’autel. Voye^ Sa crif ic e.
Sacrificateur , (üfr/?. des Juifs.') voye^ Prêtre
des Juifs. J’ajouterai feulement que par ces- mots,
fouverain facrijicateur pour toujours , I. Macchab. xiv.
2 1, les Juifs entendoient celui dont le facerdoce feroit
perpétué dans fes defeendans. (D. ƒ.)
SACRIFICE, f. f. ( Gram. ) culte qu’on rend à la
divinité par l’oblation de quelque viérime , ou par
quelqu’autre préfent.
Sa cr if ic e d’A b e l , ( Critique facrèe. ) plufieurs
leéleurs vontme demanderavec curiofité,que jeleur
dife dans cet article , en quoi confiftoit le facrifice
d'Abel, pourquoi l’être fuprème eut égard à fon offrande
, & non à celle de Ca ïn, qui cependant lui
préfentoit les prémices de fon travail & le fruit de
la fueur ; enfin comment Dieu fit connoitre que l’oblation
d’Abel lui étoit feule agréable. Je vais répondre
de mon mieux à ces trois queftions qui partagent
les interprètes de l’Ecriture, anciens & modernes.
L’auteur de la Genèfe, c. iv. v. 4. dit, fuivant nos
traduirions, qu 'Abel offrit des premiers nés de fon bétail,
6* de leur graiffe ; c’eft fur ce paflage que la plupart
des commentateurs, d’après les rabbins, croient
qu’Abel offrit à Dieu les premiers nés de fon troupeau
en holocaufte, & ils prétendent que cet ordre
de facrifice étoit le feul qui fut en ufage avant la loi ;
mais divers favans, au nombre defqucls eft l’illuftre
Grotius, font d’une autre opinion. Ils penfent qu’Abel
n’offrit que du lait, ou de la crème de fon bétail;
ils remarquent, pour appuyer leur fentiment, que
l’on n’offroit à Dieu que ce qui fervoit de nourriture
aux hommes ; & comme avant le déluge ils n’u-
foient point de viande, ils ne facrifioient aufli aucune
créature vivante.
Nos verfions difènt qu ’Abel offrit des premiers nés
de fa bergerie, G de leur graiffe. Grotius^c M. le Clerc
obfervent que par les premiers nés , il faut entendre
les meilleurs , .& que le terme “1Ï03 fignifie fouvent
tout ce qui excelle dans fon genre. Ils remarquent
encore que le mot khatab, que l’on a traduit par ce-,
lui de graiffe, fignifie aufli du lait, ou la graiffe dit
lait, c’eft-à-dire de la crème ; que c’eft ainfi que les
feptante l’ont fouvent rendu, & en particulier Genèfe
xviij. 8. où nos verfions portent du lait. Les anciens
égyptiens offroient aufli du lait à leurs dieux.
Diodore de Sicile rapporte que leshabitans de l’île
de Méroé avoient coutume de remplir tous les jours
trois cens foixante vaiffeaux de lait, en invoquant
les nom’s des divinités qu’ils adoroient.
Quant au défaut du facrifice de Caïn, Philon le
fait confifter en deux chofes: i°. qu’il ne l’offrit pas
affez promptement, mais /«ô’ «^tp'aç, après quelques
jours ; z°. qu’il n’offrit que des fruits de la terre, ôc
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üon les premiers nés de fon bétail. L’auteur facré de
l’épître aux Hébreux,c. xj.v. 4. dit b ien mieux, que
ce fut la foi d’Abel qui fit préférer fon facrifice à celui
de Caïn ; cette fo i, qui eft une fubfiftance, ou une
ferme attente, Cttostcktiç , des chofes qu’on efpere,
c ’eft-à-dire, la perfuafion que Dieu récompenfera
les gens de bien dans cette vie ou dans une autre.
Selon la plupart des commentateurs, Dieu fit def-
cendre le feu du ciel pour marquer que 1 & facrifice
d ’Abel lui étoit agréable ; mais il eft fort permis de
penfer différemment. On convient qu’il y a dans
l ’hiftoire fainte des exemples de facrifices confirmés
par un feu miraculeux ; mais lorfque cela eft arrivé,
l’Ecriture l’a dit en termes exprès; au lieu que dans
l’occafion dont il s’agit ic i, il n’eft point fait mention
d’un tel feu ; & nous ne devons pas fuppofer des miracles
fans nécefiité. D’ailleurs il y a tout lieu de
croire que l’impie Caïn fe’ feroit mis peu en peine que
fon facrifice fut confirmé par le feu ou non. Il eft donc
naturel de chercher quelqu’autre marque de l’approbation
de Dieu dont Caïn ait pu être touché , & qui
ait été capable d’exciter fon reffentiment contre fon
frere ; or voici l’idée ingénieufe d’un profeffeur de
Leyde fur cette troifieme queftion.
Il convient que Moïfe rapporte ( immédiatement
après avoir dit que Caïn & Abel offrirent des facrifices)
que Dieu eut égard à l’oblation d’Abel, & qu’il
n’eut point d’égard à celle de Caïn ; mais l’on ne doit
pas conclure de-là que les marques de l’approbation
divine fuivirent d’abord le facrifice. La maniéré dont
cette hiftoire nous eft rapportée, pous infinue qu’Abel
& Caïn vécurent plufieurs années , l’un comme
berger, & l’autre comme laboureur ; & . l’on peut
fuppofer, fans faire violence au texte, que lorfqu’ils
retirèrent quelque profit de leur travail, ils en offrirent
les fruits à D ieu, & qu’ils continuèrent pendant
plufieurs années. A b el, dit l’hiftorien facré, étoit
berger ; mais Caïn étoit laboureur , & il arriva au
bout de quelque tems, &c. Ces paroles , au bout de
quelque tems , en hébreu mikket£ jamin , lignifient
quelquefois au bout de quelques ou plufieurs années ,
comme on peut le voir Deut. c. xiv. v. 28. au bout
de trois ans , où le mot de trois détermine le nombre
des années ; mais comme il n’y a point de nombre
marqué dans le paflage en queftion, on pourroit le
traduire , au bout de quelques années.
En effet, il eft très-probable que ce ne fut qu’au
bout de quelques années qu’Abel connut qu’il étoit
agréable à D ieu , Sc Caïn qu’il ne l’étoit point. Le
premier profpéra , & vit foii troupeau augmenter :
Caïn au contraire s’apperçut qu’il ne fleurifibit point,
& que la terre ne lui fournifloit pas d’abondantes récoltes:
ce furent-là les voies par lefquelles Dieu fit
connoitre qùfil avoit agréé le facrifice d’Abel, & qu’il
n’avoit point eu égard à celui de Caïn ; & c ’eft ce
qui aigrit le jaloux“ Caïn contre fon frere. Voyant
que Dieu le Sénifibit beaucoup plus que lu i, il résolut
enfin de le tuer, & exécuta cet horrible deffein.
On fait dè quelle maniéré attendriflante & pathétique
l’auteur fpirituel du poërne de la mort d ’Abel a.
traite tout récemment ce fujet de notre religion.
Non-feulement c’eft un ouvrage neuf par fa ftruftu-
r e , fa forme & fon ton ; mais M. Geflner a encore
eu 1 art d’augmenter l’intérêt que nous prenons à cet
événement de l’hiftoire fainte, par la maniéré vive
& touchante dont il peint les diverfespaflions.de nos
premiers ayettx, & par les grâces & la vérité qu’il
met dans les tableaux, lorfqu’il décrit les moeurs
des premiers hommes qui ont habité la terre. A l’égard
du facrifice qu’Abel offrit à D ieu, il a cru devoir
preferer l’opinion d’une vièrime en holocaufte, au
fentiment de. G rotius, & voici comme il s’exprime
a ce fujet dans la traduérion foignée qu’en a faite M.
Jruber. C’eft un trop beau morceau pour n’en pas
«lecorer mon article. Lifez-le,
SAC 479
Le foleil ne donnant plus qu’une lumière adoucie,
dardoit encore fes derniers rayons à-travers le feuillage
, prêt à s’aller cacher derrière les montagnes ;
les fleurs diftribuoient leurs parfums fur les zéphirs,
comme pour les charger de les exhaler fur lui ; &
les oifeaux à l’envi lui donnoient l’agréable amufe-
ment de leurs concerts. Caïn & Abel arrivèrent fous
le feuillage, & virent avec une joie délicieufe leur
pere rendu à leurs yeux. Sa priere finifloit; il feleva,
& embrafla les larmes aux yeux , fa femme & fes
enfans ; après quoi il s’en retourna dans fa cabane.
Cependant Abel dit à Caïn.: mon cheç frere, quelles
aérions de grâces rendrons-nous au feigneur de ce
-qu’il a exaucé nos gémiflemens , & de ce qu’il nous
rend notre précieux pere? Je vais pour m oi, à cette
heure où la lune fe le v e , m’acheminer vers mon autel
, pour y offrir au feigneur en facrifice le plus jeune
de mes agneaux. Et to i, mon cher frere, es-tu dans
la même idée? Voudrois-tu aufli fur ton autel, faire-
un facrifice au feigneur ?
Caïn le regardant d’un oeil chagrin : oui , dit-il, je
vais aller à mon autel offrir en facrifice au feigneur ,
ce que la pauvreté des champs me donne. Abel lui
répondit gracieufement : mon frere, le feigneur ne
compte pour rien l’agneau qui brûle devant lui, ni
les fruits de la . campagne que la flamme confume ,
pourvu qu’une piété fans tache brûle dans le coeur
de celui qui donne l’un ou l’autre.
Caïn repartit : il eft v rai, le feu tombera tout d ’abord
du ciel pour confumer ton holocaufte; car c’eft
par toi que le feigneur a envoyé du fecours ; pour
moi il m’a dédaigné; mais je n’en irai pas moins lui
offrir mon facrifice.
Abel alors fe jetta tendrement au cou de Caïn, en
difant : ah , mon frere, mon cher frere, eft-ce que
tu te fais un nouveau fujet de chagrin de ce que le
feigneur s’eft fervi de moi pour porter du fecours à
mon pere ? S’il s’eft fervi de moi, c’eft une commifi*
fion dont il m’a chargé pour nous tous. O mon frere,
écarte, je t’en fupplie, ces facheufes idées ; le feigneur
qui lit dans nos âmes, fait bien y découvrir
les penfées injuftes & les murmures fourds. Aime-
moi , comme je t’aime. Vas offrir ton facrifice ; mais
ne permets pas que des difpofitions impures en fouillent
la fainteté; & compte qu’alors le feigneur recevra
favorablement tes louanges & tes aérions de grâces
, & qu’il te bénira du haut de fon thrône.
Caïn ne répondit point ; il prit le chemin de fes
champs, & Abel le regardant avec triftefîe, prit celui
de fes pâturages, chacun s’avançant vers fon autel.
Abel égorgea le plus jeune de fes agneaux, l’étendit
fur l’autel, le parfema de branches aromatiques
& de fleurs, & mit le feu à l’holocaufte ; puis
échauffé d’une piété fervente , il s’agenouilla devant
l’autel, & fit à Dieu les aérions de grâces & les louanges
les plus affeéhieufes. Pendant ce tems, la flamme
du facrifice s’élevoit en ondoyant à-travers les ombres
de la nuit ; le feigneur avoit défendu aux vents
de fouffler , parce que le facrifice lui étoit agréable.
De fon côté, Caïn mit des fruits de fes champs fur
fon facrifice, & fe profterna devant fon autel ; aufli-
tôt les buiffons s’agitèrent avec un bruit épouvantable
, un tourbillon diflîpa en mugiffant, le facrifice,
& couvrit le malheureux de flammes & de fumée. II
recula de l’autel en tremblant, & une voix terrible,
qui fortit de la nuée, lui dit : pourquoi trembles-tu,
& pourquoi la terreur eft-elle peinte fur ton vifage ?
Il en eft encore tems, corrige-toi, je te pardonnerai
ton péché ; finon ton péché &fon châtiment te pour-
fuivront jufque dans ta cabane. Pourquoi haïs-tu ton
frere ? il t’aime & t’honore. La voix le tu t , & Caïn
faifi de frayeur quitta ce lieu affreux pour lui, & s’en
i retourna ; le vent furieux chaffoit encore après lui la
fumée infeéle du facrifice ; fon coeur friffonnoit, Ô£
une fueur froide coula de fes membres.