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même inanimées, quand elles avoient ocqifionné la
mort d’un homme.
Dédale atteint & convaincu d’un crime fi énor-»
me, fut condamné par arrêt de l’Aréopage, à perdre
la vie. ,
Il fe déroba à la jiiftice, 6c fe tenant cache dans
une bourgade de l’Attique, de la tribu de Cecrops,
qui du nom de cet illuftre fugitif, fut appellée Déda-
lide ; mais ne s’y croyant pas en sûreté, il paffa en
Crete. La renommée avoit préparé les efprits en fa
faveur; on fut charmé de voir un homme d’un fi rare
mérite 6c Minos qui régnoit dans cette île, compta
bien mettre à profit les talens de cet habile artifte,
qui de fon côté répondit à l’attente qu’on avoit de
lui. Minos avoit deux filles, Phedre &: Ariadne ;
Dédale fit leurs ftatues en bois ; il fit auffi celle d’une
divinité qui étoit chere aux Crétois ; on la nommoit
dans la langue du pays Britomartis, comme qui di-
roit la douce vierge. Ce fiit encore en ce tems-là qu’il
fit pour Ariadne un bas-relief de marbre blanc, qui
repréfentoit ces danfes légères, 6c cette efpeee de
branle dont parle Homere dans le dix-huitieme livré
de l’Iliade. Jufque-là il n’avoit guere été que
ftatuaire , dans la fuite il fe montra grand architecte;
il fit'le labyrinthe du roi Mendès, ouvrage que Pline
appelle le plus étonnant qu’ait produit l’efprit humain.
Diodore parle des ouvrages que Dédale fit en
Sicile : il laiffa un fils que l’on appelloit Japy x , 6c
qui donna fon nom à une contrée d’Italie.
Aucun écrivain ne nous apprend en quel tems naquit
où mourut Dédale ; on peut cependant imaginer
qu’il finit fes jours en Egypte. Ce fentimént paroîf
appuyé fur ce que rapporte Diodore de Sicile, que
Dédale bâtit le veftibule de ce magnifique temple
que Vulcain avoit à Memphis; que l’on y plaça la
ftafue de cet artilfe faite de fa main propre , & que
dans Une île proche de cette grande ville, les Egyp- ■
tiens lui confacrerent un temple , où l’on lui rendoit
les honneurs divins. En un mot, l’Hifloire 6c la Fable
ont concouru à illuftrer également fon nom, qu’il
avoit tiré du mot grec S'cuVj.Mv , terme qui avant lui
fignifioit un morceau de bois poli' 6c artiftement
travaillé.
Au refte, il efl néceffaire d’obferver qu’il y à eu
trois Dédales, tous trois flatuaires ; le premier athénien,
dont il s’agit ici ; le fécond ficyonien, qui a enrichi
la Grece de bon nombre de fiatues ; & le ftoi-
fieme de Bithynie, dont parle Arien, & qui étoit
connu par une ffatue de Jupiter StratiuS, oü dieu des
arméés. Les Grecs ont fouvent confondu l’un avec
l’autre; SePaufanias lui-même efl quelquefois tombé
dans cette méprife. Pour n’y être pas trompé, on fe
fouviendra que l’ancien Dédale vivoit du tems d’Her-
cule, de Théfée, & d’OEdipe, trente ou quarante
ans avant la guerre de Troie.
Dèmocrite de Sycione étoit éleve de Critias athénien.
Pline , l. X X X I V . c .v iij. le nomme parmi les
IJatuaires qui excelloient à répréfenter les philofo-
phes. Il nous apprend encore qu’il y avoit à Rome
quantité de fculpteurs qui fe livroient à la feule occupation
de faire pour le public de ces fortes de portraits.
Les différentes feétes académiques formoient
des fuites nombreufes, & tel particulier vouloit les
avoir toutes. D’ailleurs comme les bibliothèques fe
multiplioient & fe décoroient de plus en plus , ces
bufles en devinrent un ornement néceffaire ; ainfi la
befogne ne manquoit pas aux ouvriers. Il efl vraif-
femblable que la plûpart de ces têtes étoient moulées
, 6c fe trouvoient exécutées en bronze.
Dïbutades, corinthien, paffe pour être le premier
qui inventa la plaftiquè , c’eft-à-dire qui trouva l’art
de former dès figures de bas-reliefs ou de ronde-
boffe avec de l’argile ; il étoit potier-de-terre à Corinthe.
Tout le monde fait que fa fille, éprife pour
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un jeune homme qui partôit pour un voyage , traça
fur le mur l’ombre que fon vifage formoit par l’op-
pofitiori d’une lampe. Le pere frappé de ce deffein :
luivit les contours 6c remplit avec de la ferre les intervalles
qu’ils occupoient ; enfuite il porta ce prétendii
bas-relief dans fon four avec fes autres ouvrages:
Cette ffatue fut mile & confervée dans le templè des
nymphes à; Corinthe, jiifqu’au tems où Mommius
détruifit cette ville. Voilà l’hiftoire que Pline, lib.
X X X V . cap. x ij. rapporte fur l’origine de la plaffi-
que , & il faut avouer qu’elle eft mêlée de vraiffem-
blance dans le détail, 6c d’agrément dans l’inven--
tion.
Diogene, athénien, décora le panthéon d’Agrip-
pa , & fit les caryatides qui fervoient de colonnes
àu temple, 6c qu’on mettoit au rang des- plus belles
chofes.
Dipcéne & Scyllis Pline allure qu’ils ont fleuri
versla 5oeolympiade, & qu’ils' fe rendirent extrêmement
célébrés par l’invention de fculpter le marbre
6c de lui donner le poli, primi omnium marmore fcal-
pendo inclaruere. On fait que la même dureté du. marbre'qui
conlerve le poli qu’il a une fois reçu, augmente
la difficulté de le tailler 6c de lui donner ce
poli. Les marbres infcrits des anciens monumens du
Péloponnèfe & de l’Attique étant taillés au marteau,
font âbfolument brutes ; 6c l’époque de cette importante
découverte de Part de tailler le marbre au ci-
feau, fcalpendo, fert à fixer le tems de ceux à qui
élle eft due.
Dipoe/ie & Scyllis avoient formé , félon Paufanias,
I I I . c. x x v . un grand nombre d’eleves dont les ouvrages
étoient extrêmement eftimés-. Tels étoient
Léarchus de Rhege, Théoclès de Laconie , Dorycli«-
d'a’s ,• fon frere Médon , & un grand nombre d’au-
trés;, fur-fout Teffius 6c Argelion , fculpteurs céle-:
bres parla ffatue de l’Apollon de Délos. Cette durée
de fculpteurs qui donne plus de cinquante ans à chu»'
curie des trois fucceffions de Callon, deTeéfius & de
Dipoene, prouve que Pline a peut-être fait ce der--
nier' trop ancien , 6c qu’il doit être poftérieur à la
ÿoe olympiade. Quoi qu’il en foit, Dipoene & Scyllis
étoient originaires de Crete , 6c fortis de l’école de
Sculpture fondée dans cette île par l’athénien Dédale.
Enddèus, athénien , contemporain de Dédale, 8c
qui le fuivit en Crete ; fa Minerve aflxfe fé voyoit
dans la citadelle d’Athènes; elle étoit de bois, tenoit
une quenouille des deux mains , & avoit fur la tête
une couronne furmontée de l’étoile polaire* On
voyoit à Rome dans le forum d’Augufte une autre
ffatue de Minerve d’ivoire de la main du même En-
do eus.
EuphranoTy de l’ifthme de Corinthe, contemporain
de Praxitèle, fleuriffoit dans la civ. olympiade, environ
390 de Rome. Pline parle de cet artifte avec
de grands éloges , 6c décrit fes ouvrages. Il fit une
ffatue dxvbon Succès, qui d’une main tenoit une pa-
tere pour marque de fa divinité, 6c de l’autre un
épi de blé avec un pavot : hujus efl fimulacrum ( boni
Ei/entus) dextrâpateram, finifirâ fpicam , ac papaver
tenens. Cette ffatue ÜEuphranor a fervi de modèle
aux images qui en ont été repréfentées fur les médailles
impériales, greques 6c latines. En effet, fur
celles du haut empire juqu’à Gallien, defquelles on
a connoiffance, ce dieu fous le titre de bonus Even-
tu s , bono Eveniui, Eventus Augufli^ y eft figuré de
la même maniéré & avec les mêmes attributs que la
ffatue faite de la main d’Euphranor, c’eft-à-dire nue,
proche d’un autel1 tenant d’une main une patere ,
6c de l’autre des épis 6c des pavots. Quelquefois
avec très-peu de différence , comme une corbeille
de fruits, au lieu de la patere, ou une branche d’arbre
garnie de fruits , de la maniéré qu’on le voit fur
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les médaillés d’argent de Pcfêennius Niger 6c dé Jii-
lia Donma > rapportées par M. Patin.
Mais le chef-d’oeuvre à’Éuphranor étoit fa ffatue
de Paris. Il indiqua, dit Pline , par fon ouvrage, le
juge des déeffes, l’amant d’Hélehe 6c le vainqueur
d’Achille. Que de beautés dahs cet éloge ! Et que
l’idée feule de caraftérifer cés trois chofes étoit agréable
de la part de l’artifte ! 'je dis l’idée , car taiit de
différentes expreflions étoient imp'cffîbles à exécuter
à la lettre , mais c’eft beaucoup que de les faire
penfer.
Au refte, Èuph'rànôr n’eXcëlloit pas moins eh Peinture
qu’en Sculpture, 6c nous n’avons pas oublié
fon nom dans la lifte des peintres célébrés de l’antiquité.
Euthychide, ficyonien , de l’école dèLyfippe , fit
pour Denis , tyran de Syracufe , la ffatue deTimof-
thène athlete , qui remporta le prix du ftade aux
jeux olympiqüés. C’eft ce même Euthychide, dit Pau-
Jànias, qui a fait pour les Syriens d’Antioche cette
ffatue de la Fortune, qui eft en fi grande véhératioil
parmi les peuples. Mais le chef-d’oeuvre de-Cet artifte
eft la ffatue du fleuve Eurotas, qu’il exécuta en
bronze d’une maniéré fi parfaite , que le travail, dit
Pline, étoit encore plus coulant que les eaux de Ce
fleuve ; c’eft un bel éloge du deffein, de la compo-
fition 6c de l’exécution, fur-tout quând il s’agit de
repréfenter un fleuve.; c’eft d’ailleurs tout cè qu’on
peut demander à l’art que de trouver dans là nature
des chofes qui répondent à celles que l’imagination
a créées. On dit aujourd’hui un deffein Coulant, 6c
on le dit encore avec plus de grâce, quand il eft pla*
cé dans les figures auxquelles il convient par leur
effence.
• Euthycraie, hatxf de Sycione , fils & difciple de
Lyfippe, imita fon perè dans l’exa&e obfervation
des réglés de la Sculpture, 6c aima mieux, félon
Pline, s’attacher fcrupuleufement à la correftioü,
qu’aux agrémeïis & à l’élégance. Il tailla pour la ville
de Delphes deux fuperbes ftatues , l’une d’Herciîle
3c l’autre d’Alexandre. On vantoit encore firtgulie-
rement fa grande chaffe des Thefpis 6c des Thefpia-
des. Il fit plufieurs figitres de Médée dans fon char à
quatre chevaux; plufieurs repréfentations de meutes
de chiens, 6c un grouppe d’un combat à cheval au’on
mit à l’entrée de l’antre où fe rendoient les oracles
de Trophonius.
Léockarès, contemporain 6c rival de Scopas, vivoit
dans la c. olympiade ; il fut un des quatre excellens
fculpteurs qui travaillèrent à. ce fuperbe tombeau de
Maufole , x-oi de Carie, que l’on a regardé comme
une des fept merveilles du monde. On admiroit encore
au Pirée deux de fes ftatues, une de Jupiter, 6c
une autre qui repréfentoit le peuple d’Athènes*
Mais admirez comme Pline parle d’un autre ouvrage
de Léocharès : cet artifte, dit-il, exécuta un
aigle enlevant Ganimede, fentant le mérite du poids
dont il eft chargé , 6c la grandeur de celui auquel il
le porte , craignant de bleflèr avec fes ongles les habits
même du jeune phrygien.
Cette compofition ne paroît pas feulement pofli-
ble 6c fxmple, mais charmante à M. le comte deCay-
lus, qui déplus ne doute point que l’exécution n’âit
répondu parfaitement à la beauté de l’idée, 6c je
trouve encore » continue-t-il, que dans la deferip-
tion du fleuve Eurotas repréfentée par Eutychides,
dans celle de Gany mede, Pline a peint les déiicateffes
de l’art 6c celles de l’efprit.
Léontius fit un ouvrage à Syracufe qui repréfert-
toit un homme boitant par les fouffrances que lui
caufoit un ulcéré ; fur quoi Pline, /. X X X IV . c. vïtj.
dit; Syracujis autem claudicantem , cujus ulccris dolo-
rem Jentire eiiam Jpeclantes videntur ; ce récit prouve
au-moins que l’ouvrage de Léontius ne laifloit rien à
Tome X IV ,
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deürèr pour l’expreffxon. Quelqu’un trouvera peut-
être la métaphore de Pl.inè un péû forte : mais les
amateurs-des arts ont des façons de parler vives en-
thoufxaftcs, ôcqui ne fervent que xriieux à peindre lé
fentiment.
L y f ià s fît vin char à quatre chévaiix, dans lequel
Apollon 6c Diane étoiént placés, 6c ce bel ouvrage
etôit d’un feiil bloc. Augiifte le mit fur l’arc qu’il eoxj-
fixera à la mémoire de fon pere, & le renferma dans
un petit temple environné de colonnes. C’eft Pliné
qui fait ce î^cit. L’arc dont il parle comme d’une
nouvelle invention pour porter des ftatues, étoit apparemment
d’uhe médiocre grandeur, & fe réduifoit
ï un grand focle ou piédeftal chargé de la figure du
mo'niunexit. Ce corps fôlide devoit cependant avoir
une certaine hauteur, pour indiquer une plus grande
idée de magnificence qxie des colonnes 6c des pié-
dellaui ordinaires , d’autant même que ces corps
étoient encore plusfufceptibles de tous les bas-reliefs
dortt on vouloit les eni-ichir.
Lyfippe fixatif de Sycione & contemporain d’Alef
xandre ; c*ét0it à lui 6c àApelle feulement qu’il étoit
permis de repréfenter de conquérant. Lyfippe fitplu-
lieurs ftatues de ce prince, fuivant fes diffërens âgesi
L’emperélir Néron pofféda la plus précieufe ; mais
comme elle xi’étoit que de bronze, il crut que l’or
en l’enrichiffant la rendroit plus belle ; il arriva tout
au contraire , que la iiouvelle parure gâta la ffatue,
6c qu’on flit forcé d’enlever l’or, ce qui dégrada
beaucoup cette antique par les taches & les cicatrices
qui y refterent.
Lyfippe travailloit avec autant de génie que de facilite.
Une imitation trop fervile de la nature étant
un défaut plutôt qu’une beauté , il favoit iui donner
plus exe grâces 6c d’agrémens qu’elle n’a coutume
d’eh avoir. Ce célébré artifte ,avoit repréfenté un
homme fortant du bain , morcéau précieux qui fai-
foitun des plus grands ôrnemens des thermes d’A-
gripjJa. Tibere fît enlever cette piece admirable pour
en embellir fon palais ; mais le peuplé ne put s’accoutumer
à ne pliiS voir ce chef-d’oeuvre de l’art, 6c
força l’exüpei'euf de lè reftituer.
Dtiris rapporte que Lyfippe , ce font les paroles:
de Pline, n’a point eu de maître ; Tullius apparemment
Cicéron, foutient qix’il en à eu un, mais que
dans les Commenceineiis qu’il étiidiôit fon art, la ré->
ponfe dii peintre Eiipompus liii donna un excellent
précepte ; Car lui ayant demandé quel étoit celui des
anciens dont il lui confeilloit de fuivre la maniéré
il lui montra une multitude d’hommes , 6c lui indiqua
par-là qu’il ne falloit fuivre que la nature. Toutes
les parties dé l’efprit ont autant befoin que les arts
de cette grande vérité, & tous ceux qui n’ont pas eu'’
la nature en vue n’ont préfenté que de faux brillans,
6c leurs fùccès n’ont jamais été que paffagers.
Après la lifte d*une partie des grands 6c des beaux
ouvrages de L y f i p p e , Pline finit par dire : il a beaucoup
embelli l’art ftatuaire par la façon légère dont
il a traite les cheveux f par là diminution des têtes
que les anciens tenoient fortes, 6c par les corps traités
plus légers 6c plus fveltes pour faire paroître fes
ftatues plus grandes.
Mais ce qui femble fort étonnant eft la quantité
d’ouvrages que Lyfippe exécutai II fit fxx cens dix
xnorceaux de fculpturé , qui tous auroient rendu célébré
l’artifte qui n’en auroit fait qu’un feul, ajoute
Pline, l. X X X I V . c. vij. tantes dmnia artis , ut clari-
tatern poffeni date vel fingula.
Il fut aifé de favoir leur nombre, car il avait coit<
turne de mettre à part Un denier d’or, quand il avoit
produit un nouvel ouvrage , 6c fon héritier en fif-
le calcul après fa mort ; cependant ce fait mérite
d'être expliqué ; voici donc ce qu’en penfe M. de ,
CayluSi
L L 111 ij