tains, comme dans la plupart des glandes, elle répond
très-peu aux irritations méchaniques, & dans
certains autres elle s’y trouve concentrée dans un
point qui peut paffer pour mathématique , ou elle y
eft dans un degré de décroiffement auquel l’induftrie
humaine ne fauroit jamais proportionner la ténuité
ou la fineffe des agens. Ainli il ne faudroit pas, de ce
qu’une partie piquée , déchirée ou brûlee dans un
animal vivant ne produit aux fens que quelques mou-
vemens fans douleur , en conclure que cette partie
n’eft point fenlibie ; voyeç la thcfe de M. François
de Bordeu, de fenfibilitate & contraclilitate &c. Le
grand Harvée qui avoit fait fu.r les animaux un
grand nombre d’expériences, avoit reconnu cette
vérité. 11 dit exprelfément : quidquid enim contra
irritamenta & molejlia motibus fuis diverjis nititur ,
id fenfu proeditum fît neceffe ejt ; & peu après : quidquid
enim fenjus plané expers ejl, non videtur ullo modo
irritari, aut ad moturn aclionefque cliquas cdendas,
excitari poffe videtur. Exercitatio 6 j . pug. 2.6^. &
z 6 o . Il eft sûr néanmoins que certaines parties pa-
roiffent n’avoir prefque point de fentiment en com-
paraifon des grands mouvemens qu’ elles exercent
naturellement, ou qu’elles font capables d’exercer :
mais qu’en conclure , finon que les effets font dans
ces cas plus grands que les caufes ? Vous pourriez
avec la pointe d’une épingle jetter un animal dans les
convulfions. C’eft aum fur la confédération très-réfléchie
de ces variétés, que M. de Bordeu a donné dans
une thèfe , cette belle divilion des fondions de l’individu
, en celles quife font avec un mouvement ma-
nifefte & un fentiment obfcur, occulto , comme la
circulation & la refpiration , & en celles qui fe font
avec un mouvement obfcur & un fentiment manifef-
t e , telles que celles des fens, foit externes , foit internes.
Après cette digreffion que nous avons cru nécef-
faire pour l’intelligence du fyftème de M. de Bordeu,
nous allons paffer tout de fuite au méchanifme des
fecrétions & des excrétions.
Nous commencerons, en fuivant le plan de l’auteur
, par l’excrétion , comme paroiffant plus du ref-
fort de l’Anatomie , & dont les auteurs n’ont parlé
que très - fuccintement. Tous les Phyfiologiftes
avoient cru & enfeigné jufqu’ici que les organes fe-
Crétoires fe vuidoient à proportion qu’ils étoient comprimés
, c’eft-à-dire que l’excrétion étoit l’effet de la
compreffion. Il eft vrai que quelques auteurs avoient
parlé de l’irritation , mais d’une maniéré vague ; ils
ne la regardoient même que comme une caufe fubfi-
diaire.Enfin M.de Bordeu démontre par des expériences
& des différions très-curieufes , que la plupart
des glandes font fituées de maniéré à ne pouvoir être
comprimées dans aucun cas par les parties environnantes
; on fent en effet quels inconvéniens réfulte-
roient de cette compreffion, dont l’endurciffement
& le rappetiffement des glandes feroient le moindre.
La glande parotide r qu’on allégué comme l’exemple
& la preuve la plus fenlibie de cette compreffion, eft
à l’abri de tous les agens à l’adion defquels on veut
qu’elle foit expofée. Une légère infpedion anatomique
des parties en dit plus que tous les raifonnemens;
nous remarquerons feulement que l’efpace entre l’angle
de la mâchoire & l’éminence maftoïde dans lequel
eft logée une grande partie de la glande , augmente
par l’abaiffement de la mâchoire , ainfi qu’un
célébré anatomifte l’a démontré dans les mémoires de
l’académie des Sciences , & qu’on peut l’éprouver
fur foi-même ; à l’égard des mufcles, il n’y a que le
maffeter qui mérite quelque attention, non point
par rapport à la glande qui ne porte pas fur ce mufcle
autant qu’on pourroit le croire, mais par rapport au
conduit de Stenon qui rampe deffus. Enfin la peau
qu’on renforcera, fi l’on veut-, de quelques fibres du
mufcle peaucier, eft toujours au même point de
laxité dans les divers mouvemens delà mâchoire. Les
expériences qu’on a faites fur les cadavres pouvant
ne pas paroître fuffifantes, en voici fur le vivant.
« Un homme avoit fur la peau qui recouvre la pa-
» rotide , une tumeur qui la tendoit extrêmement,
» & qui comprimoit certainement la glande ; cepen-
» dant il avoit la bouchefeche du côte de la tumeur:
» pourquoi, fi la compreffion favorifoit l’excrétion ?
» On pria un malade qui falivoit d’appuyer fa tête
» fur fa main , après avoir placé fon coude fur une
» table ; la main portoit fur le corps de la parotide, &
» nous l’avions placé de façon que le conduit ne fut
» pas comprimé ; la falive, loin de fortir avec plus
» de force, étoit retenue ».
Parcourez les autres organes fecrétoires l’un après
l’autre, par-tout vous reconnoîtrez l’impoffibilité de
cette adion méchanique fur eux, il n’y a guere que les
amygdales &quelqu’autres glandes fimples qui foient
dans le cas d’exception, c’eft-à-dire qui demandent
à être plus ou moins comprimées, toutes ces différences
font renfermées dans une divifion des excrétions
en actives) en pajfivcs &en mixtes , imitée de Stahl.
Quelle eft donc la caufe de l’excrétion ? C’eft la
vie de l’organe, dont nous parlions plus haut, fa
fenfibilité par la préfence des nerfs,fon adion propre
que certaines circonftances augmentent, comme les
irritations , les fecouffes & les difpofitions des vaif-
feaux : « ces circonftances ou ces changemens pa-
» roiffent les uns mieux que les autres dans certains
» organes , mais ils font néceffaires pour l’excrétion
» qui dépend principalement d’une efpeccdeconvul-
» non, d’état fpafmodique , que nous appellerons
» érection ». Par ce dernier terme métaphorique il
faut entendre la difpofition d’un organe qui s’apprête
à faire l’éredion, une forte de bourfouflement fin-
gulier, ou un. furcroit de force qui arrive à l’organe;
tel eft le fpafme des parties qui concourent à l’excrétion
de la femence. Cette expreffion après tout ne
doit pas paroître fi étrange ; n’a-t-on pas dit que les
trompes de Fallope fe roidiffoient, s'érigeaient pour
empoigner l’oeuf au fortir des ovaires ? Kufner a vu
les papilles nerveufes de la langue s'ériger dans la
guftation ; M érection eft donc la difpofition préparatoire
à l’excrétion d’une glande, c ’eft l’inftant de fon
reveil ; les nerfs étant comme engourdis dans un organe
relâché, ont befoin d’une nouvelle force qui les
excite ; l’organe vit toujours fans doute, mais il lui
faut cette augmentation de vie pour le difpofer à une
fondion. « Ainfi un homme qui fort d’un profond
» fommeil a les yeux ouverts pendant un certain
» tems , & ne voit pas les objets diftindement, à-
» moins que les rayons de lumière n’ayent excité ,
» pour ainfi dire, & reveillé fa rétine. On peut aifé-
» ment appliquer à l’oreille ce que nous difons de
» l’oeil.
» On fent même que dans ce qui regarde le tad,'
» l’organe eft d’abord excité par la folidité en général,
» avant qu’il puiffe diftinguer tel ou tel objet.
» Il y a dans chaque fenfation particulière une ef-
» pece de fenfation générale, qui eft , pour ainfi par-
» 1er , une bafe fur laquelle les autres fenfations s’é-
» tabliffent ».
Les changemens qui arrivent à la glande fe communiquent
encore au conduit fecrétoire , il s’érige h
fon tour, de tortueux ou de flaftjue qu’il étoit, il devient
un canal droit ou roide , il i e redreffe fur lui-
même ens’épanouiffant ou élargiffant fes parois pour
faciliter la fortie des humeurs ; il en eft de même que
des conduits ladiferes qui fe redreffent quelquefois
d’eux-mêmes en lançant de petits jets de lait au moindre
fpafme procuré aux mamelles par quelques légers
chatouillemens , ou par un fentiment voluptueux.
Il faut donc croire que l’irritation, les fecouffes
contribuent
contribuent à augmenter dans l’organe cette vie qui
les rend propres à l’excrétion. Un corps folide appliqué
fur la langue, mâché ou roulé dans la bouche,
produira fans doute par les mêmes moyens l’écoulement
de la falive ; dans la luxation de la mâchoire il
en coulera beaucoup encore ; mais dans tout cela on
ne voit pas la moindre trace de compreffion ; c’ eft
toujours à l’adivité de l’organe , à fa fenfibilité qu’il
faut s’en tenir comme à la caufe première ou dominante
; & on ne voit pas comment le célébré M. de
Haller a pu reconnoître dans quelques-uns de ces
moyens fubfidiaires de quoi infirmer des principes
auffi folidement établis.
Ce que nous venons de rapporter de l’excrétion a
dû prévenir fur ce que nous avons à dire touchant le
mechanifme de la fecrétion. Cette fondion eft encore
l’ouvrage des nerfs, o u , pour mieux dire, de la fenfibilité
; on a même fur cette opinion l’affertion de
quelques auteurs d’un grand nom. La quantité des
nerfs qui fe cliftribuent à tout le corps glanduleux a
furpris les Phyfiologiftes & les Anatomiftes. L’ex-
clufion qu’on veut donner à la thyroïde & au thymus,
formeroit-elle une fi forte préfomption contre ce fyf-
îème } On avoue ,, &: c’eft toujours beaucoup , que
quelques nerfs fe répandent fur la thyroïde ; on peut
donc croire;, jufqu’à ce qu’on ait démontré le contraire
, qu’il s’en échappe quelques filets imperceptibles
dans la fubftance de la glande, qui fuffifènt pour
la vie & l’adion de l’organe ; car après tout, cette
glande vit comme les autres. Au furplus , a-t-on bien
examiné s’il ne rampe pas encore quelques fibrilles
nerveufes dans le tiflii même des'vaiffeaux ? Cette
derniere raifon , nous pourrions l’alléguer à l’égard
du thymus;cette maffe glanduleufe, indépendamment
de fon artere, reçoit des rameaux de la mammaire
interne & de I’intercoftale fupérieure , elle eft appuyée
fur les gros vaiffeaux de la poitrine ; voilà qui
pourroit fuffire dans le foetus; mais d’ailleurs c’eft un
organe delà claffe despaffifs, il fe flétrit & s’exténue
tous les jours, & la nature femble fe refufer à fa
nourriture dans l’adulte.
Cette mobilité., cette adion de la part de chaque
organe fe manifeftent aifément par l’hiftoire des maladies
qui fervent à merveille à découvrir ce oue l’état
de fanté ne fait point appercevoir par l’habitude
des différentes façons d’être que les parties prennent
cntr’elles dans l’état de fanté ; les modifications qu’elles
impriment au pouls dans tous les tems d’irritation
ou de crile les rendent enfin de la derniere évidence.
Voye{ P o u l s .
, C’eft donc toujours une éredion, un apprêt de la
part de la glande dans la Jecrétioji comme dans l’ex-
cretion ; les nerfs reveillés , irrités la redreffent, &
par l’orgafme qu’ils occafionnentà fes vaiffeaux, en
font comme un centre particulier qui attire à lui une
plus grande quantité d’humeurs. Tel eft l’effet d’une
ventoufe. Si cet état d'irritation ou de fpafme étoit
pouffe trop loin , il diminueroit les fecrétions en ré-
treciffant les vaiffeaux, comme cela arrive dans plu-
fieurs cas. En argumentant de ce rapt us des humeurs
vers un organe aduellement en fondion , on voit
qu’on ne fauroit concevoir le féjour des humeurs
dans la plupart des glandes, telquefelerepréfentent
les Phyfiologiftes ; & l’on eft porté à croire que la
fecretion & l’excretion doivent, dans beaucoup de
circonftances , n’être qu’une feulé & même fondion.
Il n’y a qu’à jetter les yeux fur la parotide qui ne
fournit jamais plus defaiive que lorlqu’elle eft plus
agacee ou irritée. On a vu mouiller de cette falive
jufqu’à trois ferviettes dans un repas. On ne fauroit
fuppofer que ces excrétions exceffives ne foient que
les refultats de plufieur s fecrétions accumulées. Il eft
tout fimple , par ce qxie nous avons dit, que tout or-
gane irrite fait corps a part, qu’il fe fatisfa.it, pour
j ainfi parler, aux dépens dès autres; il y aborde une
plus grande quantité de fang qu’à l’ordinaire , donc
U fecretion en doit être augmentée ; ce font Comme
plufieurs fecrétions & excrétions ajoutées coup-fur-
coup les unes aux autres dans le même organe. C ’eft
encore ici le cas de fe fervir de la divifion en actives
& en pajjives ; dans la fecrétion active l’organe rejette
autant d’humeur qu’il en reçoit ; dans la pàffive cette
humeur s’accumule dans le follicule, & attend pour
en fortir des circonftances qui mettent l’organe en
jeu.
Nous voici enfin arrivés à la principale difficulté '
qui confifte à favoir pourquoi la même glande féparé
conltamment la même humeur. Cette explication fe
déduit du même principe , c’eft-à-dire delà fenfibi-
lite , mais de la fenfibilité fpécifique dans chaque organe
; cette fenfibilité fpécifique opéré une efpecede
choix. « Les parties propres à exciter telle fenfation
» paileront, & les autres feront rejettées ; chaque
»/ glande , chaque orifice aura , pour ainfi dire fon
I « goût particulier ; tout c i qu’il y aura d’étranger
w iera réjette pour l’iérdinaire,
» La teniiisjf qité «cft&ëuilleméBs & les Petites
» îrntaftoiûstproportiliinnées atrton du nerf proctire-
v ront fera Ydficrécion ; le fphinéter de chaque Orifice
» dirige par des nerfs, pour ainfi parler , attentifs Sc
» înferifiBlés âitout cé <Jui ne les regarde point ne
» laiffeKi‘paffer que £é: qui àtira donné tïéjfcnnes
» preuves ; fiait fera arrêté , le Bon f e a pris & le
» mauvais fera renvoyé ailleurs ». ’
Ce goût, cet appétit des organes étoit connu des
anciens , comme nous l’avons déjà obfervë ; cette
théorie eft également adoptée par un iliuftre écrivain
dans fon efj'aiphyfique fur l'économit animale. En
effet, chaque partie a fon fentiment, fpn goût qui lui
eft propre , de même que fes averfions : l’émétique'
qui ne fe fait prefque pas fentir fur les y e u x , caufe
des fenfations très-defagréables , des irritations extraordinaire*
à l’eftomac , qui s’efforce fans perte de
tems à le rejetter, tandis qu’il retient , il attire il
fouhaite, pour ainfi dire, des alimens & même des
medicamens analogues à fa fenfibilité : l’huile oue
les yeux ne peuvent fupporter, ne fait rien fur l’eftomac
; le chyle eft comme fucé par les vaiffeaux lactés
, de forte que fon paffage dans ces vaiffeaux eft
une véritable image dé la fecrétion , & peut-être eft-
ce réellement-là une fecrétion. Qu’on n’exige pas autrement
de nous une analyfe de cette fenfibilité, de
ce goût dans les ofganes, nous croyons que c’eft une
chofe inexplicable, & nous nous défions avec un
ancien (Dioelès), de ceux qui prétendent tout expliquer
; les phénomènes font vrais , & cela nous
fuffit.
Les glandes , avons-nous d i t , agiffent pour faire
leur excrétion, mais il eft des tems oii elles n’agif-
fent point, leur a&ion eft comme périodique. Quelques
organes attendent encore pour devenir fecrêtoi-
res, c’eft-à-dire pour travailler à la fecrétion, des tems
marqués par la nature.
L es fecrétions & les excrétions peuvent être plus ou
moins augmentées ou diminuées par l’effet des paf-
fions ; ilii’y a ou’à voir ce qui fe paffe chez les mélancoliques.
Elles font fufpendues par le fommeil
par l’a&ion de l’opium, &c. On en fufpendcertaines
en agiffant fur les nerfs des parties éloignées de celles
dont on veut diminuer l’a&ion j mais c’eft fur-tout
par la fievre que ces fondions font arrêtées : il eft même
des maladies terribles produites par ce dérangement
: de forte que rétablir ou renouveler ces fonctions
, c’eft-là proprement que confifte l’art de guérir.
Il arrive encore des anomalies, des bizarreries même
dans les fecrétions , comme par exemple , le paffage
de l’urine dans les glandes de l’eftomac & de la
bouche ; il eft vraiffemblable que ces états contre na-
S S s s s