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POSITION, rem. S') ; la multitude des hommes fembla-
bles à nous, c’eft le complément de la prépofition avec ;
avec la multitude des hommes femblables à nous , c’eft
celui de l'infinitif vivre ; vivre avec la multitude des
hommes femblables à nous , eft la totalité du complé- \
ment de la prépofition à; à vivre avec la multitude des
hommes femblables à nous , c’eft le complément total
d’un nom appellatif fous-entendu, qui doit exprimer
l’objet du verbe avons , par exemple, obligation ;
ainfi obligation à vivre avec la multitude des hommes
femblables à nous., eft le complément total du verbe
avons : ce verbe avec la totalité de l'on complément eft
l’attribut total dont le fujet eft nous.
Il fuit de cette .obfervation, qu’il peut y avoir
complément incomplexe , & complément complexe.
Le complément eft incomplexe, quand il eft exprimé
par un feul m ot, qui eft ou un nom, ou un pronom,
ou un adjeCtif, ôu un infinitif, ou un adverbe; comme
avec foin y pour nous, raifon favorable, fans repondre
, vivre honnêtement. Le complément eft complexe ,
.quand il eft exprimé par plulieurs mots, dont le premier
, félon l’ordre analytique, modifie immédiatement
le mot antécédent, & eft lui-même modifié par
le fuivant ; comme avec le foin requis ; pour nous tous ;
raifon favorable à ma caufe ; fans répondre un mot;
vivre fort honnêtement.
Dans le complément complexe, il faut diftinguer
le mot qui y elt le premier félon l’ordre analytique,
&c la totalité des mots qui font la complexité. Si le
premier mot eft un adjeCtif., ou un nom, ou l’équivalent
d’un nom, on peut le regarder comme le
complément grammatical ; parce que c’eft le feul qui
foit alfujetti par les lois de la fyntaxe des langues qui
admettent la déclinaifon, à prendre telle ou telle
forme , en qualité de complément : fi le premier mot
eft au contraire un adverbe ou une prépofition, comme
ces mots font indéclinables & ne changent pas
de forme, on regardera feulement le premier mot
comme complément initial, félon que le premier mot
eft un complément grammatical ou initial ; le tout
prend le nom de complément logique, ou de complément
total.
Par exemple, dans cette phrafe, avec les foins requis
dans les circonjlances de cette nature ; le mot nature
eft le complément grammatical de la prépofition
de : cette nature en eft le complément logique : la prépofition
de eft le complément initial du nom appellatif
les circonjlances ; & de cette nature en eft le complément
total : les circonjlances, voilà le complément grammatical
de la prépofition dans ; & les circonjlances de
cette nature en eft le complément logique : dans eft le
complément initial du participe requis ; & dans les circonjlances
de cette nature en eft le complément total : le
participe, requis eft le complément grammatical du
nom appellatif les foins ; requis dans les circonjlances
de cette nature, en eft le complément logique : les foins,
c’eft le complément grammatical de la prépofition
avec ; & les foins requis dans les circonjlances de cette
nature, en eft le complément logique.
Ceux qui fe contentent d’envifager les chofes fu-
perficiellement, feront choqués de ce détail qui leur
paroîtra minutieux : mais mon expérience me met
en état d’alfurer qu’il eft d’une nécelïité indifpenfa-
ble pour tous les maîtres qui veulent conduire leurs
éleves par des voies lumineufes, & principalement
pour ceux qui adopteroient la méthode d’introdu-
étion aux langues, que j’ai propofée au mot Méthod
e. Si l’on veut examiner l'analyfe que j’y ai faite
d’une phrafe de Cicéron, on y verra qu’il eft nécef-
faire non-feulement d’établir les diftinétions que l’on
a vues jufqu’ic i, mais encore de caraêtérifer, par
des dénominations différentes, les différentes efpe-
ces de complément qui peuvent tomber fur un même
mot.
Un même mot, & fpécialement le v erb e, peut
admettre autant de complémens différens, qu’il peut
y avoir de maniérés polîibles de déterminer la figni-
fication du mot. Rien de plus propre à mettre en
abrégé, fous les yeu x, toutes ces diverfes maniérés,
que le vers technique dont fe fervent les rhéteurs
pour carattérifer les différentes circonftances d’un
fait.Q
uis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo ,'
quando.
Le premier mot quis, eft le feul qui ne marquera
aucun complément, parce qu’il indique au contraire
le fujet ; mais tous les autres défignent autant de complémens
différens.
Quid, défigne le complément qui exprime l’objet
fur lequel tombe directement le rapport énoncé par
le mot complété : tel eft le compliment de toute prépofition
, à moi, che£ nous , envers Dieu , contre La loi,
pour dire, & c. T el eft encore le complément immédiat
de tout verbe aftif relatif, aimer la vertu, dejirer les
richejj'es , bâtir une maifon, teindre une étoffe , &c.
Le rapport énoncé par plulieurs verbes relatifs exige
fouvent deux termes, comme donner un livre au
public; ces deux complémens font également directs
& néceffaires, & il faut les diftinguer : celui qui eft
immédiat & fans prépofition, peut s’appeller complément
objectif, comme un livre : celui qui eft amené
par une prépofition, c’eft le complément relatif, comme
au public.
Ubi défigne le complément qui exprime une circon-
ftânce de lieu : mais ce feul mot ubi, repréfente ici
les quatre mots dont on 1e fert communément pour
indiquer ce qu’on nomme les quejlions de lieu , ubi,
unde, quà, qub ; ce qui défigne quatre fortes de complémens
circonjlanciels de lieu. Le premier eft le complément
circonftanciel du lieu de la fcene, c’eft-à-dire,
oii l’événement fe paffe ; comme vivre à Paris, être
au lit, & c . Le fécond eft le complément circonftanciel
du lieu de départ, comme venir de Rome, partir
de fa province, & c . Le troifieme eft le complément circonftanciel
du lieu de pajfage , comme pajjer par la
Champagne, aller en Italie par mer, &c. Le quatrième
eft le. complément circonftanciel du lieu de tendance ,
comme aller en Afrique,pafjer de Flandre en A l face, & c .
Quibus auxiliis ; ces mots défignent le complément
qui exprime l’inftrument & les moyens de l’aâion
énoncée, par le mot complété; comme fe conduire
avec ajfe[ de précaution pour ne pas échouer ; frapper
du bâton , de l'épée , obtenir un emploi par la protection
d'un grand, &c. On peut appeller ceci le complément
auxiliaire. On peut encore comprendre fous
cet afpect le' complément qui exprime la matière dont
une chofe eft faite, & que l’on peut appeller le complément
matériel ; comme une fatue d'or, une fortune
cimentée du fang des malheureux.
Cur, défigne en général tout complément qui énonce
une caufe foit efficiente, foit finale : on le nomme
complément circonjlanciel de caufe; s’il s’agit de la
caufe efficiente, ou même d’une caufe occafionnelle ;
ainfi quand on dit, un tableau peint par Rubens , i l j
a un complément circonfanciel de caufe ; c’ eft la meme
chofe quand on dit, il a manqué le fuccês pour
avoir négligé Us moyens. S’il s’ agit d’une caufe finale,
on dit un complément circonfanciel de fin , comme
Dieu nous a créés pour fa gloire ; s'occuper afin d'éviter
l'ennui.
Quomodo, défigne le complément qui exprime une
maniéré particulière d’être qu’il faut ajouter à l’idéè
principale du mot complété : communément cette
expreffion eft un adverbe de maniéré, fimple ou modifié,
ou bien une phrafe adverbiale commençant
par une prépofition ; comme vivre honnêtement, vivre
conformément aux lois, par1er avec facilite. On peut
donner à ce complément le nom de modificatif
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Quando , défigne le complément qui exprime une
circonftance de tems. Or une circonftance de tems
. peut être déterminée, ou par une époque, qui eft
un point"fixe dans la fuite continue du tems, ou par
une durée dont on peut affigner le commencement
& la fin. La première détermination répond à la
queftion quando, (quand J, & l’on peut appeller la
phrafe qui l’exprime, complément circonftanciel de
date ; comme il mourut hier ; nousfinirons l'année prochaine
; JéJ'us naquit fous le régné d'Augufe. La féconde
détermination répond à la queftion quandiu,
( pendant combien de tems ) ; & l’on peut donner
à la phrafe qui l’exprime le nom de complément circonftanciel
de durée, comme il a vécu trente-trois ans ;
cet habit durera long-tems.
Il ne faut pas douter qu’une métaphyfique poin-
tilleufe ne trouvât encore d’autres complémens, qu’elle
défigneroit par d’autres dénominations : mais on
peut les réduire à-peu-près tous aux chefs généraux
que je viens d’indiquer ; & peut-être n’en ai-je que
trop affigné pour bien des gens, ennemis naturels
des détails raifonnés. C’eft pourtant une néceffité in-
difpenfable de diftinguer ces différentes fortes de
complémens, afin d’entendre plus nettement les lois
que la fyntaxe peut impofer à chaque efpece, & l’ordre
que la conltruCtion peut leur affigner.
Par rapport à ce dernier point, je veux dire l’ordre
que doivent garder entre eux les différens complémens
d’un même mot, la Grammaire générale établit
une réglé , dont l’ufage ne s’écarte que peu ou
point dans les langues particulières, pour peu qu’elles
faflènt cas de la clarté de l’énonciation. La voici.
De plufieurs complémens qui tombent fur le même
mot, il faut mettre le plus court le premier après le
mot complété ; enfuite le plus court de ceux qui relient
, & ainfi de fuite jufqu’au plus long de tous qui
doit être le dernier. Exemple : Carthage, qui faifoit
la guerre avec fon opulence contre La pauvreté romaine ,
avait par cela même du défavantage. ( Confid. fur la
grand. & la décad. des Rom. chap. iv. ) Dans cette ■
propofition complexe , le verbe principal avoit, eft
iuivi de deux complémens ; le premier eft un complément
circonftanciel de caufe , par cela même, lequel
a plus de brièveté que le complément obje&if du défavantage,
qui en conféquence eft placé le dernier :
dans la propofition incidente, qui fait partie du fujet
principal, le verbe faifoit a i°. un compliment obje-
clif, la guerre ; z°. un complément auxiliaire qui eft
plus long, avec fon opulence; 30. enfin, un complément
relatif qui eft le plus long de tou s, contre la pauvreté
romaine.
La raifon de cette réglé, eft que dans l’ordre analytique
, qui eft le feul qu’envifage la Grammaire générale
, & qui eft à-peu-près la bouffolle des ufages
particuliers des langues analogues , la relation d’un
complément au mot qu’il complété eft d’autant plus
fenfible, que les deux termes font plus rapprochés,
& fur-tout dans les langues oh la diverfité des ter-
minaifons ne peut caraûérilèr celle des fondions des
mots. Or il efl confiant que la phrafe a d’autant plus
de netteté , que le rapport mutuel de fes parties eft
plus marqué ; ainfi il importe à la netteté de l’expref-
fion, cujus fumma laus perfpicuitas , de n’éloign,er
d’un mot, que le moins qu’il eft poffible, ce qui lui
fert de complément. Cependant quand plufieurs complémens
concourent à la détermination d’un même
terme, ils ne peuvent pas tous le fuivre immédiatement
; & il ne refte plus qu’à en rapprocher le plus
qu’il eft poffible celui qu’on eft forcé d’en tenir éloigné
: c’eft ce que l’on fait en mettant d’abord le premier
celui qui a le plus de brièveté, & réfervant
pour la fin celui qui a le plus d’étendue.
Si chacun des complémens qui concourent à la détermination
d’un même terme à une certaine éten-
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due, il peut encore arriver que le dernier fè trouve
afiez éloigné du centre commun pour n’y avoir plus
une relation auffi marquée qu’il importe à la clarté
de la phrafe. Dans ce cas l’analyfe même autorife
une forte d’hypèrbate, qui, loin de nuire à la clarté
de l’enonciation, fert au contraire à l’augmenter, en
fortifiant les traits des rapports mutuels des parties
de la phrafe : il confifte à placer avant le mot complété
l’un de fes complémens ; ce n’eft ni l’objet, ni le
relatif; c’eft communément un complément auxiliaire
, ou modificatif, ou de caufe , ou de fin, ou de
tems , ou de lieu. Ainfi,.dans l’exemple déjà cité,
M. de Montefquieu auroit pu dire , en tranfpo-
fant le complément auxiliaire de la propofition incidente,
Carthage, qui, AVEC SON OPULENCE , faifoit
la guerre contre la pauvreté romaine’, & la phrafe n’auroit
été ni moins claire , ni beaucoup moins harmonieuse
: peut-être auroit-elle perdu quelque chofe de fon
énergie, par la féparation des termes oppofés fon
opulance & la pauvreté romaine ; & c’eft probablement
ce qui allure la préférence au tour adopté par l’auteur
, car les grands écrivains , fans rechercher les
antithefes, ne négligent pas celles qui fortent de leur
fujet, & encore moins cèlles qui font à leur fujet.
Il arrive quelquefois que l’on voile la lettre de
cette loi pour en conferver l’efprit ; & dans ce cas
l’exception devient une nouvelle preuve de la néceffité
de la réglé. Ainfi , au lieu de dire, CEvangile
infpire une piété qui n'a rien de fufpecl, aux perfonnes
qui vetilent être jincerement à Dieu ; il faut dire,, l'E vangile
infpire aux perfonnes qui veulent être Jincerement
à Dieu , une piété qui rüa rien de fufpecl : « & cela dit
» le P. Buffier, n. 7 74. afin d’éviter l’équivoque qui
» pourroit fe trouver dans le mot aux perfonnes ; car
» on ne verroit point fi ce mot eft régi par le verbe
» infpire, ou par l’adjeéliffufpecl. « L’arrangement des
» mots ne confifte pas feulement, dit Th. Corneille
» (Not. fur la rem. 464. de Vaugelas), à les placer
» d’une maniéré qui flatte l’oreille, mais à ne laiffer
» aucune équivoque dans ledifeours. Dans ces exem-
» pies y je ferai avec une ponctualité dont vous aurez lieu
» d? êtrefatisjait, toutes les chofes qui font de mon minif-
» tere, il n’y a point d’équivoque , mais l’oreille n’eft
» pas contente de l’arrangement des mots : il faut
» écrire , je ferai toutes les chofes quij'ont de mon mi-
» nijlere, avec une ponctualité dont vous aurez Heu d'être
-» fatisfait. »
M. Corneille ne femble faire de cet arrangement
qu’une affaire d’oreille ; mais il faut remonter plus
haut pour trouver le vice du premier arrangement
de l’exemple propofé : il n’y a point d’équivoque ,
j’en conviens, parce qu’il ne s’y préfente pas deux
fens dont le choix foit incertain ; mais il y a obfcu-
rite, parce que le véritable fens ne s’y montre pas
avec allez de netteté , à caufe du trop grand éloignement
oh fe trouve le complément objeélif.
Tel eft le principe général par lequel il faut juger
de la conftru&ion de tant de phrafes citées par nos
Grammairiens : les complémens doivent être d’autant
plus près du mot complété, qu’ils ont moins d’étendue
; & comme cette loi eft diclée par l’intérêt de la
clarté, dès que l’obfervation rigoureufe de la loi y
eft contraire , c ’eft une autre loi d’y déroger.
En vertu de la première lo i, il faut clirq, employons
aux affaires de notre Jalut toute cette vaine curiojîtê qui
fe répandau-dehors, félon la correction indiquée par
le P. Bouhours (re/n. nouv. tom. /. p. 2 ig .j ; & il faut
dire pareillement, qu'ils placent dans leurs cartes ,tout.
ce qu'ils entendent dire , & non pas qu'ils placent tout
ce qu'ils entendent dire, dans leurs cartes.
En vertu de la fécondé lo i, il faut dire avec le P.
Bouhours, ibid. & avec Th. Corneille (loc. cit.) ; il
fe perfuada qiden attaquant la ville par divers endroits,
ilrépareroit la perte qu'il venoit de faire; & non pas ,