pulfipn fi utile 6c fi douce de la nature ; il défendit
le v in , & il permit les femmes; en encourageant les
hommes à la vertu, par l’efpérance future des voluptés
corporelles , ils. les entretint d’une forte de bonheur
dont ils avoi'ent un avant-gout. ^ fl
Voiçijes cinq préceptes de l’illamifme ; vous direz
: il n’y a qu’un Dieu, & Mahomet eft l’apôtre
de Dieu ; vous prierez; vous ferez l’aumône ; vous
irez en pèlerinage;, ô^vôus jeûnerez le ramadan.
Ajoutez à cela des ablutions légales, quelques pratiques
particulières , un petit nombre de cérémonies
extérieures , 6c de ces autres chofes dont le peuple
ne fauroif fe paffer , qui font abfolument arbitraires,
& qui nefignifient rien pour les gens fenfés, de quelque
religion que ce foit, comme de tourner le dos
au foleil pour piffer chez les mahométans.
Il prêcha lé dogme de la fatalité , parce qu’il n’y a
point de doflrine qui donne tant d’audace 6c de mépris
de la mort, que la perfuafiqo que Je danger eft
égal pour celui qui combat, 6c pour celui qui dort ;
que l ’heure, l’inftant, le lieu de notre fortie de ce
monde eft fixé, & que toute notre prudence eft vaine
devant celui qui, a enchaîné les chofes de ;toute
^éternité, d’un lien que. fa volonté même ne peut relâcher.
Il profcrivit les jeux de hafard, dont les Arabes
avoient la fureur.
Il fit un culte pour la multitude , parce quelle.culte
qui feroit fait pour un petit nombre, marqueroit l’imbécillité
du; légiflateur.
La morale de l’iflamifme s’étendit & fe perfectionna
dans les fiecles qui fuivirent fa fondation. .Rarmi
ceux qui s’occupèrent de ce travail, 6c dont nous
axons fait mention, on peut compter encore Scheich
Muflas, Eddin , Sadi, l’auteur du jardin des rofes per-
Jîques. . ( -
Sadi parut vers le milieu du treizième fiecle; il c.ulti-
: va par l’étude le bon elprit que la nature lui avoit donné
; il fréquenta l’école de Bagdad , 6c voyagea .en
Syrie où il tomba entre les mains des chrétiens qui le
ietterent dans les .chaînes-, 6c le condamnèrent aux
travaux publics. La douceur de fes moeurs 6c la beauté
de fon génie , lui-firent un protecteur zélé , qui le
racheta , 6c qui lui donna faillie ; Après, avoir beaucoup
vu les hommes , il écrivit fon rofarium, dont
voici l’exorde.
Quadam nocle prcsteriù temporis memoriam revo-
•.. cavi j .
Vitoeque male tranfaclce difpendiunt curn indignatio-
nedevoravi ,
Saxumque habitaculo cor dis lacrymarum adamante
perforavi ,
Hofque verfus conditions rneoe. convenientes cjfudi.
Quovis momento unus vitoe abitfpiritus ,
lllud dum infpicio, non multum rejlitit.
O te eu}us jam quinquagintafunl elapjî fomno etiam-
num gravent !
Utinam ijlos quinque fupremos vitee dies probe in-
telligens !
Pudor illi qui abjit, opufquenon perfecit.
Difcujfus tympanum pereufferunt , farcinam non
compofuit ,
Suavis fumnus in difcejjus dur or a,
Retinet peditem ex itincre.
Quiùumque venir noyarn fabricam flruxit ;
Abit ille ; fabricamque alteri conflruxit ;
ALter ilia fimilia huic vanitatis molimina agiiavit ;
lllam vero fabricam adfinemperduxit nemo.'
Sodalem injlabilem , amicum ne adfciffe.
Amicitiâ indignus e(lfallacifimus hic mundus.
Curn, bonis malif que parité)* Jit moriendum ,
Beatus ille qui bonitatis palniàm reportavit.
Vipticum vitee infepulcrum tuum pratmitte;
Mortuo enimte , nemo feret, tute ipfeprcemitie'.'
Vita ut nix eji,, fplqut ailgufli, ,
Pauxillum reliquit, tibi tamen domino etiamnum
facordia & inertia blanditur !
Heus tu qui manu vacuâ forum adiijli ?
Metuo ut plenupi referas flrophiolum.
Qjùcumque fegetem fuam comederit , dum adhuc in
herbu ejl, ■
Me fis tempo re , fpicilegio contentus ejje cogitur.
Confilium Sa'adi , attends animi auribus percipe.
Vita ita fe habet : tu te vif uni præjla, & vade.
Le poëte ajoute : j’ai mûrement, pefé ces chofes '
j’ai vu que c’étoit la vérité, & je me,fuis retiré dans
un lieu l'olitaire ; j’ai abandonné la focieté des hommes
; j ’ai effacé de mon elprit tous les difeours frivoles
que j’avois entendus ; je me fuis bien propofé de
ne plus rien dire de mal, 6c ce deflëinétoit-formé
au:dedans de moi,. lorfqu’un de mes anciens, amis.,
qui alloit à la Meque à la fuite d’une caravane, avec
fa provifion 6c fon chameau, entra dans mon hermi-
tage ; c’étoit un homme dont rentrétien étoit plein
d’agrémens '6c de faillies ; il chercha â m’engager de
converfation inutilement, je ne proférai pas un mot;
dans les momens qui fuivirent, ii j’ouvris la bouche,
ce fut pour lui révéler mon deflein de paffer ici., lom
des hommes, pbfcur & ignoré, le reite de ma vie ;
d’adorer Dieu dans le filence , 6c d’ordonner toutes
mes aCtions à ce but; mais, l’ami féduifant me peignit
avec tant de charme la douceur 6c les avantages d’ou-
yrir fon coeur à un homme de bien., lorfqu’on l’avoit
rencontré , que je me laiflai vaincre ; je defeendis
avec lui dans mon jardin, c’étoit au printems, il étoit
couvert de rofes éclofes? l’air étoit embaumé de l’oi
deur défiçieufe qu’elles exhalent fur le foir. Le jour
fuivant, nous paffames u.qe partie de la nuit à nous
promener 6c à converfer, dans un autre jardin auffi
planté 6c embaumé de rofes ; au point du jour, mon
hôte 6c mon ami fe mit à cueillir une grande quantité
de ces rofes , & il en remplifloit fon fein ; l’amufe-
ment qu’il prenoit, me dorinoitdes penfées férieutr
fes ;.je me difois : voilàlemonde : voilà fes plaifirs:
voilà l’homme: voilà la vie ; & je méditoisd’éçrire un
ouvrage que j’appellerois /e jardin des rofes, 6c je confiai
ce deffein à mon ami, 6c mon deffein lui plut, 6c
il m’encouragea, & je pris la plume, & je commern
çai mon ouvrage qui fut'achevé avant que les rofes
dont il avoit rempli fon fein, ne fuffent fanées. La
belle ame qu’on voit dans ce récit ! qu’il eft fimple,
délicat, 6c élevé ! qu’il eft touchant !
Le rofarium de Saddi n’eft pas un traité complet de
morale ; ce n’eft pas non plus un amas informe &
découfu de préceptes moraux ? il s’attache à certains
points capitaux, fous lefquels il ralfemble fes idées ;
ces points capitaux font les moeurs des rois, les moeurs
des hommes rèligieux, les avantages de la continence
, les avantages du filence, l’amour, 6c la jeuneffe,
la vieilleffe 6c l’imbécillité , l’étude des fciences , la
douceur 6c l’utilité de la #onverfation.
Voici quelques maximes générales de la morale
des Sarrajtns , qui fervirontde préliminaire à l’abre-
gé que nous donnerons du rofarium de Saddi, le monument
le plus célébré de la fageffe de fes compas
triotes.
L’impie eft mort au milieu des vivans ; l’homme
pieux vit dans le féjour même de la mort.
La religion , la pieté , le culte religieux, font autant
de glaives de la concupifcence.
La crainte de Dieu eft la vraie richeffe du coeur.
Les prières de la nuit font la férénité du jour.
La pieté eft la fageffe la plus fage, 6c l’impiété eft
-la folie la plus folle .
“Si l’on gagne à fervir D ieu , on perd à fervir fon
ennemi.
Celui qui difïipe fa fortune en folies , a tort de fe
plaindre , lorfque Dieu l’abandonne à la pauvreté.
L’humilité eft le havre de la foi ; la préfomption
eft fon écueil. .
Humilie-toi dans ta jeuneffe, afin que tu fois grand
dans ta vieilleffe.
L’humilité eft le fard de la nobleffe, c’eft lé complément
de la grâce, elle éleve devant le monde 6c
devant Dieu.
. L’infenfé aux yeux des hommes 6c de Dieu , c’eft:
celui qui fe croit fage.
Plus tu feras éclatan t , plus tu feras prudent fi tu té
caches ; les ténèbres dérobent à l’envie , 6c ajoutent
de la fplendeur à la lumière ; ne monte point au haut
de la montagne d’où l’on t’appercevroit de loin; enfonce
toi dans la caverne que la nature a creufée à les
piés, où l’on t’ira chercher ; fi tu te montres, tu feras
liai ou flatté , tu fouffriras, ou tu deviendras vain ;
marche , ne court pas.
Trois chofes tourmentent fur-tout, l’avarice , le
•fafte 6C la concupifcence.
Moins l’homme vaut, plus il eft amoureux de,lui.
Plus il eft amoureux de lui, plus il aime à contredire
un autre.
Entre les vices difficiles à corriger, c’eft l’amour
de fo i , c’eft le penchant à contredire.
Lorfque les lumières font allumées, ferme les fenêtres.
Sois diftrait, lorfqu’on tient un difeours obfcène.
S’il refteen toi une feule paftion qui te domine, tu
n’es pas encore fage.
Malheur au fiecle de l’homme qui fera fage dans la
paffiôni • ■
On s’enrichit en appauvriflant fes defirs.
Si la paftion enchaîne le jugement, il faut que l’homme
périfle.
Une femme fans pudeur eft un mets fade 6c fans
feL
Si l’homme voyoit fans diftraftion la néceflîté de
fa fin & la brièveté de fon jour, il mépriferoit le travail
& la fraude.
Le monde n’eft éternel pour perfonne, laifle-le paffer
, 6c t’attache à! celui qui l’a fait.
Le monde eft doux- à l’infenfé, il eft amer au fage.
Chacun a fa peine, celui qui n’en a point n’eft
pas à compter parmi les enfans des hommes.
Le monde eft un menfonge , un féjour de larmes.
Le monde eft la route qui te conduit dans ta patrie.
Donne celui-ci pour l’autre, 6c tu gagneras ait
change.
Reçois de lui félon ton befoin , 6c fonges que la
mort eft le dernier de fes dons.
Quand as-tu réfolu de- le quitter ? quand as-tu ré-
folu de le haïr ? quand , dis-moi, quand ? il paflë ,
& il n’y a que la fageflë qui refte. C ’eft le rocher 6c
l’amas de poufliere.
Songe à ton entrée dans le monde, fonge à ta fortie
, & tu te diras , j’ai été fait homme de rien, 6c je
ferai dans un inftant comme quand je n’étois pas.
Le monde 6c fa , richeffe paffent, ce font les bonnes
oeuvres qui durent.
Vois-tu ce cadavre infeft, fur lequel ces chiens affamés
font acharnés ; c’eft le monde, ce font les
hommes.
Que le nombre ne te féduife point, tu feras feul
t'n jour, un jour tu répondras feuj|gl|i
Suppléer à une folie par une folie, c’eft vouloir
éteindre un incendie avec du bois 6c de la paille.
L’homme religieux ne s’accoude point fur la terre.
Dis-toi fou vent d’où fuis-je venu ; qui fuis-je ; où
vais-je ; où m’arrêterai-je ?
Tu marches fans ceffe au tombeau.
C’eft la vittime graffe qu’on immole, c’eft la maigre
qu’on épargne.
Tome' X IV „
T\i fommeilles à préfent, mais tu t’éveilleras.
Entre la mort 6c la v ie , tu n’es qu’une ombre qui
paffe.
Ce monde eft aujourd’hui pour to i, demain c’en
fera un autre.
C’eft l’huile qui foutient la lampe qui luit, c’eft la
patience qui retient l’homme qui fouffre.
Sois pieux en préfence des dieux, prudent parmi
leshommes, patient à côté des méchans.
La joie viendra fi tu fais l’attendre , le repentir fi
tu te hâtes.
Le mal fe multiplie polir le pufillànime , il n’y
en a qu’un pour celui qui fait fouffrir.
Laifl’é l’aftion dont tu ne pourras fupporterle châtiment,
fais celle dont la récompenfe t’eft affurée.
Tout chemin qui écarte de Dieu , égare.
L’aumône dit en paffant de la main de celui qui
donne, dans la main de celui qui reçoit, je,n’étois
rien, & tu m’as fait quelque chofe ; j ’étqis petite,
6c tu m’as fait grande ; j’étois haie , & tu m’as fait
aimer ; j’étois paffagere , 6c tu m’as fait éternelle ;
tu me gardois , 6c tu m’as fait ta gardienne.
La'juftice eft la première vertu de celui qui commande.
N’écoute pas ta volonté qui peut être mauvaife,
écoute la juftice.
Le bienfaifant touche l’homme , il eft à côté de
Dieu , il eft proche du ciel.
L’avare eft tin arbre ftérile.
Si le pauvre eft abjeâ:, le riche eft envié.
Sans le contentement, qu’eft-ce que la richeffe ?
qu’eft-ce que la pauvreté fans l’abjeéHon ?
Le juge n’écoutera point une partie, fans fon ad-
verfe.
Ton ami eft un rayon de miel qu’il ne faut pas dé*
vorer.
Mon frere eft celui qui m’avertit du péril; mort
frere eft celui qui me fe court.
La fincérité eft le facrement de l’amitié.
Banniffez la concorde du monde , 6c dites-moi ce
qu’il devient.
Le ciel eft dans l’angle où les fages font aflem-
blés. .
La préfence d’un homme fage donne du poids à
l’entretien.
Embarquertoi fur la mer,. ou fais focieté avec les
méchans.
Obéis à ton pere afin que tu vives.
Imite la fourmi.
Celui-là poffede fon ame, qui peut garder un fe-
cret avec fon ami.
Le fecret eft ton efclave fi tu le gardes, tu deviens
le fien s’il t’échappe.
La taciturnité eft foeur de la concorde.
L’indifcret fait en un moment des querelles d’un
fiecle.
On connoit l’homme favant à fon difcoürs, l’homme
prudent à fon aftion.
Celui qui ne fait pas obéir , ne fait pas commander.
Le fouverain eft l’ombre de Dieu.
L’homtne capable qui ne fait rien, eft une nuë qui
paffe 6c qui n’arrofe point.
Le plus méchant des hommes , eft l’homme inutile
qui fait.
Le favant fans jugement, eft un enfant.
L’ignorant eft un orphelin.
Regarde derrière t o i , 6c tu verras l’infirmité 6è
la vieilleffe qui te fuivent, or tu Concevras que la
fageffe eft meilleure que l’épée, la connoiffance meilleure
que le feeptre.
Il n’y a point d’indigence pour celui qui fait.
La vie de l’ignorant ne pefe pas une heure d©
l’homme qui fait*
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