Les principales de ces humeurs font donc la bile ,
la falive, l’humeur pancréatique ,1a prétendue liqueur
des efprits animaux , celle qui humefte l’oefophage ,
l’eftomac, les inteftins ; la fynovie, la graiffe, l’hu-
meur du péricarde, l’humeur aqueufe de l’oeil, la vapeur
ou la rofée qui humeéfe les ventricules du cerveau
, la furface de la plevre & du péritoine,, les mu-
cofités des différens fmus St cavités ; la liqueur prolifique
dans le mâle, le lait, l’humeur des ovaires dans
les femmes, &c. ( toutes ces humeurs font, appellées
récrémenticielles ) l’humeur fébacée des glandes de
Morgagni, celle des odoriferes de T ifo n , des lacunes
de Graaf,l’humeur onûueufe des poils, celle des différens
plis ou replis de la peau, le cemrnen des oreilles,
& quelques autres qui ne font peut être que des fuin-
temens des humeurs contenues dans les cellules du
tilTu adipeux , dont rôdeur, la couleur & la confif-
tance varient à raifon de la chaleur & de la conformation
des parties, de leur fituation & de leurs ufa-
ges ; enfin l’urine , la tranfpiration , les fueurs , &c.
(Ces dernieres font les excrémenticielles).On pour-
roit encore former une claffe d’humeurs.mixtes,
compofée de celles qui étant récré menticielles par
leur effence, deviennent excrémenticielles par accident
, telles que la falive, les larmes, quelques mu-
cofités, &c. fur quoi il eft à remarquer que l’exafri-
tude phyfiologifte eft encore en défaut ; mais durefte'
le cara&'ere diftinâif des excrémenticielles eft de ne
pouvoir refluer dans la maffe du fang, fans nuire fen-
liblement au corps.
Il n’ eft pas douteux que la fecréùon n’ait lieu dans
le foetus comme dans l’adulte : l’humeür glaireufe
qu’on trouve dans l’eftomac, le méconium qu’on peut
regarder avec Stahl comme l’amas de tous les fluides
qui fe filtrent dans le tube inteftinal, depuis la bouche
jufqu’au cæcum, l’hiimeur de la veflie , St peut-
être même une partie des eaux dans lefquellcs nage
le foetus, en font des preuves authentiques.. Les. auteurs
qui ont difcute avec beaucoup d’érudition les
rapports de la fecréùon dans l’adulte, avec celle qui
a lieu dans le foetus, ne nous ont rien appris de particulier
, fi ce n’eft que les humeurs font plus douces
dans celui-ci que dans l’adulte, & qu’il faut déduire
cette différence de faveur du plus ou du moins de
denfitë dans le fyftème des vaiffeaux. Il eft encore
bon d’obferver que les différens degrés d’accroiffe-
ment dans le foetus, les fondions du thymus, & de
quelques autres corps glanduleux, méritent une confédération
particulière dans cette partie de l’hiftoire
des fecrétions.
Nous difons plus haut que les glandes font les principaux
organes fecrétoires ; ce feroit donc dans la
cavité des glandes, des conglomérées principalement,
qu7il femble que devroit être le fiege des fecrétions.
Les conglobées, celles plusfimples encore , qu’on
appelle follicules, criptes , ne feront que comme des
atteliers fecrétoires fubalternes, en comparaifon des
premières. V o y e { Glandes. Il en fera vraiffembla-
blement de même des refeaux ou anaftomofes capillaires
artérielles.
Les travaux de Malpighi Sc de Ruifch, qui dévoient
d’abord fixer le fort des fecrétions fur cet article
, ont eu celui de la plupart des découvertes en
ce genre , qui font époque en faveur de l’artifte &
du fiecle , fans rien produire à l’a r t , que quelques
differtations polémiques, cpi font malheureufement
autant de titres-revendiques par les feéies ; ainfi il
y atoujours des auteurs, comme lespartifans de Mal-
pighi, qui veulent qu’entre l’artere St la veine , il y
ait des cavités danslefquelles fe filtrent les humeurs ;
d’autres, tels que les feâateurs de Ruifch, qui fou-
tiennent la continuité de l’artere avec la veine <, fans
interruption , de forte que c’eft dans les aires ou
.pelotons formés de capillaires artériels, qu’il faut
chercher, fuivant eux, les véritables organes detfe^,
crétions. Entre ces deux hommes célébrés, il s’en
trouve d’autres, comme Bellini*, qui placent les fe-.
crétions dans les rameaux collatéraux des derniers capillaires
artériels, qui font autant de petits troncs de
ces rameaux, ÔC l’on donne ,1a relation du canal inteftinal
avec lesvaiffeaux laftés, pourle fymbole de •
ce fyftème ; Bergerus qui veut que ce foit dans les .
extrémités pulpeufes des arteres ; enfin il eft encore
des modernes d’une grande réputation , qui d’après
des obfervatioris réitérées , ont crû pouvoir établir
les fecrétions , les uns, dans un tiffu cotoneux qu’ils,
ont apperçus dans les conduits fecrétoires,les autres,
à l’extrémité de ces conduits, c’eft-à-direau point de
leur paffage de l’état artériel fanguin, à celui de lymphatique
artériel, &c.
Les différentes opinions que nous venons de rap-»
porter , fuppofcnt qu’on a déjà prononcé fur une
queftion très-importante , favoir files matériaux de.
nos humeurs fecrétoires,, doivent être regardés'
comme autant d’éleniens de principes ifolés, épars
dans l’océan des humeurs ; ou s’ils y font contenus
fous la forme qui fpécifie chaque fluide.; en un mot,
comme autant d’aggregés immédiats de fluides divers,
qui n’ont befoin que du travail de la fecréùon , pour
former un tout fpécial. Avant d’entrer en difcuflion
fur cet article, il eft bon de prévenir, Sc c’eft ce
que les phyfiologiftes auroient du faire, que la queftion
ne porte que fur quelques humeurs recrémenticielles
comme la bile,: la femence, &c. car il eft
hors de doute que les féls & les débris , rameuta,
tant de nos foliaes que de nos flfiides , qui font les
produits des mouvemens de la vie , préexiftoient
réellement dans la maffe des humeurs ; il s’agit donc
uniquement de favoir fi les matériaux de ces humeurs
que nous avons nommées, font Contenus matériellement
ou formellement, comme on d it , dans le fang.
La queftion eft, dit-on , jugée en faveur du dernier
fentiment , en conféquence de quelques expériences
, dont tout le monde connoit celle de la ligature
des arteres rénales, royeçREiN, & de ce qui eft ob-
fervé dans quelques états de maladie, par exemple
dans l’iûere ; mais dans cette expérience fur le rein,
peut-on compter que les vaiffeaux lymphatiques n’ont
pas reporté quelques portions d’urine dans le fang ?
l’humeur qui fait l’i&ere, eft-elle bien de la bile ? &t
fi par des embarras dans le foie , toutes les humeurs
deviennent bilieufes, ou fe changent en bile , n’en
peut-on pas conclure qu’elles étoient propres à prendre
toutes fortes de modifications ? Bianchi , hiflor.-
hepatis, rapporte que fon ami, Jacques Cicognini,
avoit connu à Boulogne un homme quiavoitlefecret
de faire de la bile, avec beaucoup d’huile, un acide,
& une certaine efpece de cendre ; les mêmes matériaux
ne fe trouvent-ils pas dans prefque toutes nos.
humeurs? Nous ne déguiferonspas qu’il eft fait mention
dans Needham, de formato fcetu, d’une lettre
de Scheineder à Deufingius , dans laquelle il eft par--
lé d’un homme de la connoiffance de Schneider,,
q u i, en répandant d’une certaine poudre-furie fang,
en tiroit du la it , lequel ayoit toutes les apparences
du lait ordinaire ; mais en admettant le fait comme
vrai, il y auroit peut-être encore bien des argumens
à faire fur la compofition de cette poudre , ou fur la
nature de ce lait ; & d’ailleurs, qui eft-ce qui ignore
que le lait eft du vrai chyle , qui eft porté avec le
fang dans les mamelles St dans l’uterus , St qu’il eft
à peine altéré par la fecréùon imparfaite qu’il éprouve
dans cés organes ? 11 faut convenir qu’on n’a pas.
affez infifté fur tous les faits contradictoires, pour
qu’on ait pu porter fur cette matière aucun jugement
décifif. .
Comment fe font les fecrétions, St d’oii vient qu’un
fluide eft conftamment affedé, du moins dans l’état
fain, à un organe plutôt qu’à un autre ; par exemple
, la bile au foie , & non pas aux rèins, &c} voilà
ce qui a exercé les phifiblôgiftés de tous lés âges,
&'.qui éft encore un problème dont, félon toutes les
apparences ,.lâ folutiôn manquera lôrig-tèms à l’art..
Lès premiers dogmatiques dont là théorie nàiffan-
té'étôît Veligieùfement circonfcritepàrl’obfervation,
h’ont pu nous rien tranfmettre de bien recherché fur
ùiiè matière a'ufli obfcufè. ,
Empédoclè, plus philofophe èjiiémédecin, croyoit
que lès fueurs Sc les larmes prôvenoient d’un fang
atténué & fondu. Hippocrate rècbnnoit un principe
qui attire les humeurs vers chaque organe St les y
prépare ; il regardoit les glandes comme des éponges
qui s’imbibent de ces humeurs ; fuivant Platon, c’eft
un appétit dans chaque partie , qui lui donne la faculté
d’attirer à foi ce qu’elle appette; Ariftote penfe
de même , en redifiànt néanmoins leS idées grandes
Sc inexaftes de Platon. Vtye? la phyfiologié de Fernel.
Galien enfin eft pouf fes facultés : il parqît que c’eft
à ce petit précis qu’on peut réduire les fyftêmes de la
fage Sc fùblime antiquité, Sc Ce n’eft peut-être pas
Un petit éloge pour laphilofophie , que fa ftérilité en
ce genre’; mais, certes, la phyfiologié des modernes
iioùs en dédommage bien, par une fécondité qui n’a
rien laifie à difcuter de toüs les points d’une matière
àufli vafte '; on diroit qti’ellea mis à contribution toutes,
les branches des fciencés > chacune d’elles lui
ayant fourni à l’envi fon tribut de fyftème. La chimie
lui à donné les fermêris, les coagulàns, fes fon-
dans, les aflimilans , l’archéë de ^anhelmont, fyftème
, pour le dire en paffant, digne de l’enthoufiaf-
me d’uii grand homme, dont la critique n’appartient
pas à des génies froids , que le figuré d’une expref-
fion , ou la fingùlàrité d’un nom fiiffit le plus fouvent
pour indifpofer ; la méchaniquë, lès cribles deDef-
Cartes , renbuvellés des pores d’Afclépiade, les at-
tritions , la difpofitiOn particulière dans la figure de
chaque couloir , &c. La phyfique, l’éle&ricité , l’at-
traétion St l’adhéfion newtonienne ; la géométrie,
les calculs, l ’hydraulique, fes lois , fes expériences
, &c.
Heufeufeméht qtie la plupart dé ces hÿpothèfes ,
autrefois fi bruyantes, ne font guere plus admifes
par lés èfpritsfages ; à la vérité il s’eft trouvé de nos
jours, des auteurs à qui on né peut refufer cette qualité,
qui ont tâché d’en évoquer quelqiiës-unes, pour
en bâtir de nouveaux fyftêmes , tel éft celui de l’humeur
analogue ; mais la préexiftence fuppofée de
cetté hurtieiir, qu’il faut admettre néceflairément
dans Cètté nouvelle hypothèfë, & les inconvéniens
qui eh réfultent pour une pareille analogie, en ont
démontré le peu de folidité. M. Winflow a èu beau
vouloir l’appuyer dè fes ôbfèfvarions , fur le tiffu cb-
tonrièUx des conduits fecrétoires qu’il dit avoir trouvé
imbus de bile dans le foye , & d’urine dans .lès
feins, chez des foetus lés plus près du tems de là conception
; tout cela prouve feulement que les fecrétions
ont lieu dans les foetus, & c’eft de quoi perfonne ne
doute.
Les produâibns en ce geiifé, de quelques autres
modernes, n’ont pas eu un meilleur fuccès ; les noms
fameux d’Hoffman & de Boerhaave, h’ont pu fau-
ver leurs fyftêmes : plus de goût , plus de juftéffe
dans notre philofophie , nous Ont enfin appris à les
apprécier.
Stahl, le Platon de la médecine moderne, à, qui
nous devons en grande partie cette reforme , nous a
donné d’autres idées fur les fecrétions ; fuivant lu i ,
c’eft l’ame, cet agent univerfel du corps, qiii eh eft
chargée, qui les dirige, qui à foin d’envoyer ta falive
à la bouche quand il le faut. Cès idées qu’bn dit empruntées
de Wanhelmont, prennent dans le génie de
Sthal, une force, une profondeur dont on n’âuroit'
pas cru avant lui ,1a théorie fufceptible.
, L ’académie de Bordeaux ayant propofé t il y à
quelques.anqées, un prix fur. le méchanifme des_/?-
crétions , trois illûftres émules , ( MM. Hamberger\
Delamufe , & de Haller,) fournirent chacun uné
belle differiation fui" cette matière: Celle de M. Hanf-
berger, qui fut couronnée, explique ce méchanifmê
par les lois de l’àdhéfion, fuppofées. établies entré:
les particules des fluides ; & celles des folides qui
compofent letiffu des vaiffeaux fecrétoires; l’auteur
eftimè cette ariion par les rapports de la gravité fpé-
cifique des unes avec celle des autres, enfortë que
le plus haut degré de l’adhérence eft .entre les parties
du folidé & du fluide, dont les gravités fpécifiquei
fe corfefpondent davantage ; il obferve qu’il s’eft
convaincu par dès expériences dont il donne les ré-
fultats , des différences ou rapports de ces gravités
fpécifiques ; mais nous obferverons à notre tour, qu’il
n’eft peut-être point de fyftêmes , parmi ceux qu’on
s’efforce d’appuyer de tout l’appareil des fciences ,
dans lequel on trouve tin abus plus marqué , une
plus mauvaife application de principes bons en foi ;
pour s’en convaincre, il fuffit d’un coup d’oeil fur les
phénomènes de phyfique les plus Amples. On peut
voir les objeélions qui ont été faites au fyftème de
l’auteur, dans plufieurs ouvrages de M. Haller, 8c
pour s’éviter la peine des,recherches, dans le fécond
volume de fa nouvelle phyfiologié: _
A l’égard des expériences de M. Hamberger, fur
les vifeères & les fluides des animaux, M. Delamure^
célébré, prbfeffeur de là faculté de Montpellier, en
a fait de fon côté , qu’on ne.fauroit concilier avec
celles de M. Hamberger ; on peut confulter la tabld
des produits que ce profeffeur en a donnée à la fuite
d’une thèfe fur les fecrétions, qu’il fitfoutenir en 1749.
Toutës les autres théoriés qu’on pourroit encore
citer, n’étant que des modifications ou des copies
les unesdes autres, 8c fe trouvant d’ailleurs répan-,
dues dans des livres qui font en,tre les mains de tout
le monde, nous croyons pouvoir nous difpenfer d’en
parler,;, pour nous arrêter plus long-tems à un excellent
ouvrage , qui a paru .depuis peu d’années , fous
le titre de Recherches anatomiques fur les glandes cefi.
ouvrage eft de M. dë Bordeu, médecin de Paris 8Ç
de Montpellier, qui jouit dans la capitale , comme
praticien, d’une réputation très-étendue & très-mé-
ritéei La grandeur des vues que préfente l’auteur ,
la beauté de fes principes , tracés d’après une philofophie
peu commune , toujours éclairés de la con-
noiflânee pratique de l’anatomië, & des autres parties
de l’art lës plus effenti elles , nous engagent à
rappeller ic i, fous la forme d’un extrait, ce qui nous
a paru dé plus frappant dans ce fyftème j & de plus
propre à, compléter ce que nous avons à dire fur la
matière des fecrétions i
M. de Bordeu fait dépendre les fecrétions Sc les excrétions
des nerfs, du-moins dans le plus grand nom*
bre des circonftances. Les nerfs ont été de tout tems
un objet d’étonnement & de méditation pour un phyfiologifte
; ils font la partie conftituante , effentielle
de l’animal proprement dit, au moyen du fentiment
& du mouvement dont ils font doués privativement
aux autres parties:- le fentiment ou la fenfibilité eft la.
faculté éminente & primitive, la vie par excellence
du fyftème nerveux. Le mouvement & quelques auj.
très phénomènes, comme l'irritation à laquelle quel-*
ques modernes ont voulu fubftituer l’irritabilité
n’en font que des effets fecbndaires.- C’eft ici l’ama
fenfitive des anciens & de Willis ; c’eft elle qui en fè
répandant avec les nerfs dans les parties,les fait vivre
de leur vie particulière, & c’eft l’affemblage,le concours
décès petites vies qui produit la vie générale.
Cette fenfibilité eft modifiée dans tous les organes
dans des proportions graduées à l’infini ; dans cer-j