l'ont chargés de payer les ordonnancés de fahautefle,
du vizir azem, & du defterdar ; fa charge paroît être
la même que celle de garde du tréfor royal en France.
G uer. moeurs des Turcs, tôm.II.
RU SPÆ , ou RU SPHÆ, ( Géog. anc. ) ville d’Afrique
, fur le golfe de Numidie, & que Ptolomee,
l. TV. c. iij. marque entre Achola &t Brachodes cxtre-
ma. Ortelius croit que le nom moderne eft Alfague,
& Marmol dit Esfu . Dans la notice épifcopared’A-
friaue, l’évêque de ce fiege qui eft mis dans la Byza-
ccne, eft apoellé Siephanus Kufpenjîs ; il ne faut pas
confondre cet évêché avec un autre de la Byzacène,
nomméRufpïünfis', car Ptolomée diftib|ûieRüfpina
de Rufpce ; ces deux villes font pareillement dif-
tinmiécs dans la carte de Peutinger , &t dansl’anonyahe
de R a y e h ^ f .,'(D .^
RUSSIE , (Géog. mod.') vafte pays qui forme tin
grand empire, tant en Europe qu’en Afie. La mer
Glaciale liorne la Ruffîe ait feptentrion ; la mer du
Japon la termine à l’orient; Ja grande Tartane eft au
midi, àufîibien que la mer Caipienne ot là Perle ; la
Pologne, la petite Tartarie, la Mingrelie, &t la Géorgie
, font la borne du coté dii couchant. Entrons dans
les, détijélsl.
L’empire dc Ruffîe s’étend d’occident en orient,
près de deu^ mille lieues communes de France, &
à fept cens lieues du fud au nord dans fa, plus grande
làrgéiir ; il confine à la Pologne' la rrier Glaciale
; il touche à la Suède & à la Chine ; fa longueur
de l’îlè de Dago à l’occident de la Livonie, jufqu’à
fes bornes les plus orientales , comprend environ
cent cinquàntè degrés ; fa largeur eft de trois nulle
Verftes du fud au nord-, ce. qui fait au moins ftx cent
dé nôsliéüés communes,"' '
Enfin, ce qui eft compris aujourd’hui fous le nom
de Ruffîe , ou des Ruffîes, ,eftà peu près aùffi va'fte
que-le refte de l’Europe; huais: prefque, tout cet empire
n’eft qu’un clefert, au point que fi'l’on compte:
ën Efpagne ( qui eft le royaume de l’Europe le moins
peuplé), quarante perfonnes par chaque mille quatre
, on ne peut compter que cinq perfonnes en Ruf-
Jîe dans le même efpace ; tandis qu’en Angleterre,
chaque mille quarré contient plus de deux cens habi-
tans ; le nombre eft encore plus grand en Hollande.
Au refte, nous appellions autrefois la RuJJîe du nom
de Mofcovie, parce que la ville de Mofcou , capitale
de cet empire, étoit la réfidençe des grands ducs de
RuJJîe; aujourd’hui l’ancien nom de RuJJîe a prévalu.
Ce vafte empire eft partagé en feize grands gou-
vernemens , dont plufieurs renferment des provinces
immenfes & prefque inhabitées.
La province la plus voifine de nos climats, eft
celle de la Livonie, une des plus fertiles du nord ,
& qui étoit payenne au xij. fiecle. Le roi de Suède,
Guftave Adolphe, la conquit ; mais le czar Pierre l’a
reprife fur les Suédois.
Plus au nord fe trouve le gouvernement de Rével
& de l’Eftonie, & cette province eft encore une des'
Conquêtes de Pierre.
Plus haut en montant au nord eft la province d’Ar-
cangel, pays entièrement nouveau pour les nations
méridionales de l’Europe, mais dont les Ànglois découvrirent
le port en 1533. & y commercèrent,
fans payer aucuns droits , jufqu’au tems où Pierre le
grand a ouvert la mer Baltique à fes états.
‘ A l’occident d’A rcangel, & dans fon gouvernement
, eft la Laponie ruITe, troifieme partie de cette
contrée ; les deux autres appartiennent à la Suede St
au Danemar.ck ; c’eft un très-grand pa ys, qui occupe
environ huit degrés de longitude , St qui s’étend
en latitude du cercle polaire au cap nord.
Les Lapons mofcovites. font aujourd’hui cenfés
de l’églife grecque ; mais ceux qui errent vers les
montagnes leptentrionales du cap nord , fe contenteilt
d’adorer un D ie u , fous quelques formesgrqflie*
res ; ancien ufàgë de tous les peuples nomades. ’’
Cette efpece à’homme , peu nombreufe , .a très*
peu d’idées , St ‘ils’font h eu reu x:/ (e^ a avoir pa?
davantage ; car,alors ils äurQknt^jnQqyefux. be-
foins qu’ ils ne pourraient fatisfaire ; .îl^vjvent con*
tens St fans maladies,, en ne buvant gu,erç quç g s
l’eau dans le climat le plusfn^d, St arrivant jà urne
longue vieiUeffe. La coutume qu’on-^epr imptitoitqç
prier les étrangers de faire a leursjemfP^?;^ U l^urs
fiüep l’honneur de s’approcher probablement
du fentimentâe la fupénpi^té\ qu’ils reçon-
noiffoient dans çes étrangers , en vpplaAtqu ils piif-
fentfervir à corriger les defauts dp Ç 4j*
toit un uiage établi chez fes’pôuples vertueux de Lacédémone
; un époux,priait un flquns hqmme bien
fait, de lui donner de beaux enfans qu il pp^adqpter^
La jalouiie St les lois empêchent fes^aqtr.es bommeÿ
de donner leurs femmes ) mais les, Lapons etoient
prefque fans lois , St probablement n etqient point
jaloux, . ■ j, ? i
Quand on a remonté la Dwina,du,.nord au fud,
011 arrive au milieu des terres Mosko"^ ?, capitale
de la province de l’empire de Ruße., appeilée la MoJ-
covii , Voye^ MOSKOW.
A l’occident du duché de Mosl^ow , eft celui de
Smolensko, partie de.l’ancienne Sarnupiç européenne;
les duchés, de Mofcovie §4 de-Smolensko .com-*
pofoient la A^ze-blanche proprement dite, i
Entre Petersbourg . eft la province
&£ gouvernement de Novogorbcl.,1 On- dit- qiiej c*eft
dVn.cépaÿs quelës anciens Slavés; Jôu Sldivons;, fi-1
rent leur premier‘etablifTement.; i^aiS d’Oii vénoient
ces Slaves, dont la langueS’eft étëndue-dans' le nbrdNl
eft dè PEiirope ? SJ a lignifie un cheß'-8&èfoldye appartenant
au chef. Tout ce qu’on fait-de c-ès-anciens
Slaves; c’eft qu’ils êtoient-desconquémns.ïlsbâtireiiç
la ville de Novogprod la grande, fituée fur une ri-
viere navigable dès fa fourcè, laquelle"^oiiit- long*
tems d?un- floriffant commerce , et fut- urïe puiffante
alliée dés villes anféatiques. Le czar Ivan Balilovitz^
( en ruffe Iwan Waffilicwit-fch) la- conquit en 1467;
&t en emporta toutes les richeffes , qui contribuèrent
à la magnificence de la cour de Moskow , prefi£
que inconnue jufqu’alors.
Au midi de la province de Smolensko,' fe trouve
la province de Kiovie , qui eft la petite Ruße , la
Ruffîe rouge, qu YUkraine, traverfée par le Dnieper,
que les Grecs ont appellé Boriflhérie. La différence
de ces deux noms , l’un dur à prononcer, l’autre
mélodieux, fert à faire voir , avec cent autres preuves
, la rudeffe de tous les anciens peuples du nord ,
&les grâces de la langue grecque. La capitale K io u ,
autrefois K iovie, fut bâtie par les empereurs de Con-
ftantinpple, qui en firent unë colonie : on y voit
encore dçs inferiptions grecques dé douze cens années;'
Ve'ft la feule ville qui ait quelque antiquité,
dans ces pays où les hommes ont vécu tant de fie-
cles , fans bâtir des murailles. Ce fut - là que les
grands ducs de Ruffîe firent leur réficlençe dans l’on-
zieme fiecle , avant que les Tartàrès affërviffent la
R tß c . " I ß ; ' : ' ■ ■ ■ ■
■' Si vous remontez au nord-eft dé la province de
Kiovie , entre le Borifthene & le Tanais , c’eft le
gouvernement de Belgorod qui fe pféfënte : il étoit
auflî grand que celui cle Kiovie. C’eft une des plus
fertiles provinces de la Bouffie ; c’eft elle qui fournit à
la Pologne une quantité prodigieufe de ce gros bétail
qu’on connoît fous le nom de boeufs de L'Ukraine. Ces
deux provinces font à l’abri des incurfions des petits
Tartares par des lignes qui s’étendent du Borifthene
au Tanais, garnies de forts & de redoutes.
Remontez encore au nord, paffezle Tanaïs, vous
entrez dans le gouvernement de Véronifè , qui s*é*
tend jufqu’au bord des palus Méotides.
Vous trouvez enfuite le gouvernement de Nilch-
gorod fertile en grains , & traverfé par le Volga.
h De cette province , vous entrez au midi dans le
royaume ou gouvernement d’Aftracan. Ce royaume
qui commence au quarante-troifieme degré demi
de latitude , & finit vers le cinquantième, eft une
partie de l ’ancien Capshak , conquis par Gengis-
kan, & enfuite par Tamerlan ; ces tartares donnne-
rentVifqu’à Mofcou. Le czar Jean Bafilides, petit-fils
d’Ivan Bafiliovitz, &t le plus grand conquérant d’entre
les Ruffes, délivra fon pays du joug tartare , au fei-
fieme fiecle, & ajouta le royaume d’Aftracan à fes
autres conquêtes en 1554.
Au-delà du Volga & du Jaik, vers le feptentrion,
eft le royaume de Cafan , q u i, comme Aftracan ,
tomba dans le partage d’un fils de Gengis-kan, & en-
fuite d’un fils de Tamerlan , conquis de même par
Jean Balilide ; il eft encore peuplé de beaucoup de
tartares mahométans. Cette grande contrée s’étend
iufqu’à la Sibérie ; il eft confiant qu’elle a été florif-
fante & riche autrefois ; elle a coniervé encore quelque
refte d’opulence. Une province de ce royaume
appeilée la grande Permit, enfuite lt Solikam, étoit
l’entrepôt des marchandifes.de la Perfe, & des fourrures
de Tartarie.
Des frontières des provinces d’Arcangel, de Refan
, d’Aftracan , s’étend à l’orient la Sibérie, avec
les terres ultérieures jufqu’à la mer du Japon. Là font
les Samoyedes , la contrée des Oftiaks le long du
fleuve O b y , les Burates, peuples qu’on n’a pas encore
rendus chrétiens. ' .
Enfin la derniere province eft le Kamshatka, le
pays le plus oriental du continent. Les habitans
étoient absolument fans religion quand on l’a découvert.
Le nord de cette contrée fournit auffi de belles
fourrures ; les habitans s’en revêtoient l’hiver , &
marchoient nuds l’été. _
Voila les feize gouvernemens de la Ruffîe., celui de
Livonie, de Revel Ou d’Eftonie , d’Ingrie , de Vi-
bourg, d’Arcangel, de Laponie ruffe , de Mofcovie,
de Smolensko, de Nôvogorod, de Kiovie , de Belgorod
, de Véronifè , de Nitfchgorod , d Aftracan,
de Cafan & de Sibérie.
Ces gouvernemens compofent en général la domination
de la Ruffîe, depuis la Finlande à la mer du
Japon. Toutes les grandes parties de cet empire orit
été unies en divers tems, comme dans tous les autres
royaumes du. monde ; des Scythes , des Huns, des
MaffageteS;, des Slavons, des Cimbres , des Getes ,
des Sarmates, font aujourd’hui les fujets des czars ;
les Ruffes proprement dits , font les anciens Roxe-
lans ou Slavons.
La population du vafte empire de Ruffîe e ft, comme
je l’ai d it , la moindre qu’il y ait dans le monde,
à proportion de fon étendue. Par un dénombrement
de la capitation qui a été faite en 1747, il s’eft trouvé
fix millions fix cens quarante mille mâles ; & comme
dans ce dénombrement les filles & les femmes n’y
font pas comprifes, non plus que les ecclefiaftiques,
qui font au nombre de deux cens mille âmes, ôè l’e-
tat militaire qui monte à trois cens mille hommes ,
M. de Voltaire juge que le total des habitans de la
Ruffîe doit aller à vingt-quatre millions d’habitans ;
mais il faut fe défier de tous les dénombremens d’uri
pays que demandent parbefoinle.sfouverains, parce
que pour leur plaire , on a grand foin de multiplier,
d’exagérer , de doubler le nombre de leurs fujets.
Il eft très-vraiffemblable que la Ra//« n’a pas douze
millions d’habitans , & qu’elle a été plus peuplée
qu’aujourd’hui, dans le tems que la petite-verole venue
du fond de l’Arabie , &t l’autre venue d’Amérique,
n’avoient pas encore.fait de ravages dans ces
Tome X iV ,
climats où elles fe font enracinées. Ces deux fléaux,
par qui le monde eft plus dépeuplé que par la guerre,
font dus, l’un à Mahomet, l’autre à Chriftophe Co»
lomb. La pefte , originaire d’Afrique , âppfochoit
rarement des contrées du feptentrion. Enfin les peu»
pies du nord, depuis les Sarmates jufqu’aux Tarta»
res , qui font au-delà de la grande muraille , ayant
inondé lé monde de leurs irruptions, cette ancienne
pépinière d’hommes doit avoir étrangement diminue.
Dans cette vafte étendue de pays que renferme la
Ruffe ^ on compte environ 7400 moines, & 5600
religieufes, malgré le foin que prit Pierre le grand d©
le réduire à un plus petit nombre ; foin digne d’un
légiflateur. dans un empire où ce qui manque principalement
c’eft l’ efpece humaine. Ces treize mille
perfonnes cloîtrées & perdues pour l’état, ont foixan*
te-douze milleferfs pour cultiver leurs terres, & c’eft
évidemment beaucoup trop ; rien ne fait mieux voit
combien les anciens abus font difficiles a déraciner.
Avant le czar Pierre, les ufages, les vêtemens, les
moeurs en RuJJîe , avoient toujours plus tenu de PA*
fie que de l’Europe chrétienne ; telle étoit l’ancienne
coutume de recevoir les tributs des peuples en denrées
, de défrayer les ambaffadeurs dans leurs
routes & dans leurféjour, & celle de ne fe préfen-
ter ni dans l’églife , ni devant le trône avecune épée ,
coutume orientale oppofée à notre ufage ridicule &
barbare, d’aller parler à D ieu , au r o i, à fes amis &
aux femmes avec une longue arme oftènfive qui def-
cend au bas des jambes. L’habit long dans les jours
de cérémonie, étoit bien plus noble que le vetement
court des nations occidentales de l’Europe. Une tunique
doublée depeliffe, avec une longue fimarreenrichie
de pierreries dans les jours folemnels , & ces
, efpeces de hauts turbans qui élevoient la taille, étoient
plus impofans aux y e u x , que les perruques & le ju-
fte-au-corps , & plus convenables aux climats froids.
Cet ancien vêtement detous les peuples paroît feulement
moins fait pour la guerre , & moins commode
pour les travaux ; mais prefque tous les autres ufages
étoient greffiers. ^ 4
Le gouvernementreffembloit à celui desTurcs par
la milfee des ftrelits, q u i, comme celle des janiffai-
res, difpofa quelquefois du trône, & troubla l’état
prefque toujours autant qu’il le foutint. Ces ftrelits
étoient au nombre de quarante mille hommes. Ceux
qui étoient difperfés dans les provinces, fubfiftoient
de brigandages ; ceux de Moskou vivoient en bourgeois,
trafiquoient, nefervoient point, & pouffoient
à l’excès l’infolence. Pour établir l’ordre en Ruße, il
falloit les caffer , rien n’étoit ni plus néceffaire, ni
■ plus dangereux. _
Quant au titre de c\ar, il fe peut qu’il vienne des
t\ars ou thears, du royaume de Cafan. Lorfque le
fouverain de R u ß e , Jean ou Ivan Bafilides e u t , au
•feizieme fiecle, conquis ce royaume fubjugué par
fon aïeul, mais perdu enfuite , il en prit le titre qui
eft demeuré à fes fucceffeurs. Avant Ivan Bafilides,
les maîtres de la Ruße portoient le nom de veliki knés,
grand prince , grand feigneur, grand ch ef, que les
nations chrétiennes traduifent par celui de grand-duc.
Le czar Michel Frédérovits prit avec l’ambafladeholf-
tenoife , les titres de grandfeigneur & graneTknés, conservateur
de toutes Les Ruffies , prince de VoLodimzr ,
Moskou, Novogorod, &tc. t\ar de Cafan, tqar d Aßra-
can, t[ar de Sibérie. Ce nom des t{ars étoit donc le
titre de ces princes orientaux ; il étoit donc vraiflem-
blable qu’il dérivât plutôt des tshas de Perfe, que des
céfars de Rome, dont probablement les tzars libériens
n’avoient jamais entendu parler fur les bords
du fleuve Oby. , . f
Un titre tel qu’il foit, n’eft rien, ü ceux qui le por*-
tent ne font grands par eux-mêmes. Le nonï d empereur
. qui ne fignifioit que général £ armee , devint
r 1 K k k ij