On vantoït furtout ceux de Gomberviile, de la
Calprenede , de Delmarais, & de Scuderi. Mais ces
imitateurs s’efforçant mal-à-propos d’enchérir lur leur
original, & prétendant annoblir fes carafteres, tom-
berent dans la puérilité- Au lieu de prendre comme
M. d’Urfé pour leurs héros, des bergers occupés du
leul foin de gagner le coeur de leurs maîtrefies, ils
prirent, pour leur donner cette étrange occupation, -
non-feulement des princes 8c des rois , mais les plus
fameux capitaines de l’antiquité qu’ils peignirent
pleins du même efprit que ces bergers ; ayant à leur
exemple fait comme une efpece de voeu de ne parler
jamais 8c de n’entendre jamais parler que d’amour.
De cette maniéré, au lieu que M. d’Urfe dans fon
Aftrée, avoit fait des bergers très-frivoles, des héros
de roman confidérables, ces auteurs au contraire ,
des héros lés plus confidérables de l’hiftoire , firent
-des bergers frivoles & quelquefois mêmes des bourgeois
encore plus frivoles que ces bergers. Leurs ouvrages
néanmoins , ne laiflèrent pas de trouver un
nombre infini d’admirateurs, & eurent long-temsune
fort grande vogue.-
Mais ceux qui s’attirèrent le plus d’applaudiffemens,
ce furent le Cyrus 8c la Clélie de mademoifelle de
Scuderi, fôeur de l’auteur du même nom. Cependant
non-feulement elle tomba dans la même puérilité,
mais elle lapoufla encore à un plus grand excès. Au
lieu de repréfenter, comme elle devoit, dans la per-
fonne de Cyrus un roi tel que le peint Hérodote ,
•ou tel qu’il eft figuré dans Xenophon , qui a fait aufli
bien qu’elle un roman de la vie de ce prince ; au lieu,
dis-je, d’en'faire un modèle de perfe&ion, elle com-
pofa un Artamène, plus fou que tous les Céladons
8c tous les Sylvandres , qui n’eft occupé que du feul
foin de fa Mandane, qui ne fait du matin au foir que
lamenter, gémir 8c filer le parfait amour.
Elle a encore fait pis dans fon autre roman, intitulé
Clélie , où elle repréfente toutes les héroïnes 8c
tous les héros de la république romaine naiflante, les
Clélies , les Lucrèces, les Horatius Codés , les Mu-
tius Scevola, les Brntus, encore plus amoureux qu’Artamène
; ne s’occupant qu’à travers des cartes géographiques
d’amour , qu’à fe propofer les uns aux
autres des quefiions 8c des énigmes galantes, en un
;mot, qu’à faire tout ce qui paroît le plus oppofé au
caraftere 8c à la gravite héroïque de ces premiers
Romains. Voilà d’excellentes remarques de M. Def-
preaux.
Madame la comtefle de la Fayette dégoûta le public
des fadaifes ridicules dont nous venons de parler.
L’on vit dans fa Zaïde 8c dans fa Princefle de Cle-
ves des peintures véritables, 8c des avantures naturelles
décrites avec grâce» Le comte d’Hamilton eut
l’art de les tourner dans le goût agréable 8c plaifant
qui n’eft pas le burlefquede Scarron. Mais la plupart
des autres romans qui leur ont fuccédé dans ce fiecle,
font ou des produftions dénuées d’imagination,
ou des ouvrages propres à gâter le goût, ou ce qui
eft pis encore, des peintures obfcènes dont les honnêtes
gens font révoltés. Enfin, les Anglois ont heu-
reufement imaginé depuis peu de tourner ce genre
de fixions à des chofes utiles,; 8c de les employer
pour infpirer en amufant l’amour des bonnes moeurs
8c de la v e r tu p a r des tableaûx fimples, naturels 8c
ingénieux , des événemens de la vie. C’eft ce qu’ont
exécuté avec beaucoup de gloire 8c d’efprit, MM.
Richardfon 8c Fielding.
Les romans écrits dans ce bon goût, font peut-être
la derniere inftruâion qu’il refte à donner à une nation
aflez corrompue pour que tout autre lui foit inutile.
Je voudrois qu’alors la compofition de ces livres
ne tombât qu’à d’honnêtes gens fenfibles , 8c
dont .le coeur fe peignît dans leurs écrits, à des auteurs
qui ne fuifent pas au-defiùs des foiblefîes de
l ’humanité, qui ne demontraflent pas tout d’un coup
la vertu dans le ciel hors de la portée des hommes ;
mais qui la leur fiflîent aimer en la peignant d’abord
moins auftere , 8c qui enfuite du fein des paflions ,
où l’on peut fuccomber 8c s’en repentir, fçuflent les
conduire infenfiblement à l’amour du bon 8c du bien.
Ç ’eft ce qu’a fait M. J. J. Roufleau dans fa nouvelle
Héloïfe. _
Il femble donc, comme d’autres l’ont dit avant moi |
que le roman 8c la comedie pourroient etre auflî
utiles qu’ils font généralement nuifibles. L’on y voit
de fi grands exemples de confiance , de vertu, de
tendreflé , 8c de défmtéreffement, de fi beaux, 8c de
fi parfaits cara&eres , que quand une jeune perfonne
jette de là fa vue furtout ce qui l’entoure,ne trouvant
que des fujets indignes ou fortàu-deflous de ce qu’ elle
vient d’admirer, je m’étonne avec la Bruyere qu elle
foit capable pour eux de la moindre foiblefle.
D’ailleurs on aime les romans fans s’en douter1 à
caufe des paflions qu’ils peignent, 8c de l'émotion qu’ils
excitent. On peut par conféquent tourner avec fruit
cette émotion 8c ces paflions. On reufliroit d’autant
mieux que les romans font des ouvrages plus recherchés
, plus débités, 8c plüs avidemment goûtés , que
tout ouvrage de morale,8c autres qui demandent une
férieufe application d’efprit. En un mot , toute le
monde eft capable de lire les romans , prefque tout
le monde les l i t , 8c l’on ne trouve qu’une poignée
d’hommes qui s’occupent entièrement des fciences
abftraites de Platon, d’Ariftote, ou d’Euclide. ( Le
chevalier D E J A V CO URT .')
R o m a n de chevalerie, ( Belles-Lettres. ) il paroit
que le régné brillant de Charlemagne a été la lource
de tous les romans de chevalerie , 8c de la chevalerie
elle-même, fans qu’on voye encore dans ce régné ,
ainfi que dans les iiecles luivans, la valeur des chevaliers
décider prefque feule du fort des combats ;
mais on y remarque déjà des faits d’armes particuliers.
Quoi qu’il en foit, le roman de Turpin, archevêque
de Reims, ce roman qu’on peut regarder comme
le pere de tous les romans de chevalerie, n’a guere
été compofé, félon l’opinion commune, que fur la
fin du xj. fiecle, environ 250 ans après la mort de
Charlemagne.
Gryphiander prétend qu’un moine nomme Robert
eft auteur de cette chronique, 8c qu’elle fut écrite
pendant le concile de Clermont aflemblé par Urbain
IL en l’année 1095. Pierre l’Hermite préchoit alors
la première croifade, 8c l’objet du roman a confiant-
ment été d’échauffer les efprits, 8c de les animer à
la guerre contre les infidèles. Le nom de Turpin eft
fuppofé, 8c le moine eft certainement un fort mauvais
hiftorien.
La valeur de Charlemagne, fes hauts faits d’armes
égaux à ceux des chevaliers les plus renommés, la
force 8c l’intrépidité de fon neveu Rolland, font bien
marqués au coin de la chevalerie qui s’introduifit
depuis fon régné. Durandal eft une épée qüe tous les
romanciers ont eu en vue dans la fuite ; elle coupe
un rocher en deux parts, 8c fait cette grande operation
entre les mains de Roland affoibli par la perte
de fon fang. Ce héros mourant fonne de fon cors
d’ivoire , 8c fon dernier foupir eft fi terrible, que le
cors en eft brifé. Ces prodiges de force rapportés
fans néceflïté , donnent à entendre qu’ils étoient reçus
dans le tems que la chronique a été compofée ,
8c que l’auteur a feulement voulu parler la langue
de fon tems*
Il paroit par la leûure de Turpin, que les chevaliers
n’étoient connus ni de nom ni d’effet, avant le
régné de Charlemagne, ni même durant fon régné:,
ce que prouve encore le filence des hiftoriens contemporains
de .ce prince , ou qui ont écrit peuaprès
ja mort. Ainfi, c’e.ft dans l’intervalle de la vie de ' ce
grand roi 8c de celle du prétendu Turpin , qu’il faut
placer les premières idées dé la chevalerie > 8c de
tous les romans qu’elle a fait cOmpofer.
La chevalerie paroit encore avoir tiré fon luftre
de l’abus des légendes.; le cara&ere de l’efprit hu- '
main avide du merveilleux, en a augmenté la confi- ‘
dération ; 8c les rois l’ont autorifée , en fpumettant
à quelques ’.èfpeces de formes, d’ufages 8c de lois,
dés nobles qui enivrés de leur propre valeur, étoient
portés à s’ériger en-tyrans de leurs propres vaffaux.
On ne négli gea rien dans ces premiers tems, de ce
qui pouvpù infpirer à ces hommes féroces, l’honneur
la juftiçe , l'a défenfe de ia veuve 8c de l’or-1
phelin ^ enfin l’amour des dames. La réunion de tous
cés points a produit iïtccëfïïvement des ufageS 8c des
lois qui fervirent de frein à ces hommes qui n’en
avoient aucun, 8c que leur indépendance jointe â ià
plus grande ignorance, rendoitfortà craindre.
Les idées 8c les ouvrages romanefqües pafîerent
de France en Angleterre. Geoffroi de Monmoiifh p'a-
roit^tPeï’bî‘îguà'a'1 du Brut: "
Le roman de Sangreat compofé par Robert de
Broon eft plus chargé d’amour 8c de galanterie que
les précédens ; les idées romanefqües gagnèrent de
plus en plus. C’eft ce roman qui donna lieu aux principales
avantures de la cour au roiArtus. Ces mêmes
ouvrages fe multiplièrent, 8c devinrent en grande
vogue fous le régné de Philippe7e Æe/, né en 1268,
8c mort en 1314. Depuis ce tems-là ont paru tous
nos autres romans de chevalerie, comme Amadis de
Gaule, Palmerin d’O liv e , Palmerin d’Angleterre,
8c tant d’autres, jufqu’au tems de Miguel Cervantès
Sauvedra, efpagnol. ! - ;; ' '
Il avoit été fecrétaire du duc d’Albe, 8c s’étant retiré
à Madrid , il y fut traité fans confié ération par
le duc de Lerme , premier miniftre de Philippe III.
roi d’Efpagne. Alors Cervantes, pour fe venger de
ce miniftre qui méprifoit les gens de lettres, 8c qui
tranchoit du héros chevalier , compofa le roman de
dont Quichotte, ouvrage admirable, 8c fatyretrès-fine
de toute la nobleffe efpagnole qui étoit alors entêtée
de chevalerie. Il publia le première partie de
ce roman ingénieux en 1605, foconde en 1615 ,
8c mourut fort pauvre vers l’an 1620 ; mais fa réputation
ne mourra jamais.
L’abolifiement des tournois, les guerres civiles 8c
étrangères , la défenfe des combats finguliers, l’ex-
tin&ion de la magie, du fort 8c des enchantemens,
le jufte mépris des légendes , en un mot, une nouvelle
face que -prit la France 8C l’Europe fous le
régné de Louis XIV. changea la bravoure 8c la galanterie
romanefque dans Une galanterie plus fpiri-
tuelle 8c plus tranquille. On vint à ne plus goûter les
faits inimitables d’Amadis.
Tant de châteaux forcés, de gèans pourfendus ,
De chevaliers occis, d'enchanteurs confondus . . .
On fe livra aux charmes des deferiptions propres
à infpirer la volupté de l’amour, à Ces mouvemens
heureux 8c paifibles, autrefois dépeints dans les ro-
, rndns grecs dit moyen âge ; aux douceurs d’aimer ou
d’être aimé, en un mot, à tous ces tendres fentimens
qui font décrits dans l’aftrée de M. d’Urfé.
où dans un doux repos
L'amour occupe feul de plus charmans héros . . .
Enfin l’on a vu paroître dernièrement dans ce
royaume un nouveau genre de galanterie hermaphrodite,
qui n’eft certainement pasflatteufe, Ou,
pour mieux dire , qui n’eft qu’un menfonge peu délicat
du plaifir des iens. (D . ƒ.)
ROMANCE, f f. ( Littèrat. ) vieille hiftoriette
écrite en vers fimples, faciles 8c naturels.. La naïveté
eft le caraftereprincipal de la romance, Cepoë-*
me fe Chante; & lamufi'que françoife, loürd'e& riiai-
fe e ft , à ce me lemble, très-propre à la romand ; la
romance eft divifée par fiances. M. de Montgrif en
à compofé un grand nombre. Elles font toutes d’un
goût exquis, 8c cette feule portion de fes ouvrages
fuffiroit pour lui faire une réputation bien méritée.
Tout le monde fait par coeur la romance d’Alis 8c
d’Alexis. On trouvera dans cette pièce des modèles
de prefque toutes fortes de beautés, par exemple *
dé récit;'
Con]ciller & notaire
Arrivent tous ;
Le curé faitfonminiflere,
Ils font épouxv
dé défeription :
En lui toutes fleurs de jeUneffi
Apparoiffoient ;
Mais longue barbe $ air de trijhjfe
Les lerniffoitnt.
Si de jeuneffe on doit attendre
Beau coloris ;
Pâleur qui marque une ame tendre,
A bien fon prix.
de délicatefle 8c de vérité :
Pour chaffer de la fouvend.net
L'ami fecret,
On reffent bien de la fouffrance
Pour peu (Teffet :
Une f i douce fantaifit
Toujours revient
En fongeant qu'il faut qiion toublie £
On s'en f ouvrent.
de poéfie, dé peinture, de forcé , de pathétique 81
de rithme :
Depuis cet acte de fa rage *
Tout effrayé,
Dès qu il fait nuit, il voit l'image
De fa moitié ;
Qui du doigt montrant la bleffurc
De fon bèàufein,
Appelle avec un long murmure ,
Son affajfin-.
Il n’y a qu’une oreille faite au rithme de la poéfiéj
8c capable de fentir fon effet, qui puifie apprécier
l’énergie de ce petit vers tout effrayé, qui vient fubi-
tement s’interpofer entre deux autres de mefure plus
longue.
ROMANCHE l a , ( Géog. mod. ) riviere de France
, en Dauphiné. Elle a fa fource dans les montagnes
qui féparent le Briançonnois du Gréfivaudan,
8c° elle fe jette dans le Drac, un peu au-defliis de
Grenoble. ( D . /.)
ROMANCIER, f. m. ( Gram. & Litt.) auteur qui
a compofé des romans. On donnoit le meme nom
aüx poëtes du dixième fiecle.
ROMAND le , ( Géog. mod. ) pays de la Suifle,
borné par la Savoie , le Vallaîs, le pays de Gex 8c
la Franche-Comté. Il eft poffédé par les Bernois 8d
les Fribourgeois, ou plutôt prefque entièrement par
les Bernois. Sa longueur eft d’environ 24 lieues, à
compter depuis Genève jufqu’à Morat ; ce qui appartient
aux Bernois comprend plus de cent cinquante
paroiffes, 8C forme treize bailliages, fans
compter ceux d’Orbe 8c de Grançon , que les Ber-“
nois pofledent par indivis avec les Fribourgeois*
M 8
ROMANE LANGUE, ( Hifi. des tangues. ) ou romance
, 8c par quelq ues-uns romans ou romant ; c’etoit,
une langue compofée de celtique 8c du latin , mais
dans laquelle celle-ci l’emportoit aflez po.ur qu’on