profeffo du choix des veines'; ils paroiffent cependant
avoir tous penle que la /clignée détenninoit le lang à
couler du côté de la veine ouverte. Ils ont au-moins
pofé ce fyftème , comme un principe dont ils tiroient
des conséquences. .
On eft lurpris quand on voit Stahl, qui regardoit
la plupart dés maladies , comme des efforts làlutai-
res dé l’ame , qui tend à fe déharrafler de la matière
morbifique; qui eft d’après ce principe, très-avare
de remedes, preferire la faignée dans un grand nombre
de cas, où les Médecins la regardent comme dan-
gereufe 6c même nuifible. Telles l'ont la phtiiie, la
paflion hypocondriaque, les fleurs blanches, la vomique
, Pempy eme 6c quelques autres maladies chroniques
; tandis qu’il en faifoit un très-petit ufage dans
la pleuréfie , les convullions 6c les maladies analogues,
qu’il l’interdifoit dans toutes les fîevres aiguës
où la pléthore n’ eft pas évidemment grave , lurtout
après le 3 ou 4e. jour , 6c dans les fîevres pétéchiales
; s’il l’abandonnoit dans ces cas , il s’en fervoit
au contraire fréquemment pour prévenir un grand
nombre de maladies tant aiguës que chroniques, telles
que la goutte, la colique néphrétique, le rhuma-
tifine, les hémorragies. La faignée du pié n’eft point,
félon lui, contreindiquée par la groffeffe. Il s’élève
contre les médecins qui font trop d’attention à l’âge
du malade. Il la défend au milieu de l’été, 6c veut
qu’on ait égard auxphafes de la lune. Il s’étoit fournis
lui-même à cette loi. Il raconte ( dans fes commentaires
fur le traité de l’expeftation de Gédeon Har-
vée ) qu’à l’âge de foixante-neuf ans , il venoit d’éprouver
la cent-deuxieme f ùgnèe, depuis celui de,
dix-fept : 6c qu’aucune d’elles n’avoit été faite fans un
foulagement évident.
Hoffman eft encore plus prodigue de fang que
Stahl ; il place la faignée au-deffus de tous les autres
remedes; il la reconnoit comme un grand préierva-
t if des maladies , qu’il conleille prefque à tout le
monde, deux, trois ou quatre fois par an , dans les
folftices & les équinoxes. A peine reconnoit-il qu’elle
affoiblitreftomac, & qu’elle ralentit la tranlpiration.
Prefque toutes les maladies aiguës 6c chroniques exigent
félon.lui, \a faignée. L’hydropifie même en reçoit
dans bien des cas , un grand foulagement ; 6c à
ce fujet il appuie fon expérience de l’autorité d’Hip-r
pocrate , d’Alexandre de Tralles, de Paul d’OEgine,
6c de Spon qui rapporte dans fes nouveaux aphorif-
mes d’Hippocrate, qu’il a Vu un hydropique guéri
par vingt jaignées, auqueftous les diurétiques ÔC les
hydragogues avoient été nuifibles. Il l’exclut à peine
dans i’afeite 6c la tympanite. Il feroit trop long
de rapporter toutes les maladies où il la conleille ; il
.fuffit. de dire qu’il en fait une panacée, contre laquelle
il trouve très-peu de contre-indications.
Nous voici parvenus au célébré auteur qui a fu
allier la théorie la plus faine 6c la plus lumineule, à
l’expérience 6c aux fuccès leg plus décidés : la médecine,
moderne à l’hippocratique. Boerhaavjs, lans
fe prévenir pour auçun remede, les a tous connus,
k s a tous appréciés, 6c nous a, laide dans fes apho-
rifmes & fes inftituts, les réglés les plus fùres qù’on
connoifle jufqu’à préfent, dans un art où nous venons
de rencontrer autant de contradifteurs que d’auteurs.
C e grand homme met des fages bornes à la
faignée. La pléthore , l’épaififlement inflammatoire
du fang , fa raréfa&ion,. 6c toutes, les maladies qui
en font la fuite, les inflammations tant internes qu’externes,
les délires phrénqtiques, les hémorragies
qui ne-viennent point de la difiblution du fang, la
trop grande force, la rpideur des folides, le mouvement
accéléré des fluides , k s douleurs: vives , les
çontufions indiquent , félon,lui, la faignée, tandis
que le défaut de partie rouge dans le fang, les éde-
mes, les engorgemens fereux, l’âge trop ou trop peu
avancé , les fièvres intermittentes, la tranfpiration
arrêtée, la foiblelie du corps, la lenteur de la circulation
, en font les principales contre-indications. Il
veut qu’on faigne dans les grandes inflammations internes
, avant la réfolution commencée, avant le
troifieme jour fini, par une. large ouverture faite à
un gros vaiffeau ; qu’on laifle couler le fang jufqu’à
une légère défaillance, 6c qu’on la répété jufqu’à ce
que la croûte inflammatoire foit diflipée. Il ioupçon-
ne que les faignées abondantes pburroient écarter la
petite verole, ou difliper la matière varioleufe fous
une forme plus avantageufe que l’éruption. Quant
au choix des veines, il confeille la faignée du pié dans
le déliré fébrile 6c la phrénéfxe, celle de la veine du
front 6c de la jugulaire dans les mêmes maladies 6c
dans l’apoplexie.
Ayant commencé ce précis des fentimens que les
célébrés médecins ont eu fur la piignéc par Hippocrate,
nous ne pouvions mieux le finir que par Boerhaa-
ve. L’accord qui fe trouve entre ces grands hommes,
prouve en même tems que .la vérité n’eft qu’une, 6c
qu’ils l’ont tous les deux connue & enfeignée.
Effets de la faignée. Pour donner une idée exafte
des effets de la faignée, il faut d’abord les confidé-,
rer dans l’état le plus fimple, dans un adulte fain, 6c
bien conftitué. Nous, les examinerons enfuite dans,
les différentes maladies, lorfque nous parlerons de
fon ufage.
L'expérience faite fur l’homme ouïes animaux vi-
vans , peut feule être notre guide ; toute autre nous
conduiroit à l’erreur. Nous voudrions en vain appliquer
l’hydraulique au méchanifme animal, l’erreur
qui en naîtroit, feroit d’autant plus dangereufe, que
nous nous croirions fondés fur le calcul, que nous
établirions peut-être , comme tant d’autres, notre
édifice fur de faillies fuppofitions, que nous oublierions
que tous les problèmes de cette fcience n’ont
pas été réfolus , 6c que la plupart des caufes particulières
qui meuvent les fluides dans l’animal vivante
nous eft inconnue.
Le long détail hiftorique que nous avons donné ,
nous difpenfe de l’ennui des citations; après avoir vu
les Médecins perpétuellement en contradiction en-*
tr’eux , ou avec eux-mêmes, leur autorité toujours
balancée ne lauroit être pour nous d’aucun poids ,
lorfqu’ils n’apporteront pas des expériences claires ,
précifes,concluantes. Nous faifant gloire de fecouer
à cet égard tout p réjugé, c’eft à cette même expérience
6c au raifonnement le plus fimple, à nous conduire
, .6c à amener les conféquences pratiques que
nous verrons dans la derniere partie..
Si j’ouvre un vaiffeau fanguin, veineux, ou artériel,
peu importe, dans lequel la circulation ne foit
gênée par aucune ligature, le fang qui ( conformément
au méchanifme de tous les animaux ) eft refferré
dans fes vaiffeaux, qui eft toujours prêt à s’échapper
, profite de ce nouyeau paffage, 6c s’écoule
dans une quantité proportionnée à la preffion, au
mouvement qu'il effuie , à fa fluidité, 6c à l’ouverture,
au calibre du vaiffeau. Le jet ferajfoutenu avec
la même force, ou diminuerainfenfiblement, fi le
yaiffeau eft veineux : il ira par bonds, s’il eft artériel.
On conçoit aifément,d’après les lois de la ciry,
culation , que l’un 6c l’autre jets fuivent le mouvement
imprimé par le coeur, immédiatement dans les
artères, 6c modifié par i’a&ion des mufcles 6c des
vaiffeaux capillaires dans les veines ; on fent aufli
que la plus grande partie du fang qui fort par l’ouverture
, eft fournie dans les arteres par le courant
qui eft entre cette ouverture 6c le coeur, dans les
veines entr’elle 6c les extrémités.
Lorfque le vaiffeau ouvert eft mince, jufqu’à un
certain point, le fang ne peut fortir que goutte-à-
goutte ; la même choie arrivera à un gros vaiffeau ,
fl
fi l’ouverture êft très-petit* ; mais û elle eft aufli
grande que Jk calibre de ce grog vaiffeau, la colomne
de fang qui fo préfçntç à la çire 1 dation , fe partagera
en deux portions inégales ; l’une fuivra lp coins naturel,
l’autre s’échappera parla plaie. Cette fécondé
fera piusconfidérabk <iue la première, parce que le
fang n’aura point,à vaincre la réfiftance que préfente
la colomne de fang contenue dans les veines entre le
çoeur 6c la plaie , dans les arteres , entre cette dernière
6c les extrémités. Si au.contraire cette ouverture
eft plus grande que lp calibre du vaiffeau , le
fang refferré , comme nous l’avons v u , cherchant à
s’échapper, fe je.trant avec précipitation dans l’endroit
oit il trouve le moins d’obftacles, accourra
des deux côtés de la veine ou de l’artere, les deux
çplomnes de fang Ce heurteront par des mouvemens
direâs & rétrogrades, pour fortir par la plaie. Quoique
le mouvement dire# foit toujours le plus fo r t ,
il n’empêchera pas que la colomne rétrogradé ne
foyrniflè à l’évacuation, plus ou moins, luivant la
grandeur de l’ouverture. C ’eft cette expérience faite
par de Heyde contre Bellini, que M. de Haller a répétée
une multitude de fois, de differentesmanieres,
qui fert de bafe à la théorie que ce dernier donne de
bjhignù.
Pendant que le iàng s’écoule, il arrive que la co-
lomnç de fang qui vient immédiatement du coeur
dans les arteres, qui çft obligée de traverfer les vaiffeaux
capillaires pour remplir les veines, rencontrant
moins d’obftacles, à rai fon de l’augmentation
des orifices par Iefquels elle doit s’échapper, accéléré
fon mouvement. Les vaiffeaux collatéraux, en
comprimant le fang qu’ils contiennent, en cherchant
à rétablir l’équilibre , envoyent une partie de ce
fang dans le vaiffeau où il éprouve le moins de ré-
fiftance. Mais ( ce qu’il eft très-important de remarquer
) le vaiffeau ouvert contient moins de fang, fes
parois font plus rapprochés qu’ils n’étoient avant la
faignée; & quoique dans un tems donné, il s’écoule
à-travers le vaiffeau, une plus grande quantité de
fang, l’augmentation, loin d’être fripérieure à la perte
, lui eft toujours inférieure, par le frottement qui
y met un obftacle, la force d’inertie, 6c le tems né-
ceflàire pour qu’il parcoure l ’efpace compris entre le
iieu d’où il part, &c l’ouverture du vaiffeau. Bientôt
ce mouvement fè communique des vaiffeaux collatéraux,
fucceifivement à tous ceux qui parcourent
k corps , fanguins , féreux, bilieux, &c. mais d’autant
plus foiblement, dans un efpace de tems d’autant
plus long, qu’ils font plus éloignés, plus-petits,
6c pins hors du courant de la circulation du fang contenu
dans les vaiffeaux qu’on évacue , ou dans ceux
qui y correfpondent immédiatement.
, Cet afflux de fang augmenté pendant la faignée dans
k vaiffeau ouvert, a été appelle par les Médecins
dérivation ; cette diminution de la quantité de fang
contenu dans des vaiffeaux les plus éloignés, qui
vient fe.rendre au lieu ouvert ,o u qui coule en moindre
quantité dans cette partie éloignée, parce qu’il
faut que le coeur fournifl’e davantage au vaiffeau k
pliis vuide, parce que lefang fé jette toujours du côté
de la moindre, réliftance, s’appelle révulfion. Juf-
que-là tous des Médecins font d’accord enîr’eux de
cet effet pendant la faignée fans ligature ; mais, s’ils
apprétient la quantité de la dérivation & celle deda
révulfion v omies voit fe partager. Les uns avec Bel-
Uni 6c S y lv a , prétendent que le vaiffeau ouvert eft
plus plein pendani la faignée , qu’il ne l’étoit avant ;
que la rév.ulfion eft d’autant plus grande que le vaif-
*eau eft plus éloigné. Les autres , avec MM.Senac
& Quefnay, appel lans à leur, appui toutes les Lois de>
Bhydrauliq,ue jdtbutes 'les lumier.es de la raifon 6c
Inexpérience médicinale, conviennent que dans un
terns donné , il cùxule une plus grande quantité de
Tome X Iy .
^ D g .ém 1« væ fem ouvHct. ipradant hfaigalc ,
qu’avant ou après ; mais que le vaiffeau refferré contient
réellement ,une moindre quantité dedang, qui
•circule plus vite. Us infiftent’& prouvent que la ré-
yulfion eft d’autant moindre,.qu’elle fe fait dans une
partie plus éloignée. Ils fe tient de ceux qui voulant
ralentir 6c diminuer l’eau qui s’écoule par un canal
qui répond à un baflin commun , vont chercher le
point le plus éloigné, pour y faire une ouverture-,
6c craignent qu’en doublant le diamètre de ce canaL
.dont l’entree .ne varie point, ils. n’y attirent un dé^-
bordement.
Voilà ( f i nous ne nous trompons ) le fond de -ees
difputes / vives 6c intéreffantes , agitées entre de
grands hommes armés de calculs les uns 6c les autres
lur la dérivation 6c la révulfion, dans lefquelles on
eft étonné que la préoccupation ait étouffe la raifon
la plus fimple 6c la plus naturelle, au point de voir
des hommes refpeftables recourir à des explications
forcées , admettre fans cefl’e de fauffes fuppofitions ,
pour accommoder 6c expliquer par leurs fyftèmes ,
des expériences qu’ils ne pou voient révoquer en doute
, & qui les accabloient: telles que l’avantage de
h faignée à la jugulaire dans les pléthores particulio-
jes de la tê te , qui caufent des céphalalgies. Nous aurons
lieu d’examiner cet objet plus en détail; paffons
aux autres effets de la faignée.
Si le fang ;coule goutte-à-goutîe, il fe formera peu-
à-peu fur les bords de la plaie un caillot, par l’applî-
.cation 6c la coalition fucceflive de la partie rou^e du
fang cpaiflie , deflèchee par le defaut de mouvement
& le contaéf de l’air. Ce caillot obfervé fi conftam-
ment par M. de.Haller, arrêtera l’hémorragie, collera
les bords de la plaie, 6c enfin laiffera voir la cicatrice
par fa chûte. Cette cicatrice refferrera le vaiffeau
, en diminuera le diamètre dans l’endroit où elle
fe trouvera placée, à moins qu’il ne fur vienne à l’ar-
tereun anevrifme auquel la-force & l’inégalité du jet
donneront iieu, en dilatant les membranes affoiblies
par la plaie , en empêchant la réunion de la plus intérieure
: ce qu’on peut prévenir par les moyens dé-
taillés, lorfqu’il a été queftion des acc'idens qui peuvent
fuivr.e la faignée. Poye^ A n e v r ism e .
Si on enleve le caillot avant la réunion de la plaie,
6c que le vàiffeau foit confidérable, les fymptômes
^>récédens fe renouvelleront, le faigné tombera en
défaillance, la circulation fera interrompue dans tout
le corps, 6c l’hémorrhagie arrêtée par ce nouvel accident.
Ce dernier effet fera d’âutant plus prompt,
que le fang coulera en plus grande quantité'dans un
tems donné. 11 fera dû à l’état des vaiffeaux fanguins
6c du -coeur , qui n’étant pas remplis au pdint nécef-
faire pour la propagation du mouvement, fufpen-
dront leur aû ion ju fq u ë à ce que la natiire effrayée
ranimant fes forces, faffe refferrer le calibre de tous
les vaiffeaux,£c foutienne cette comprefîïon du fang
néceffaire à la vie. Si alors le fang s’échappe de nouveau
, le caillot à la formation duquel la défaillance
donne lieu, ne s’étant point forme parla difiblution
du fang, ou par la force avec laquelle il eft pouffé.,
la compreflion étant détruite aufli tôt que formée
les défaillances répétées amèneront la mort.
Si au contraire l’hémorrhagie eft arrêtée naturellement
ou artificiellement, le reflerrement général
&.proportionné de tous les vaiffeaux, & la loi pofée
que le fang en mouvement fetourne toujours du côté
-où il trouve moins d’obftacles, feront que l’équilibre
fe rétablira bientôt dans les vaiffeaux fanguins ; de
maniéré que Chacun d’eux éprouvera une perte proportionnelle
à Ion calibre. Cette perte fe propagera
liicceffivement dans les vaiffeaux léreux, &c. qui enverront
leurs fucs remplacer en partie le fang évacué
, ou qui en fépareront une moindre quantité.
Par l’augmentation de ces liqueurs blanches avec
S s s