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Chirurgie , par les quatre chirurgiens ordinaires du
roi en (on châtelet, & par les quatre jurées fages-
femmes dudit châtelet, en préfence du doyen de la
faculté de Médecine , des deux médecins du Châtelet
, du doyen des Chirurgiens, &c de huit autres
maîtres en chirurgie. Si l’afpirante eft jugée capable,
■ elle eft reçue fur le champ, & on lui fait prêter le
ferment ordinaire, dont les principaux points font
de ne donner aucun médicament capable de caufer
l’avortement, & de demander du feco.urs des maîtres
de l’a r t , dans les cas épineux & embaraflans.
Pour les Jages-femmes de village, on n’exige point
d ’apprentiflage. Toute afpirante à l’art des àccouche-
mens eft admife à l’examen pour la maîtrife, en rapportant
un certificat'de bonnes vie &.moeurs, délivré
par fon curé, qui ordinairement ne le donne qu’à
celle dont les femmes de fa paroiffe ont pour agréable
de fe fervir dans leurs aecouchemens. Cette afpirante
eft enfuite interrogée, moins pour donner des preuves
de la capacité , que pour recevoir des inftruc-
tions par le lieutenant du premier chirurgien du ro i,
les prévôts & deux maîtres , fur les difficultés qui fe
préfentent aux fâcheux aecouchemens.
M. de la P eyronie, premier chirurgien du ro i, a
fondé par fon teftament deux profeffeurs & démonf-
trateurs pour les aecouchemens aux écoles de Chirurgie.
Chaque année ils font, l’un un cours pour les
fages-femmes Scieurs apprentiffes, l’autre pour les élevés
en chirurgie. II étoit perfuadé qu’une partie aufli
effentielle de l’art devoit être enfeignée pour l’utilité
publique par des hommes confommés dans la théorie
& dans la pratique des aecouchemens.
Il y avoit une loi parmi les Athéniens qui défen-
doitaux femmes d’étudier la Médecine. Cette loi fut
abrogée en faveur d Agnodice ^ jeune fille qui fe dé-
guifaen homme pour apprendre la Médecine, & qui
fous ce déguifement pratiquoit les aecouchemens ;
les Médecins la citèrent devant l’aréopage ; mais les
follicitations des dames athéniennes qui intervinrent
dans la caufe, la fit triompher de fes parties adver-
fes ; & il fut dorénavant permis aux femmes libres
d’apprendre cet art. Voye\ le dictionnaire de Bayle au
mot Hiérophile, remarque A. £ T )
SAGEMENT , ( Maréchal. ) mener fon cheval
fagement, c’eft le mener fans colere , & fans le fatiguer.
SAGENE , f. f. ( mefure de longueur. ) mefiire dés
Ruffes équivalente à fept piés d’Angleterre. Cinq
cens fagenes font un vert. Tranfacl. phllof. n°. A4S. BUl SAGESSE, V E R TU , ( Synonym. ) la fagejfe con-
fifte à fe rendre attentif à fes véritables & folides intérêts
, à les demêler d’avec ce qui n’en a que l’apparence
, à choifir bien , & à fe foutenir dans des
choix éclairés. La vertu va plus loin ; elle a à coeur le
bien de la fociété ; elle lui facrifie dans le befoin fes
propres avantages, elle fent la beauté & le prix de
ce facrifice , & par-là ne balance point de le faire ,
quand il le faut. (D. /.)
SAG E S S E , ( Morale. ) la fagejje confifte à remplir
avec exactitude fes devoirs, tant envers la divinité
, qu’envers foi-même & les autres hommes.
Mais où trouvera-t-elle des motifs pour y être fidèle
, fi ce n’eft dans le fentiment de notre immortalité?
Ainfi l’homme véritablement fage eft un homme
immortel, un homme qui fe furvit à lui-même, &
qui porte fes efpérances au-delà du trépas. Si nous
nous renfermons dans le cercle étroit des objets de
ce monde, la force que nous aurons pour nous empêcher
d’être avares, confiftera dans la crainte de
faire tort à notre honneur par les baffeflès de l’intérêt
; la force que nous aurons pour nous empêcher
d’être prodigues, confiftera dans la crainte de ruiner
nos affaires, lorfque nous afpirons à nous faire efti-
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mer des autres par noslibéralités. La crainte des nia*
ladies nous fera réfifter aux tentations de la volupté:
l’amour-propre nous rendra modérés & circonfpe&s,
& par orgueil nous paroîtrons humbles & modeftes.
Mais ce n’ eft-là que pafl'er d’un vice à un autre. Pour
donner à notre ame là force de s’élever au-deffus
d’une foibleffe, fans retomber dans une autre, il'faut
la faire agir par des motifs bien fupérieurs. Les vues
du tems pourront lui faire facrifier une pafîion à une
autre paflîon ; mais la vue de l’éternité feule enferme
des motifs propres à l’élever au-deffus de toutes les
foibleffes. On a vu des orateurs d’une fublime éloquence
ne faire aucun effet, parce qu’ils ne favoient
point intéreffer, comme il faut, la naturë immortelle.
On en a vu au contraire d’un talent fort médiocre,
toucher tout le monde par des difeours fans art,
parce qu’ils prenoient les hommes par les motifs de
l’éternité. C ’eft du fentiment de notre immortalité
que nous voyons fortir tout ce qui nous confole ,
qui nous éleve & qui nous fatisfait. Il n’y a que
l’homme immortel qui puiffe braver la mort: lui feul
peut s’élever au-deffus de tous les évenemens de ce
monde, fe montrer indépendant des caprices dufort,
& plus grand que toutes les dignités du monde. Que
cette infenfibilité faftueufe dont les Stoïciens paroient
leur fàge, s’accorde mal avec leurs principes! Tandis
que vous le renfermez dans l’enceinte des chofes
fragiles & périffables, qu’exigez-vous de lui ? Quel
motif lui fourniffez-vous pour le rendre fupérieur à
des chofes qui lui procurent du plaifir? L’homme étant
né pour être heureux, & n’étant heureux que par les
fentimens délicieux qu’il éprouve, il ne peut renoncer
à un plaifir que par un plus grand plaifir. S’il fa-
çrifiefon plaifir à une vertu ftérile, vertu qui laiffe
l’ame dans une molle inaftion, où fon aéfivité n’a
rien à-faifir, ce n’eft chez lui qu’une vaine oftenta-
tion d’une grandeur chimérique. Placez le fage vis-à-
vis de lui-même, qu’il n’ait que lui pour témoin de
fes actions, que le murmure flatteur des louanges ne
pénétré pas jufqu’à lui dans fon défert, réduifez cet
homme triftement vertueux à s’envelopper dans fon
propre mérite, à viv re , pour ainfi dire, de fon propre
lu i, vous reconnoitrez bientôt que tout ce fafte
de fagejfe n’étoit qu’un orgueil impofant qui tombe
de lui-même , lorfqu’il n’a plus d’admirateur. Avec
quel front voulez-vous qu’un tel fage affronte les ha-
zards? Qui peut le dédommager d’une mort qui lui
ôtant tout fentiment, détruit cette fagejfe même dont
il fe fait honneur? Mais fuppofez-vous l’homme immortel,
il eft plus grand que tout ce qui l’environne.
Il n’eftime dansl’homme que l’homme même. Les in-
juftices des autres hommes le touchent peu. Elles ne
peuvent nuire à fon immortalité ; fa haine feule pour-
roit lui nuire. Elle éteint le flambeau. L ’homme mortel
peut affe&er une confiance qu’il n’a pas,pour faire
croire qu’il eft au-deffus de l’adverfité. Ce fentiment
ne fied pas bien à un homme qui renferme toutes
fes reffources dans le tems. Mais il eft bien placé
dans un homme qui fe fent fait pour l’éternité. Sans
fe contrefaire, pour paroitre magnanime, la nature
& la religion l’élevent affez pour le faire fouffrir fans
impatience, & le rendre content fans affeâation. Un
tel homme peut remplir l’idée & le plan de lafuprè-
me valeur, lorfque fon devoir l’oblige à s’expofer
aux dangers de là guerre. Le monde verra dans lui
un homme brave par raifon ; fa valeur ne devra point
toute fa force à la ftupidité qui lui ferme les yeux fur
le précipice qui s’ouvre fous fes pas, à l’exemple qui
l’oblige de fuivre les autres dans les plus affreux périls
, aux confidérations du monde qui ne lui permettent
pas de reculer où l’honneur l’appelle. L’homme
immortel s’expofe à la mort, parce qu’il fait bien
qu’il ne peut mourir. Il n’y a point de héros dans le
monde, puifqu’il n’y en a point qui ne craigne m
mort, ou qui në doive fon intrépidité à fa propre
foibleffe. Pour être brave, on ceffe d’être-homme ,
& pour aller à la mort, on commence à fe perdre de
vue î mais l’homme immortel s’expofe, parce qu’il fe
connoit. L’héroïfme , dans les principes d’un homme
qui renferme toutes fes efpérances dans le monde ,
eft une extravagance. Les louanges dê la poftérité
contre lefquelles il échange fa v ie, ne font pas câpa-^
blés de l’en dédommager. Comment donc &: jîarquel
prodige des hommes qui ne paroiffent avoir connu
d’autre vie que la préfente , ont-ils pu confentir à
ceffer d’être, pour être heureux? Cicéron a cru que
le principe de cet héroïfme étoit toujours une efpé-
rance fecrette de jouir de fa réputation dans leffein
même du tombeau. Mais il y a quelque chofe de plus.
Il ne feroit pas impoflible que ces hommes célébrés
ayent été plus heureux par leur mort, qu’ils nel’euf-
fent été par leur vie. Admirés de leurs amis & de
leurs compatriotes , perfuadés: qu’ils le feroient de
leurs ennemis mêmes & de la poftérité, cette épaiffe
nuée de tant d’admirateurs a pu, pour des imaginations
vives ', former un fpeâacle dont le charme ,
quoique de peu de durée,.fut pour eux d’un plus
grand poids que leur propre vie. L’amour de nous-
mêmes éclairé par la raifon , ne confentira jamais à
un tel facrifice : ce n’eft qu’à la faveur des accès d’une
imagination féduite & enchantée, qu’il lui applaudira.
Il faut, obferve Séneque, apprehdre ehàqùe joitr
à fe quitter ,il faut apprendre à mourir. Ce fentiment
qui eft fi noble & fi relevé dans une bouche chrétienne,
paroit tout-à-fait ridicule dans celle d’unftoï-
cien. Il n’a voit aucune crainte ni aucune efpérance
pour l’autre vie. Pourquoi doncs’impofoit-il une peiné
fi rigoureufe ? Pourquoi fiiyoit-il les plaifirs atti-
rans , lui qui devoit à la mort rentrer dans le fein de
la divinité ? Quel avantage avoit le philofophe obf-
cu r , toujours rempli de penfées funeftes , toujours
forcé à fe contraindre ; quel avantage avoit-il fur le
libertin aimable & aimé, fatisfait de fon bonheur,
ingénieux dans la recherche de la volupté? Le même
fort les attendoit tous deux. La vie des hommes s’envole
trop rapidement, pour être employée à la pour-
fuite d’une vertu farouche & opiniâtre. Nous ne pouvons
trop chercher à être heureux; & le préfent eft
le feul moyen qui nous conduife à la félicité, du-
moins à celle aont nous fommes capables ici-bas.
Dompter fes pallions, fe gêner fans ceffe, renoncer
à fes plus cheres inclinations, corriger fes erreurs ,
veiller fcrupuleufement fur fa conduite, c’eft l’emploi
d’un homme qui perce au-delà de cette v ie , qui
làit par la révélation, qu’il furvivra à la perte de fon
corps. Mais les Stoïciens n’avoient pas les mêmes
motifs de fe flatter ; jamais un avenir obfcur ne leur
a tenu lieu du préfent, & le préfent étoit toute leur
richeffe, l’objet de tous leurs defirs. Aufli les philo-
fophes grecs, qui parloient fuiyant leur coe u r,
avoient-ils une morale douce, & accommodée aux
différens befoins de la fociété. Le portique feul fe
diftingua par une févérité déplacée ; trop de confiance
en la raifon, l’abus de fes forces, un courage
mal entendu le perdirent entièrement.
SAGESSE, ( Critiq.facrée) fapience^ votpia. f roipûoevJtt ;
ce mot qui chez les Grecs & les Latins fe prend pour
la fcience de la philofophie, a encore d’autres lignifications
dans l’Ecriture. Il défigne par exemple,
ï®. dans le Créateur , fes oeuvres divines; p f l. 8.
2.0. Fhàbileté dans un art ou dans une fcience ; Exod.
xxxix. j . 3°. la prudence dans la conduite de la vie ;
111. Rois ij. 6. 4°. la doôrine , l’expérience ; Job.
l’afïemblage des vertus: à mefure que
Jefus-Chrift croiffoit en âge , il donnoit de plus en
plus des preuves de fa fagejfe; Luc. ij. 5x. 6 ° . la prudence
prefomptueufe des hommes du monde : je
confondrai leur fagejfe ; I. Cor. /. ijj; 7®. enfin la fâ -
geJJ'e éternelle eft l’être fuprême ; Luc. xj. 4$ : (JD. /.)
Sagesse , ( Mythol. ) il ne paroît pas que les
Grecs aient jamais divinifé la fagejfe , qu’ils appél-
loient aofut, mais ils Font du moins pdrlonnifiee, 6c
le plus fouvent fous la figure de M inerve, déeffe de
la/agejfe: fon fymbole ordinaire étoit la chouette;
oifeau qui voit dans les ténèbres, & qui marque que
la vraie fagejfe ri’eft jàmàis eridormie. Les Lacédémoniens
repréîentoient la fagejfe fous la figure d’un jeu- •
ne homme qui a quatre mains & quatre oreilles ; un
carquois à fon côté, & dans fa main droite une flute ;
ces quatre mains femblent défigner que la vraie fagef
fe eft toujours dans l’aftivité ; les quatre oreillés ;
qu’elle reçoit volontiers des confeils ; la flute &c le
carquois ; qu’elle doit fe trouver par-tout, au milieu
des armées corhme dans les plaifirs : c’eft du moins
là ce que penfent dos mythologues moraliftes. (D . ƒ.)
Sagesse livre de ta t (Théol.J nom d’un des livres
canoniques de l’ancien Tèftament, que les Grecs appellent
fagejfe de Salomon; &o$ici a-aXo/xovToç; & qui
eft cité par quelques anciens fous lë rtom grec de
Trctvapmoç, comme qui diroit recueil ou trefor de toute
v e r tu , ou inftruftions pour nous conduire à là
vertu. En effet le but principal quefe propofe l’auteur
de cet ouvrage, eft d’inftruire les rois , les grands;
les juges de la terre.
Le texte original de Cet ouvrage eft le grec , & il
n’y a nulle apparence qu’il ait jamais été écrit en hébreu
; on n?y voit point les hébraïfmes & les bar-
barifmes prefque inévitables à ceux qui traduifent un
livre fur l’hébreu; l’auteur écrivoit affez bien en grec
& avoit lu Platon & les poètes grecs ; dont il emprunte
certaines expreflions inconnues aux Hébreux, telles
que ¥ambroifie , le fleuve d'oubli , lé royaume de
Pluton ou d A dis, &c. il cite toujours l’Ecriture d’après
les feptante , lors même qu’il s’éloigne de l’hébreu
, & enfin fi les auteurs juifs l’ont cite, ce qu’ils
en rapportent eft pris fur le grec; Toutes ces preuves
réunies démontrent que l’original eft grec.
La tradu&ionlatine que nous en avons, n’eft pas
de S. Jérôme , c’eft l’anciehne vulgate ufitée dans
l’églife dès le commencement, & faite fur le grec
long-tems avant S. Jérôme ; elle eft exaéie & fidele,
mais le latin n’en eft pas toujours fort pur. L’auteur
de ce livré eft entièrement inconnu ; quelques-uns
l’attribuent à Salomon, & veulent que ce prince l’ait
écrit en hébreu , qu’on le traduifit en grec, & que
le premier original s’étant perdu, le grec a depuis
paffé pour l’original ; mais quelle apparence que les
juifs n’euffent pas mis cet ouvrage au nombre de leurs
livres canoniques, s’il eût été de Salomon ? D ’où
vient qu’il n’eft point en hébreu , que perfonne rie
l’a jamais vu en cette langue, que le tradu&eur n’ert
dit rien , & que fon ftyle ne fe reffent point de fon
original ?
D ’autres l’ont attribué à Philon , mais on ne con,-
noit point précifément quel eft ce Philon : car l’antiquité
fait mention de trois auteurs dé ce nom ; le
premier v ivoit du tems dePtolomée Philadelphe; le
fécond eft Philon de Biblös , cité dans Eufebe &
dansJofephe; letroifieme eft Philon le juif, affez
connu : ce ne peut être le premier de l’exiftence duquel
on a de bonnes raifons de douter, ni le fécond
qui étoit payen, ni le troifieme qui n’a jamais été
reconnu pour un auteur infpiré.
Grotius penfe que ce livre eft d’un juif qui l’écrivit,
dit-il, en hébreu depuis Efdras & avant le pontificat
du grand prêtre Simon. Il ajoute qu’il fût traduit
en grec avec affez de liberté, par un auteur chrétien
qui y ajouta quelques traits & quelqües fentimens
tirés du chriftianifme ; delà vient qu’on y remarque,
félon cet auteur, le jugement univerfel, le bonheur
des juftes, & le fuppliee des méchans, d’une maniéré