fortes d’excès ; on fait feulement que les califes évidentes
dont l’aûion tombe fous les fens , comme les
coups, les bleffures, les chutes, les contufions, n’oc-:
calionnent jamais la fciatique , quoiqu elles puiffent
donner naiffance à des douleurs dans les memes parties
; celles qui contribuent à produire la fciatique,
n’ariffent que lentement, d’une maniéré cachée , m~
fenfible & par-là même plus sûre 8c plus durable ;
la plus ordinaire de ces caufes eft l’habitation trop
long tems continuée dans des endroits humides, marécageux
, &c. mais toutes ces caufes ne font le plus
fou vent que mettre en jeu ou déterminer une dif-
pofition héréditaire, communiquée par des parens
fujets à ces maladies ; ce germe, héritage funefte ,
relie caché, fans force 8c fans effet, pendant ^premières
années de la vie , il fe développe avec l’âge ,
& par les excès ouïes erreurs dans l’ufage de ce qu on
appelle en terme de l’école, les f i x chofes non-naturelles
, il manifede enfin fa préfence par les fympto-
mes que nous avons décrits;mais en quoi confifte cette
difpofition , quel eft le vice qui produit immédiatement
la fciatique 8c les maladies arthritiques ? où
réfide-t-il ? eft-ce dans les parties folides, dans les
nerfs ou dans les humeurs ? c’ell fur quoi les médecins
font partagés , chacun alléguant, de fon cote des
preuves, li-non démonllratives pour l’opinion qu il
foutient, du moins affez fortes pour détruire le len-
timent de fon adverfaire ; il en refulte que ces quef-
tions n’ont point été réfolues encore d une maniéré
fatisfaifante, & l’inutilité des efforts qu’on a faits de
part & d’autre pour en venir about, prouve évidemment
8c la difficulté de l’entreprife, 8c le courage de
ceux qu’elle n’a pas rebutés. Les anciens ont avancé
très-gratuitement, que c’etoit des -vents enfermes
profondément dans les chairs , qui donnoient naiffance
à la fciatique, les modernes n ont pas ete plus
fondés àl’attribuer à un dépôt de matières âcres,epaif- .
fes , tartareufes , 8c à imaginer ces qualités dans la
hiaffe générale'des humeurs; d’autres ont avancé
trop généralement, que les nerfs feuls avoient part
à la production de la fciatique, êc qu’elle étoit en
conféquence une maladie purement fpafmodique ou
nerveufe ; ceux qui auroient pris un milieu, &qui
en auroient fait une maladie mixte humorale 8c nerveufe,
n’auroient-ilspas approché plus delà vérité,
ou du moins de lavraiffemblance? Stahl & fes difci-
piesNeuter , Junker , &c. ont fait encore jouer ici
fort inutilement, pour ne rien dire de plus, un grand
rôle à leur ame oxivriere ; mais comme ils n’ont vit
réfulter aucun avantage de ces douleurs vives, opiniâtres
8c périodiques , ils ont cherché ailleurs un
motif qui ait pu déterminer l’ame qui n’agit jamais
fans raifon , à exciter cette affedion ; ils ont en conféquence
imaginé que la fciatique devoit fa naiffance
aux mouvemens plus confidérables Sc aux efforts de
l’ame qui, pour le plus grand bien du corps , méditant
l’excrétion hémorrhoïdale, n’avbit pu l’obtenir:
ainfi les humeurs pouffées en plus grande abondance
vers ces parties, fe répandoient aux environs 8c fe
jettoient préférablement fur la hanche; de façon que
fuivant eux , la fciatique n’efl produite que par l’erreur
ou l’impuiffance de Famé , qui eft mife en de-
penfe de forces , qui a troublé toute la machine fans
avoir des forces fuffifantes 8c fansfavoirfi ce trouble
auroit une iffue favorable. Un peu plus de connoif-
fance dans cet être intelligent, l’auroit fait relier dans
l’inaftion jufqu’à-ce qu’il eut été bien inftruit que
tous les vaiffeaux étoient difpofés convenablement,
& les humeurs préparées à féconder fes efforts ; 8c fi
ce principe du mouvement eut eu plus d’empire fur la
machine , il auroit forcé les obftacles qui s’oppo-
foient à fes deffeins, & au lieu d’une maladie facheu-
fe, auroit excité une évacuation falutaire ; par ce
moyen , la fciatique eût été à jamais inconnue, au
grand avantage de l’humanité , tant la puifîance St
les lumières font néceffaires au chef d’un état, 8c tant
il importe , quand on imagine , de faire accorder fes
idées , finon avec la vérité, du moins avec la vraif- ^
femblance.
Nous ne tirons de l’obfervation prefque aucun
éclairciffementfur ce qui regarde cette maladie, foit
qu’on l’ait trop négligée , rebuté par le travail pénible
8c fec qu’elle exige , pour courir la carrière plus-
facile & fleurie du ràifonnement, foit qu’en effet elle
foit peu lumineufe par elle-même dans ce cas ; la-plupart
des obfervations qu’on a faites fur le cadavre ,
n’ont découvert dans les parties affeélées, aucun dérangement
fenfible. Cependant Riviere rapporte que
la veuve de Pierre Aubert ayant à la hanche des dou- '
leurs très-vives qui s’étendoient jufqu’au pié, accompagnées
d’une tumeur dont la preffion faifoit redoubler
la douleur, quidevenoit quelquefois lancinante ;
on foupçonna un abfcès profond , on porte en conféquence
le fer Sc le feu fur cette partie, l’ouverture
faite ne donne iffue à aucune matière purulente.,
quinze jours après le malade devient hydropique 8c.
meurt peu de tems après ; on ouvre le cadavre , -on
diffeque la cuiffe, 8c on trouve dans la partie où l’on
avoir jugé Fabfcès , de petites glandes tombées en
fuppuration, mais dont le pus ne pouv-oit s’échapper,
Obfcrv.43. centur.JI. Fabrice Hildan donne une ob-
fervation à-peu-près femblable , d’un ouvrier en bois
nommé Arnedée , qui après avoir été pendant deux
ans tourmenté de diverfes maladies, effuyade vives
attaques de fciatique auxquelles il fuccomba ; en dif-
féquant la partie affeftée , on trouva près du grand
rotateur du fémur droit, un amas de liqueur purulente
, dont le poids auroit excédé une livre , 8c qui
en rongeant 8c relâchant les ligamens de l’articulation
avoitfans doute donné lieu à la luxation qu’on avoit
obfervée dans le malade , 8c on rencontra fous le
mufcle près du côté gauche, un athéromc qui con-
; tenoit plus de deux livres de pus très-épais. O b f y t .
centur. I . Il paroït que ces deux maladies qu’on a jugé
être des feiatiques, à caufe du fiege de fa douleur ,
n’en étoient point en effet, fur-tout la dernière, oh
la douleur .étoit la fuite du dépôt qui fe formoit, 8c
j qui étoit vraiffemblablement critique , ayant lieu
- dans un homme cacochime, 8c le délivrant d’un état
valétudinaire oîi il avoit langui l’efpace de deux ans;
en vénérai, on ne trouve rien qui ne foit naturel dans
la hanche , la cuiffe des perfonnes qui ont gardé la
fciatique pendant très-long-tems ; 8c ce n’eft que fur
des conje&ures qu’on a établi que le fiege de cette
maladie devoit être dans le mufcle aponévrotique,
placé à la partie fupérieure interne de la cuiffe, d’où
il fe prolonge le long de cette partie 8c de la jambe,
occupant plus ou moins d’étendue, jufqu’au pié, 8c
qu’on connoit même en françois, fous le nom latin
de fafcialata ; ces conjeêlures font fondées furlafen-
fibilité extrême des parties tendineufes (quoique pa-
roiffent prouver de contraire les expériences fautives
de M. de Haller), 8c fur la place qu’occupe la douleur
exaêlement correfpondante â celle du fafeia lata, lors
même qu’elle s’étend jufqu’aux pies.
Le peu que nous tenons de l’obfervation 8c qui ne
répand prefque aucun jour fur la nature de cette maladie
; c’eft que les perfonnes les plus fujettes à la
fciatique font celles qui naiffent de parens qui en ont
été attaqués,. ou qui ont eu la goutte dans quelque
autre partie; elle eft plus familière aux hommes qu’aux
femmes, 8c n’attaque guere que celles qui font robustes
, 8c qui par le tempérament 8c la façon de vivre
font plus femblables aux hommes ; les jeunes gens 8c
les adultes y font moins expofés qu’aux autres efpe-
ces de gouttes, il femble que ce foit une maladie plus
particulièrement refervée aux vieillards ; elle fucce-
; de quelquefois à la ceffation des réglés , des \iémorrhoïdes
, à la fuppreffion ides évacuation^ naturelles
ou accoutumées, aux rhumatifmes, 8c rarement à la
goutte ; elle y dégénéré plus fouvent, 8c même affez
promptement quand elle èft très-vive, c’eft-à dire la
goutte fe porte plus ordinairement dé la hanchejaux
pies 8c aux mains, que de ces parties à là hanche.
La fciatique eft d’ailleurs Une maladie plus incommode
que dangefeufe ; rarement elle contribue à accélérer
la mort du malade , quelques auteurs croyent
plutôt qu’elle fert à la retarder ; du moins eft-il certain
que les perfonnes attaquées de cette maladie vivent
affez long-tems ; -fëroit-ce Amplement parce
qu’elle ne commencé que dans un âge très-avancé ,
& qu’elle n’a lieu que dans certains tempéramens ro-
buftes qui n’âuront pas été affez affoiblis par les excès
, ou pas affez fortifiés fauté d’exercice ? Il eft
extrêmement difficile , 8c pëiit-etre imprudent de la
guérir , 8c d’autant plus qu’elle eft plus invétérée ;
Stahl prétend que la fciatique, les hérfiorrhoïdes, la
néphrétique 8c le calcul fe rencontrent très-fouvent
enlemble, fe fuccedent 8c fe produifent réciproquement
; cette prétention eft juftifiéé à certains égards
par l’obfervation ; on a remarqué en général 8c affez
vaguement , que les maladies arthritiques aVoient
beaucoup de rapport du côté des caufes avëc lè calcul
; ce qui regarde les hémorrhoïdes n’eft point auffi
conftaté ; & l’âge où la fciatique paroït le plus fréquemment
eft très-peu approprié pour cette évacuation.
S’il eft arrivé quelquefois, ce que j’ignore, que
les hémorrhoïdes ayent terminé lafciatique, elles ont
cela de commun avec toutes les autres excrétions 8c
avec tous les remedes qui font dans la machine une
grande révolution ; le feul danger que courent ces
malades, c’eft que la tête du fémur forte de l’articulation
, 8c les rende boiteux ; il fe ramaffe alors dans
ces parties, fuivant l’obfervàtion d’Hippocrate, beaucoup
de mucofité 8c quelquefois la jambe maigrit 8c
fe deffeche, tout le corps même tombe dans l’athro-
phie 8c dans cette efpece de phthifie, tabes, qu’il appelle
ifehiadique, î<r%iâS'iy-M, 60. lib. vj. le feu feul porté
dans cêtte partie peut prévenir ces accidens. Aphor.
S oj. & 6 O. lib. V I .
De toutes les efpeces de gouttes, la fciatique eft unanimement
regardee comme la plus opiniâtre 8c la plus
rébelle aux différens fecours que la Médecine a fournis
; on a épuifé pour venir à-bout de la guérir fusement
8c conftamment, avec auffi peu de fuccès, les
altérans que les évacuans ; on a paffé des purgatifs
aux fudori§ques,de ceux-ci aux diurétiques ; les apéritifs
, les aftringens, les fpirituèux, les délayans ,
les relâchans, les adouciffans ont été fucceflïvement
employés ; en un mot, on a changé chaque fois de
méthode , preuve certaine qu’il n’y en avoit aucune
de bonne , 8c peut-être qu’on n’en doit point chercher
de générale, ou même d’aucune efpece. L’ufage
à-peu-près inutile de tous ces divers medicamens , a
donné naiffance à cette multiplicité de fecrets que
l’on a débités à l’ordinaire comme des remedes infaillibles
; les charlatans fe font emparés de cette maladie
8c l’on y a ajouté d’autant plus de confiance
qu’ils promettaient davantage ; loin d’être rebutés
par les efforts inutiles des Médecins éclairés ; ils n’en
étoient que plus encouragés, 8c effectivement ils
avoient raifon , ils ne rifquoient par le mauvais fuccès
que d’être mis à leur niveau, 8c s’ils réuffiffoient
ils étoient regardés comme bien fupérieurs ; l’intérêt
du malade n’étoit compté pour rien ; ils donnoient
avec cette aveugle prefomption 8c cette témérité
fouvent funefte que laiffe l’ignorance , les remedes
les plus aûifs qui jettoient un trouble confidérable
dans toute l’économie animale ; d’où il eft réfulté
que les malades affez robuftes polir fupporter ce trouble
, 8c dans qui il tournoit henreufement, étoient
guéris ou beaucoup foulages , 8c ceux qui étoient
moins bien côfiftitués fans être délivrés de leur maladie
, toihboient dans d’autres plus férieufes, ou
même mouroient affez promptement. On a répandu
un grand nombre de recettes prefque uniquement
compofées de poudres tempérantes, d’abforbans, de
terreux, 8c de medicamens de cette efpece ; au moins
ces remedes abfolument inefficaces ne pouvoient
produire aucun mauvais effet, 8c n’avoient d’autre
inconvénient que celui d’amiifer le malade 8c d’é-
puifer fa bourfe ; il n’en eft pas de même d’une autre
efpece de remedes qui féduifoient d’abord par leur
efficacité , mais dont le danger étoit d’autant plus
grand que leur fuccès apparent avoit été plus marqué
; je parle des amers nerveux, anti-fpafmodiques,
8c du quinquina fur-tout; il n’eft pas douteux que
par leur moyen on ne puiffe venir à-bout d’éloigner,
de fufpendre pendant un tems confidérable les paro-
xy fines, ou même d’empêcher tout-à-fait leur retour
; mais quelques obfervations bien conflatées
font voir que les malades qui en avoient éprouvé les
effets les plus heureux , devenoient après quelque-
tems languiffans, valétudinaires, fujets à beaucoup
d’incommodité, 8c que plufieurs étoient emportés
par des morts fubites. Ainfi les confeils les plus falu-
taires qu’on puiffe donner aux perfonnes attaquées
de la fciatique, eft de ne faire aucun remede interne,
parce qu’ils font tous dangereux ou inefficaces ; de
vivre fobrement, d’éviter tout excès dans le boire,
le manger 8c les plaifirs vénériens ; d’être plus réfer-
vés fur la quantité des alimens 8c des boiffons, que
fur leur qualité , de fe garantir foigneufement du
froid, d’être toujours habillés chaudement, 8c de façon
à entretenir la liberté de la tranfpiration , de
porter en conféquence fur la peau des corcets d’étoffe
de laine , 8c fur-toùt de flanelle, 8c au moins d’en
envelopper la partie affeêtée , d’avoir quelquefois
recours aux friêtions fechés avec des broffes de crin
ou des étoffes de laine ; on peut les faire générales ;
on doit les faire particulières 8c locales, 8c enfin.d’u-
fer d’un exercice modéré.
Quant aux remedes topiques qu’on emploie principalement
dans le tems du paroxyfme, on en a varié
les formules à l’infini ; les uns ont confeillé des
remedes chauds, d’autres ont préféré des adouciffans
, des relâchans ; ceux-ci ont employé les narcotiques
, 8c ceux-là les fpirituèux fortifians ; il y en
a qui ont eu recours à l’application des fangfues 8c
à des faignées locales ou à des fcarifications , quelques
autres ont beaucoup vanté les vertus des ven-
toufes, 8c du feu même appliqué à nud ; ils fe font
fondés fur la pratique affez heureufe des Japonois 8c
des Chinois qui brûlent la moxe fur la partie affectée.
Hippocrate avant eux s’étoit déclaré partifan de
cette méthode, il tient beaucoup pour l’ufage du feu
dans les maladies qui ne cedent pas à l’efficacité des
autres remedes ; le fer, dit-il, emporte les maladies
rébelles aux médicamens, 8c le feu vient à-bout de
celles qui réfiftent au fer. Aphor. S. lib. V I I I . il pa-
roît même avoir connu l’ufage de la moxe, du moins
la combuftion qu’il propofe avec le lin cmd dans les
cas de fciatique 8c de douleur fixe lui eft affez analogue.
Lib. de affection, fect. v. ce remede fouvent efficace
n’efl: point affez goûté dans nos climats ; les machines
délicates qui l’habitent, trop effrayées par le
feu, trouveroient le remede pire que le mal ; pour
ce qui regarde les autres topiques, ils font tous déplacés
dans le tems du paroxyfme , excepté peut-
être les vapeurs fpiritueufes des plantes ou des réfines
aromatiques brûlées. Si les douleurs font modérées,
il faut les fouffrir patiemment. Si elles font trop
vives 8c abfolument infupportables, qu’on ait recours
aux narcotiques pris intérieurement ou appliqués fur
la partie ; je me fuis fervi quelquefois pour foulager
avec affez de fuccès d’un Uniment fait avec l’huile